Les gros niqueurs

En préambule, je voudrais avertir le lecteur : je suis très seul, je passe ma vie sur un blog et je recherche des amis. J’espère que cet édifiant article m’ouvrira de nombreuses amitiés dans l’univers impitoyable de la musique…

Les chroniqueurs seraient-ils tous des musiciens ratés ?

Prenons mon cas à moi qui parle de moi moi moi et qui est une bonne extrapolation de la population moyenne des chroniqueurs, parce que c’est moi quoi, encore que je me classe plutôt au sommet du tableau.

Clairement je suis un musicien raté. Tout jeune, je rêvais d’être Armstrong et Gabriel. Non pas Louis et l’ange mais Neil et Peter. Oui les deux à la fois, l’astronaute qui pose le premier pied sur la lune en chantant « Oh Biko, Biko, because Biko » habillé tout de blanc devant des millions de téléspectateurs. Contradictoire ? Franchement, je ne vois pas pourquoi…

Tout petit déjà je faisais de la musique sur un piano électrique, avec un Commodore 64 comme synthé. Je composais, j’écrivais des textes et je chantais : « la la lolo lili lu la la… ». Mes voisins étaient des saints. Inutile de vous le dire, j’étais très mauvais, surtout sur deux claviers, lançant des loops sur le C 64 pendant que je plaquais des accords mineurs sur mon piano. C’est à cette époque que j’ai composé un air inoubliable en trois accords septièmes, « Bouffer, boire, baiser ». Il a résonné dans la résidence universitaire les soirées de beuverie. Pathétique aurait dit Beethoven.
– Quoi ? qu’est-ce qu’il dit ?
Bref… Je me croyais musicien.

Un jour j’ai épousé une pianiste, la plus grave erreur de ma vie… (enfin bon pas tant que ça puisque cela dure depuis 25 ans). Dès lors j’ai compris que je ne serais jamais chanteur, encore moins claviériste de groupe de progressif, à leur rigueur dans une formation punk.
– Mais y a pas de clavier dans le punk ?
– Justement…

Je connais hélas nombre de chroniqueurs qui ratent de la guitare, pardon tâtent (putain de correcteur orthopédique), massacre du clavier, et cassent du petit bois à la batterie. Il y en a même qui chantent, enfin qui crient comme des gorets que l’on égorge. Musiciens ratés, ils sont devenus chroniqueurs. Mais pourquoi chroniquer lorsque l’on est incapable de faire le centième de ceux que l’on critique ? Pour se venger bien sûr !

Lorsque l’on est un musicien contrarié ou raté, quoi de plus jouissif que de mettre en boite ceux qui possèdent du talent et essayent d’en vivre ? Une fausse note, un quart de temps de retard, un accord un peu convenu, un emprunt à un des monstres sacrés et paf, c’est la sanction. « Heu l’autre il est trop nul, il ne sait même pas tenir à 4/7 sans se vautrer, quel bouffon, moi je suis sûr que si ma maman m’avait laissé aller au conservatoire et qu’à Noël, au lieu des playmobils j’avais reçu un Steinway, j’aurais fait mieux que lui. ». Mais oui bien sûr…

Les chroniqueurs détestent les musiciens, ils sont jaloux de leur aura, de leurs folles nuits sex drug & rock & roll, c’est à dire six cent kilomètres de voiture, tassés à cinq avec les claviers, les guitares, la batterie, les câbles et les sandwichs jambon beurre pour trente minutes de set dans un salle déserte et un cachet de cinquante euros les bons jours.

Plutôt que d’écouter la musique, le chroniqueur cherche la faille, l’enregistrement à bas prix, le manque d’inspiration. « Comment ça c’est dur de se renouveler ? Tu es un artiste non ? ».

Pour le chroniqueur, la critique est aisée. Pour l’artiste, elle est cruelle… Quelques mots piquants peuvent mettre à bas le travail de plusieurs mois. Il ne s’agit pas de cirer les pompes ni de porter aux nues les musiciens, il s’agit d’être juste, d’exprimer son ressenti sur la musique, de mettre en avant des coups de cœurs et expliquer pourquoi vous ne serez jamais capable d’être aussi inspirés qu’eux. Car pour la plus grande part, les musiciens sont des artistes, pas des commerçants. Ils vendent pour vivre et non l’inverse. Nous les chroniqueurs, nous ne sommes que vautours qui profitons de leur talent pour parler de nous, des artistes ratés, qui, avec nos mots dissonants, parlons de symphonies.

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