18 heures d’une vie de chien

Image

5h – Warf !

6h – Grrrr… grrr ! Warf warf warf ! Chut ! Couché !

7h – Pinpon pinpon ! Ahouahou !

8h – Waw ! Waw ! Waw ! Mais tu vas te taire !

9h – Rufff rufff ! Warf warf ! Waw waw ! Ahouahou !

10h – Dring ! Waw ! Waw waw waw waw waw !

11h – Tut ! Tut ! Warf ? Warf ! Warf ! 

12h – … Rufff ! Warf ! Waw !

13h – Pinpon ! Pinpon ! Ahouahou ! Ahouahou ! Warf ? Rufff ! Rufff ! Ahouahou !

14h – Miaou ? Rufff Rufff ! Warf ! Warf ! Sshhh !

15h – Tut ! Tut ! Grrr ! GRRR ! Wouf  ! Waouf ! Kay ! Kay !

16h – Wroum wroum ! Rufff ! Waouf ! Warf ! Waw !

17h – Alors le kiki, il a été sage ? Il va se promener ? Warf ! Warf !

18h – Waw waw waw ! Alors comment ça va voisin ? Waw waw waw ! Couché ! Waw waw waw ! Tu vas te taire ? Waw waw waw ! Con de chien !

19h – Alors ma collègue m’a dit Waouf  ! tu vas te taire Waw waw ! et demain y a Michel qui va Rufff Rufff ! allô, tu m’entends, non c’est le chien Waf waf ! et donc il m’a dit…

20h – Grrrr, grrrr, grrrr ! Chut ! Grrrr ! Waf !

21h – Pinpon pinpon ! Ahouahou !

22h – Miou ? Waouf ! Waouf ! Ils sont pénibles avec leur chat, ils pourraient le rentrer le soir.

23h – Grrr… grrr ! Bonne soirée voisins ! Warf ! Warf !

Dans la cour goudronnée de dix mètres carrés en contrebas, sur le balcon de l’immeuble d’à côté, au troisième étage de la maison voisine, sur la terrasse au fond du jardin, il y a des chiens. Berger australien, labrador, roquet, doberman, il y en a de toutes les couleurs et de toutes les tailles.

Je n’ai pas l’air comme ça mais j’adore les chiens et si je n’en ai pas c’est justement parce que je les adore ! Un chien est un animal social qui déteste rester seul. Un chien a besoin de sortir une à trois heures par jour, pas juste aller pisser devant le portillon des voisins ou poser un étron au milieu du trottoir, mais de courir dans nature.

C’est tellement mignon un chiot, c’est même irrésistible. Sauf que la petite boule de poils va rapidement grandir et si elle n’a pas été correctement éduquée, elle va se transformer en animal agressif et névrosé. Garder un chien en appartement, c’est tout simplement cruel. L’animal a besoin de sortir pour se soulager et se dépenser, a besoin d’espace pour dégourdir ses jambes. Lorsque vous n’êtes pas là, le chien aboie à rendre fou le voisinage mais vous ne le savez pas, vous n’êtes pas là. Jusqu’au jour où un voisin excédé glisse un mot doux anonyme dans votre boîte aux lettres.

A la campagne, les chiens qui aboient, c’est presque rassurant au milieu du grand silence. En ville, entassés les uns sur les autres, c’est tout simplement insupportable ajouté aux autres nuisances urbaines.

Nous avons six chiens qui s’expriment à tour de rôle ou bien en chœur dans un rayon de cinquante mètres autour de la maison, ça fait beaucoup, beaucoup trop. Cela le donne envie de prendre, comme nos sympathiques voisins, un gentil cocker roux. C’est mignon comme chien chien, c’est joueur, débordant d’énergie et ça aboie tout le temps sur tout ce qui bouge.

Laids povres

Image

Mais voisins sont pas français. Viene de l’est. Saver, de ché Poutin. Cause pas comme nous. Vive dans une p’tite maison, qu’on peut mêtre que deux personnes dedans. Mais c’est comme les lapins c’est gens. Ça fait des p’tits, plein. Z’on une grosse voiture et pas d’sous, les allocs, no sous oui ! Lui il est manuel comme Valse. Travail au noir. Elle ces la pire. Elle s’occupe des vieux, leur pisse et tout. Des boulots de povrent. 

Ils mange tout tant dehors, avec des barbes-culs, doive pas avoir le gas. Il parle même pas not’langue, ces mal polit, on comprant rien quand on les écoute parlé pour savoir ski dise. Z’on un chien qui gueule tout le tant comme leur fille, elle ces une vrai poissonnière, en plus elle sore avec un noir. Sur quel couche. 

La y a leur vieux, sont la pour tout lété j’pense. Tassé comme des sardines dehors autour du barbe-cul, ils cose dans leur langue moche des trucks contre nous certainement. Pasqu’on les aime pas, sa non ! Sur qu’il on pas voté le Pen eu, veule leur allocs. Con mais pas fou les étrangé.

Ils von nous emmerder tout lété avec le chien, les vieu migré et la grillade. Sans parlez qu’il boive la bière toute la nuit et gueule de plus en plus fort. Saloperie de migré. Moi j’lai remtrai dans les bottes people qui traverse le Rhin. Z’on cas rentrer ché eu ces con.

Après faudra trouver des masson et des cones pour torché les vieu. Mais y a plein de chomeur qui dit le Macron. Sa fera de l’anploi pour tout le monde. Des fois j’panse que Poutine devrait lancer une bombe nucléaire à netron, celle qui tu sur les cons. Sa ferai du bien a la planette.

Cluster

Image

Soit les gouvernements nous mentent depuis plus d’un an, soit les gens sont des crétins. Je pense qu’il y a un peu des deux en fait, mais c’est une autre histoire.

Un vendredi, dans notre boîte aux lettres, un papier manuscrit nous informait que le samedi, la fille de nos voisins, organiserait son anniversaire, et qu’il pourrait avoir un peu de bruit.

D’ordinaire, ces sympathiques voisins, sont affreusement bruyants. Ils possèdent un chien qui gueule tout le temps, passent leurs soirées dehors sur les vingt mètres carrés de goudron qui leur servent de jardin, à discuter très fort au téléphone portable sur haut parleurs, en fumant des clopes et en buvant des canettes de bières. Non, je n’exagère même pas.

Donc imaginez ce que peut signifier pour eux, faire du bruit… Non, vous ne pouvez pas. Ce ne sont pas vos voisins.

J’ai sérieusement envisagé de prendre une chambre à l’hôtel ce soir là, c’est tout vous dire, et il n’y aurait pas eu le couvre-feu et un temps de chiotte, nous serions parti nous ressourcer dans un coin tranquille des Vosges.

Au lieu de quoi, j’ai déplacé mon lit côté rue, à l’opposé du lieu des festivités.

Malgré la pluie, des petits jeunes masqués ont débarqué vers 20h, beaucoup de petits jeunes, au moins une trentaine en fait. Eh ! le couvre-feu les gars ? Passé le portail, ils se sont débarrassé de leur déguisement sanitaire et ont commencé la tef. Musique, cigarettes, boisson, cris, pleurs, des jeunes quoi en pleine poussée hormonale. Pendant ce temps, les parents semblaient partis ailleurs, peut-être à l’hôtel, qui sait ?

Comme la maison de mes voisins est minuscule, la moitié de la troupe restait dehors (je ne sais pas comment ils ont géré la file d’attente devant les toilettes). Une bonne quinzaine d’ados, fumant, buvant, criant sous nos fenêtres.

Nous avons regardé un long film d’action pour échapper un moment au vacarme du voisinage. Vers 23h, nous avons tenté de dormir, mais pas facile avec le portail qui claquait contre notre mur tous les quarts d’heure, le boum boum de la techno et les hurlements à peine étouffés par un double vitrage et une porte.

L’enfer à duré jusqu’à 5h du matin et à 6h les parents de la gamine sont arrivés avec le chien qui comme d’habitude s’est mis à gueuler. J’ai du dormir un peu, entre deux claquements de portail et hurlements de rire.

J’aurais pu appeler le 17, mais ils sont débordés par des appels de violences conjugales en ce moment. Et puis bon, seraient-ils seulement passés ? J’ai testé une fois, c’est peine perdue. Peut-être qu’en leur parlant d’un cluster potentiel de trente adolescents ivres, ça les aurait motivé. Mais je l’avoue, j’ai surtout eu une pensée pour ces jeunes isolés depuis plus d’un an, privés de fiestas, à leur âge j’aurais pété un cable. Je suis trop con en fait. Depuis quand n’ai-je pas fait la fête, été à concert, fait une bonne bouffe avec les amis ? Je ne sais plus… La prochaine fois, je leur pourris la vie, à condition qu’aucun des trente ne soit porteur de la COVID-19, sinon il n’y aura pas obligatoirement de prochaine fois.

La fille a pécho ce soir là. Depuis elle a un petit copain. Pour ne pas se plotter devant les parents, les ados s’installent sur la rue, contre une barrière, devant nos fenêtres. Ils ne feraient que mélanger leurs langues de vingt-deux heures à deux heures du matin ça ne me dérangerait pas. Mais pas de chance, au lieu de partager du plaisir à deux, ils s’engueulent comme des poissonniers. Décidément, les chiens ne font pas des chats.

Le chien

Image

Nous vivons dans une maison de fou.

Au rez-de-chaussée, lorsque le piano ne résonne pas, la Hi-Fi prend la relève et si ce n’est pas la Hi-Fi, c’est le home cinéma. La machine à laver le linge, même en plein essorage, peine à couvrir le vacarme.

A l’étage la mini chaîne rivalise de puissance avec le piano numérique et le violoncelle.

Pour contrer ces nuisances sonores, notre fils aîné met un casque sur ses oreilles pour discuter avec ses amis. Ses éclats de rires et hurlements lorsqu’il joue en ligne couvrent parfois les notes du violoncelle.

Le petit dernier, qui n’aime pas la musique, son frère et ses parents, lorsqu’il n’en peut plus de cet enfer sonore, se défoule sur son sac de frappe, faisant vibrer les poutres de la vénérable habitation.

A droite vous entendez le zonzon des cordes frottées, à gauche la rythmique de la boxe et au milieu des hurlements de ténor.

Pour répondre à cela, le chat miaule d’une pièce à l’autre, grattant les portes si besoin est, afin de trouver un peu de réconfort dans une chambre calme et chaude.

Car en bas la chaîne passe du death metal au psychédélique en quelques secondes, se stabilisant une minute sur du krautrock et repartant de plus belle sur du punk.

La machine essore à mille-deux-cent tours minutes et se déplace en vibrant dans l’entrée. La cocotte minute siffle toute sa vapeur accumulée dans la cuisine, le bus de 19h fait trembler les poutres de la maison avant que les cloches du temple ne se mettent à carillonner et que le chien des voisins ne se lance soudain dans une série de hurlements démoniaques.

Alors furieux du dérangement, j’ouvre la fenêtre, le heavy rock jaillit hors de la maison comme une explosion de haine et je hurle au roquet de la fermer.

C’est vrai quoi, j’ai besoin de calme pour chroniquer.

Back In Black

La maison voisine fait peau neuve. Il faut dire que la pauvre, elle n’était pas gâtée par mère nature. Un espace exiguë, des murs fissurés, un toit peu étanche et surtout des propriétaires abrutis. 

Depuis plus de six mois, les travaux battent leur plein, les samedis, dimanches et fêtes, car si la bicoque s’améliore, ses occupants sont toujours les mêmes abrutis. « Y é né pas le sou alo yé fai sa o blaque ». Et le black, c’est le week-end, lorsque l’on essaye de se reposer. Meule, bétonnière, scie circulaire, perforateur, marteau piqueur, perceuse, gueulantes, chien qui aboie, ainsi passent nos fin de semaines dans la poussière soulevée par les machines. 

Back In Black, saison deux. Chaque été le même enfer. 

Tôt le samedi matin des petits coups de marteaux sournois ou une visseuse en pointillés pour vous réveiller en douceur puis le fauve est lâché dans l’arène, le chien se met à hurler sur tout ce qui bouge, lui même compris, alors le maître crie dessus sans effet apparemment avant de découper une poutre métallique avec une meule pas assez puissante. La fourgonnette blanche arrive alors (vous savez celle qui kidnappe les enfants) avec les copains payés à la bière ou les artisans non déclarés (et l’enfant attaché à des chaines à l’arrière). Ça gueule, ça s’engueule, ça tape, ça perce, ça crie et ça n’avance pas (tellement fort que l’on entend plus l’enfant pleurer).
Ils ont enlevé les tuiles (et l’enfant) du toit juste avant un orage épique, fait le crépi avant de changer les fenêtres,  construit un toit avant de décider d’en faire une terrasse. C’est qu’il y a de la jugeote chez ces gens (ils vont certainement demander un rançon).

Puis le soir, dans leur cour de 10m2, ils fêtent l’avancée du chantier, des libations bruyantes à la bière et au barbecue qui fume sous nos fenêtres, des réjouissances arrosées où l’abruti de chien a de nouveau droit à la parole. Tard dans la nuit, après avoir crié tout leur saoul, les travailleurs du dimanche repartent imbibés, le chien gueule une dernière fois pour la forme avant d’aller rejoindre son panier. 

Demain ça recommence.

Une vie de chien

Image

Paul Auster vous connaissez ? Oui cet écrivain américain qui dans presque chacun de ses romans transforme son personnage principal en SDF.

J’aime beaucoup sa plume même s’il faut espacer les lectures pour éviter des redites.
Généralement ses histoires ne respirent pas la joie de vivre et ses personnages sont souvent perdus dans la vie.

Avec Tombouctou, le narrateur est un chien, M. Bones, qui raconte la vie de son maître et sa propre existence de bohème, quand son bipède de compagnon passe l’arme à gauche.

M. Bones est un chien qui comprend l’anglais faute de le parler, même si certaines subtilités de langage lui échappe encore. Un vieux chien pouilleux de sept ans, plein de tiques, de vers, un bâtard intelligent qui aime son poète de maître.

La première partie du roman raconte la vie et la mort de l’écrivain maudit, vu d’un regard canin et sincèrement le récit part très vite en vrille, entre rêves, hallucinations et agonie. Le lecteur prend peur et se demande s’il va continuer l’histoire.

Puis le poète meurt pour de bon (il se loupe plusieurs fois) et M. Bones devient un chien errant, affamé, battant la campagne, traînant dans les rues, avant d’être recueilli par des gamins qui le maltraitent, un petit chinois dont le père ne veut pas d’animal à la maison et enfin une famille aisée qui s’occupe du bâtard comme ne le ferions avec notre animal de compagnie.

C’est alors notre monde vu par le chien, le traitement que nous réservons aux animaux de compagnie qui est raconté par Bones, une vision à quatre pattes qui ne manque pas de sel et de lucidité, toilettage, castration, interdits, chenil, solitude et orgie alimentaire. Après avoir lu Tombouctou, vous regarderez différemment votre chien, même s’il ne comprend pas l’anglais.

Et Tombouctou dans l’histoire ? Lisez le livre, vous comprendrez…

Songe d’une nuit d’été

Image

Ah l’été, ses douces soirées, ses apéritifs en terrasse, ses jeux dans la piscine, quel bonheur !

Le mercure grimpe, les jupes se raccourcissent, les cigales chantent, bientôt il faudra fermer les volets tant le soleil brûle la peau.

La chaleur peine à baisser la nuit. Pour dormir sans suffoquer dans une chambre à plus de 28°, une seule issue, ouvrir la fenêtre, cette belle fenêtre double vitrage qui nous protège l’hiver du froid mais également des nuisances sonores:  du bruit de la rue, des voitures qui circulent, du bruit des voisins, qui discutent dans la cour juste en dessous de chez vous.

Vingt trois heures, je suis épuisé après plusieurs jours de canicule, le travail m’attend demain matin à six heures, il est urgent de dormir, mon corps le réclame.

Ils sont assis dans la cour, téléphone portable en main, tenant d’interminables conversations haut parleur réglé au maximum avec des interlocuteurs qui hurlent de rire. Ils sont heureux, pas moi.

Il faut chaud, les bières rafraîchissent, désinhibent, délient les langues. La télévision hurle une émission télé réalité débile que personne ne regarde, mais la fenêtre reste ouverte pour aérer la maison. Le chien, gentillement couché près de ses maîtres imbibés, se lève soudain et se met à aboyer comme un dément: un compagnon canidé passe dans la rue, à quelques mètre de là. Après quelques minutes de tintamarre, c’est aux propriétaires, dérangés par leur cabot, de hurler sur l’animal pour qu’il se calme. Il est minuit, l’heure du crime…

Un jardin plus loin, la piscine récemment creusée, est inaugurée par la famille et leurs amis. Plouffff ! Rires, cris, l’eau est fraîche, la nuit est chaude, cela fait du bien de s’y baigner.

Impossible de fermer la fenêtre, il fait trop chaud. Je rêve du île déserte, de meurtre, de climatisation, d’Islande, de lance roquette, de calotte polaire, de vengeance, de sorbet au citron, de fusil à pompe et d’une douche glacée. J’imagine que je vais me lever, descendre dans le jardin et hurler sur mes voisins pour qu’ils se taisent, pour qu’ils musellent ce chien, pour qu’ils vident la piscine. Mais j’ai trop chaud, comme eux sans doute, eux qui ne travaillent pas demain matin et qui se moquent de savoir si je dors ou pas. En plus je leur ai déjà expliqué gentiment plusieurs fois qu’ils nous pourrissaient les nuit.

J’ai envie de sortir mes enceintes colonnes sur la terrasse et vérifier jusqu’à quelle puissance l’amplificateur est capable de restituer la Polyfonie X de Pierre Boulez sans percer les tympans du public. Des scooters passent en pétaradant dans le rue, le chien se remet à hurler, les proprios suivent avec un temps de retard, les gamins crient dans la piscine, il est deux heures du matin, je me lève dans quatre heures, tout va bien.

Désespéré, je ferme la fenêtre, mets des bouchons d’oreilles, écrase ma tête sous l’oreiller et tente de trouver le sommeil sur un matelas trempé par la transpiration. Les bruits étouffés de mes voisins m’obsèdent, je n’entends plus que ça. Dès que le sommeil vient, un aboiement me réveille. Il est trois heures du matin, la chambre ressemble à un sauna, j’ouvre à nouveau la fenêtre. Pour faire bonne mesure, le chien hurle à nouveau en réaction à un rôt sonore accompagnant le bruit d’une canette de bière écrasée.

Mes voisins sont fin ivres, ils comatent dans le jardin, la télévision hurle toujours des clips de rap et de hip hop par le fenêtre ouverte. Plus personne ne nage dans la piscine et le chien roupille près des dernières gouttes de bières coulant de la bouteille cassée. Il est quatre heure, je vais pouvoir enfin fermer les yeux et m’endormir. Dans deux heures le soleil se lève.

Et je rêve. Je rêve du Catalogue de la Manufacture des Armes de Saint Etienne. Je tourne les pages avec délectation, je choisis un fusil, des cartouches. Je commande et reçois aussitôt le précieux colis. Je déballe le paquet et admire l’arme bien graissée. De la fenêtre ouverte de ma chambre, je charge l’arme, épaule et tire. Pan ! Dans une canette de bière, la balle perce de part en part le cylindre métallique qui vole dans les air. Surpris dans son sommeil le chien sursaute et se met à aboyer comme un dératé. Pan ! Dans la mâchoire du clébard. Ses crocs explosent, sa langue se détache, du sang gicle sur le sol. La bête est encore vivante mais ne peut plus gueuler. Réveillé brutalement par les deux tirs, son maître sort péniblement du coma éthylique et se redresse. Pan ! Une balle entre les deux yeux du con qui dormait. La cervelle gicle sur le mur. Les yeux écarquillés il me regarde effrayé avant de s’écrouler. « Bonsoir, dormez bien. ». Une flaque de sang toute fraîche coule dans la cour de mes voisins, l’odeur de poudre enivre mes sens, il faut vraiment que je m’offre une arme automatique, ça doit se vendre au marché noir. J’irai flinguer ces petits abrutis à scooter avant d’aller me coucher et je lancerai une grenade au milieu de la piscine à l’heure de la baignade.

Rien de tel que de beaux rêves pour passer une nuit paisible. Bon il faudra quand même que je consulte cette fois, ça devient grave.

Le buzz Aldrin

Vendredi, une éclipse totale de lune, la plus longue du siècle paraît-il, était visible depuis la France. 

En Alsace, la température avoisinait les trente degrés et quelques nuages masquaient l’horizon. J’avais préparé mon Nikon avec un 500 mm pour immortaliser l’événement. 

A 21h00, heure du début de l’éclipse, pas de lune à l’horizon, sans doute trop basse encore. A 22h00, après un épisode de Gotham saison 1, je retournais dehors, toujours pas de lune.

Épuisé par de longues insomnies dues à la chaleur et au roquet de mes voisins qui gueule toutes les nuits, je m’écroulais du sommeil du juste sur le matelas.

22h30, le cabot se met à hurler et me réveille. Je suus moite, fatigué, énervé. Je me rendors peu après malgré tout quand, à 23h00, le saucisson sur patte remet ça encore plus fort. Nouveau comas agité sur la couche humide mais à 23h45, le sale cleb hurle encore, me privant des bras de Morphée une fois de plus. Si je n’étais pas à bout de force, j’irai l’égorger avec mes dents. Je sombre à nouveau vers minuit, et un quart d’heure plus tard cet abruti à quatre pattes remet le couvert.

Je n’en peux plus. Je descends expliquer la vie à mes voisins qui rentrent illiquo le corniaud dans leur maison. J’ai la haine et plus sommeil. 

Alors que je m’apprête à retourner dans la maison, je vois la lune, qui sortie des nuages, brille de tous les feux. L’éclipse ne va pas tarder à s’achever.

Ni une ni deux, je monte chercher le Nikon, le 500 mm, la télécommande, le doubleur et le pied photo en prenant bien soin de ne pas réveiller  toute la maisonnée, un chien suffit.

Quatre photos sans doubleur au 1/400, quatre au doubleur, floues et l’éclipse s’achève. Je scrute quelques minutes Mars avec une focale proche de 1400 mm sans rien voir de concluant, après tout un APN n’est pas une lunette astronomique, puis je remballe le bazar et retourne me coucher. Le chien gueule encore une fois pour la forme mais je m’écroule de sommeil. 

Le lendemain, j’importe quatre photos décevantes dans Lightroom, pollution, turbulences et une mise au point médiocre, pas de quoi être fier. Pour leur donner du peps, je pousse les curseurs dans tous les sens, zoom, correction du voile, clarté, noir, ombre, blanc, contraste pour obtenir une image acceptable de l’éclipse. Et puis je la poste sur Flickr. Elle fera pâle figure dans mon album Astronomie mais qu’importe, c’est l’Eclipse.

Très vite l’image est mise en favori, ajoutée à un groupe et dimanche elle avait été vue par plus de deux-milles personnes et placée en favori par plus de soixante d’entre elles. 

Un record absolu pour une de mes photos. Je n’y comprends rien… une de mes plus mauvaises photos lunaire. Oui il s’agit de l’éclipse, mais j’ai loupé le meilleur, je n’ai pas  capté l’ISS passant à proximité, je n’ai pas saisi sa lumière orange, bref j’ai tout loupé. Alors pourquoi cet engouement pour une photographie ultra retravaillée ? Je suis perdu…

La seule bonne nouvelle dans cette aventure, mes voisins semblent avoir intégré que leur clébard me tapait sur le système.

La médiathèque Malraux

C’est devant la médiathèque Malraux que nous avions rendez-vous samedi matin pour le troisième atelier de streetphotography. Un lieu de passage avec ses deux grues et ses nouveaux immeubles, une ancienne friche industrielle que la ville de Strasbourg a admirablement bien réhabilité. Un samedi matin, froid et gris, qui n’incitait guère les alsaciens à lézarder sur l’esplanade. Excepté quelques cygnes, pigeons et agents de voiries nettoyant la place, pas âme qui vive. Pour de la streetphotography, l’affaire semblait mal emmanchée.

Vous ne verrez pas la médiathèque, ni les grues, car nous nous sommes déplacés rapidement vers la gare routière pour trouver quelques bipèdes conciliants.


Cette fois, j’étais venu avec un pied photo et un déclencheur à distance, histoire de pouvoir enfin m’essayer aux pauses longues et aux doubles expositions. Pour l’objectif, j’ai triché (comme beaucoup), me munissant d’un 18/140 mm afin de ne pas avoir à courir partout, la zone de jeu étant très grande avec de vastes espaces vides (très vides).

Arrivé avec un peu d’avance, je m’essaye à la double exposition sur des cygnes, totalement hors sujet, mais faute d’autre modèle… C’est un petit chien, traversant une passerelle, derrière son maître, qui me donnera mon premier cliché. C’est également ma photographie préférée.

La piste cyclable sera une source d’inspiration comme la gare routière avec ses murs miroirs. J’ai essayé des poses longues devant l’entrée d’un centre commercial mais sans grand succès. Le miroir reflétant les murs miroirs de la gare, c’est une idée que j’ai volée à un des autres photographes du stage. Pas de la streetphotographie à proprement parler mais la composition m’a amusé.

Nous allons nous retrouver en mai, en studio, pour une seconde soirée débriefing et développement où j’espère bien explorer un peu plus en profondeur les arcanes de Lightroom.