Le petit cochon rose

Il existe quelques passions dévorantes qui ruinent le budget familial. Ma femme a la musique, ses cours, ses instruments, ses partitions, ses locations de salle de concert, et moi j’ai la musique et la photographie. A part les commandes d’albums, pour la musique, la situation s’est stabilisée depuis quelques temps, me contentant de l’actuelle configuration de la chaîne. Pour la photographie, c’est une tout autre histoire.

Comme pour la musique, tant que l’on a pas goûté à la qualité, on ne se rend pas compte des progrès possibles. J’ai longtemps écouté du mp3 128 sur un home cinéma Yamaha entrée de gamme. Mais ça c’était avant, avant d’aller chez un copain écouter son ampli Arman Kardon, ses enceintes Triangles et son DAC Atoll.

La photo c’est pareil. J’ai commencé raisonnable, avec un boitier entrée de gamme et des objectifs à bas coût. Mon Samyang par exemple où mon Tamron 70-300 mm. Au fil du temps, mes exigences en matière de piqué, d’ouverture sont allées sans cesses croissantes, même si ma technique ne s’est guère améliorée. Il y a bien évidemment du snobisme dans tout ça, surtout lorsque l’on est qu’un amateur. Il y a également la joie de se faire plaisir. Mais le plaisir devient vite prohibitif en photographie, et après deux belles optiques Nikkor et Sigma, j’ai décidé de lever le pied. Alors, pour éviter tout découvert bancaire, j’ai remis au goût du jour la vieille recette du petit cochon rose. Une cagnotte, dans laquelle, tous les mois, je glissais un billet, dans laquelle, je mettais la recette des reventes de jeux, consoles, objectifs, livres et cie…

La méthode thérapeutique a bien fonctionné quelques temps, le petit cochon grossissait tranquillement et j’étais en paix, rêvant du jour où je ferai du boudin. Les fêtes approchant, le cochon est devenu de plus en plus gras (c’est la période ou jeux et les consoles d’occasion se vendent bien). Je commençais à saliver devant le lard et à élaborer des fantasmes photographiques de plus en plus précis.

Et puis un jour de pluie, alors que l’on célébrait la fin d’une boucherie innommable, que tous les commerces auraient du fermer leurs portes pour laisser les braves gens se reposer, une de ces journées de déprime où l’on tourne en rond en écoutant du Fish et où l’on surfe sur le net sans but, j’ai craqué. J’ai regardé le petit cochon à la queue en tire-bouchon. Je n’ai pas supporté son bonheur insouciant, ses grognements de contentement alors qu’il se roulait dans la boue. Alors je l’ai égorgé. Un joli petit cochon de lait qui aurait pu donner des kilos de saucisse, de lard, de boudin, à qui il restait des mois de vie insouciante. Tout est à recommencer maintenant et je vais devoir passer sur le banc de musculation. J’ai troqué le Samyang 500 mm ouvert à 6.3 contre un Nikkor 200-500 mm ouvert à 5.6, pas tout à fait le même budget, pas tout à fait le même poids.

Pour me punir, il a plu des cordes, le ciel était gris et il ventait très fort. Impossible de sortir étrenner l’engin dans la nature. Je n’ai pu faire qu’une courte sortie lundi après midi entre deux averses pour tester le bazooka. Et comble de malheur, j’ai utilisé la carte adhérent de mon épouse, qui a reçu la facture de ma folie au travail, alors que j’étais encore dans les transports en communs, ramenant le bazooka à la maison. J’ai reçu quelques SMS, et j’ai du me justifier…

 

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