Un voyage insolite

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Vous le savez peut-être, je n’aime pas voyager. Que ce soit en voiture, en train ou en avion, tout trajet de plus d’une heure est une véritable source d’angoisse. Je dois emporter une pharmacie dans mes bagages en cas de catastrophe. CBD, triptan, Dafalgan codéiné et beta bloquant en cas d’absence supérieure à quelques heures. 

Toutefois je suis prêt à ce sacrifice de temps en temps. Pour faire plaisir à mon épouse, pour un concert de rock ou pour partir dans l’espace.

Ce que vous ne savez peut-être pas par contre, c’est que la NASA a envoyé une capsule tourner autour de la Lune il y a peu. 

Oui je sais il y avait en même temps le mondial de foot au Qatar et Poutine qui menaçait de faire exploser la planète, alors il se peut que vous ayez manqué l’événement. Cela ne s’était plus produit depuis Apollo 17, il y a cinquante ans.

La mission Artemis I a envoyé la capsule Orion dans l’espace pour un voyage de 25 jours autour de la Lune. Un voyage sans passager pour tester le matériel. Enfin ça c’est ce que l’on a voulu vous faire croire. En réalité, il y avait un homme à bord, moi en l’occurrence.

Je ne vais pas vous mentir, le décollage le 16 novembre 2022, a été éprouvant, bien plus que tous les reports de cette mission. Être assis au sommet du plus puissant pétard jamais construit par l’humanité avec une mèche courte, ça secoue les tripes. Je crois même que j’ai perdu une lentille de contact, un plombage et ma prothèse du genou droit au décollage. 

Après, une fois dans l’espace, ce fut nettement plus calme, terriblement calme en réalité, limite barbant jusqu’à ce que l’on approche de la lune. Six jours pendant lesquels il n’y avait rien à faire dans la capsule à part regarder la terre diminuer de taille et la lune grossir en me nourrissant de cuisine américaine en tube et en discutant régulièrement avec Thomas Pesquet qui était vraiment dégoûté de ne pas être du voyage.

Vous avez sans déjà entendu parler de l’impesanteur que l’on confond souvent avec l’apesanteur. Les astronautes ne s’étalent guère sur les aspects les moins reluisants de l’impesanteur à savoir flotter en se cognant toutes les cinq secondes au plafond/mur/sol de la capsule. Pour tout vous dire, c’est également assez gerbant. En fait vraiment gerbant. C’est là que j’ai commencé à tapisser les parois de la capsule car la NASA avait oublié les petits pochons.

On ne voit pas grand chose par les hublots à cause des nombreux moteurs d’altitude qui brouillent le panorama et le vomi sur les vitres. Bref on s’ennuie beaucoup, surtout que le vol était totalement automatisé et que de toute façon je n’avais pas été formé ni fait suffisamment d’études pour piloter le machin. A part faire la chasse aux grumeaux dans l’habitacle et relire la BD Dans la peau de Thomas Pesquet, il n’y avait pas grand chose à faire.

Par chance, les panneaux solaires du module de service européen ont mieux fonctionné que prévu et j’ai pu recharger mon iPhone et écouter Life On Mars de David Bowie en boucle. C’est le seul morceau que l’on m’avait autorisé à emporter à cause du poids au décollage.

Arrivé en orbite lunaire, j’ai pu contempler notre satellite sans être pris pour un gros pervers par mes voisins. J’étais tellement en extase que mes gros doigts boudinés par trop de graisses saturées ont dérapé sur un interrupteur, coupant les communications pendant trois quart d’heure avec la NASA, la faute à la mal bouffe. Oui c’est moi, je l’avoue maintenant.

Je suis l’homme qui a voyagé le plus loin de la Terre, battant à plat de couture les astronautes d’Apollo 13 qui eux se seraient bien passés de ce record. Trop fier de moi ! En fait, à ce moment là je suppliais le mission control de me faire revenir fissa à la maison. Qu’elle trouille ! Y a même pas de réseau 5G là bas !

J’avoue, la Lune c’est sympa, mais bon c’est gris avec des trous plus sombres et de la poussière partout. Ça devient vite lassant. Alors après quelques tours pour tester le matos, la NASA a remis les gaz direction la Terre.

Ce retour fut encore plus mortel que l’aller. J’ai dû manger tous les menus que j’avais boudé au début du voyage. Beurk ! En plus l’odeur de clochard à l’intérieur de la capsule Orion devenait tout simplement insupportable.

Le 11 décembre, arrivé près de la Terre, Orion s’est séparé du module de service européen, celui qui justifiait ma présence comme passager clandestin sur la mission Artemis I. Quatre-cent-cinquante millions d’euros balancés à la poubelle quand même. La poubelle s’appelle en l’occurrence ici l’orbite basse, une décharge déjà très encombrée.

Après tout a été très vite. Il a fait brutalement très chaud, très très chaud, je ne pouvais plus discuter avec Thomas et la porte des toilettes était condamné alors que j’aurais bien eu besoin de soulager ma vessie. 

Et puis soudain j’ai vu les parachutes se déployer et quelques secondes plus tard, dans un gros plouf, Orion est tombé dans l’océan Pacifique. Comme je n’étais pas censé être à bord, je suis resté enfermé dans la capsule, bercé par la houle, pendant des heures, vomissant au passage mes spaghettis bolognaise en tube.

Lorsque je suis enfin sorti de la capsule, à bord de l’USS Portland, le personnel scientifique a eu l’air surpris de me voir. En fait ils avaient complètement oublié qu’ils avaient placé un cobaye vivant là dedans avec les mannequins bardés de capteurs.

Pas certain qu’ils me reprennent à bord dans deux ans pour la mission Artemis II vu comment j’ai dégueulassé l’habitacle avec mon vomi, l’urine et le reste. Pas grave, ce fut un voyage comme je les aime avec un triptan et un béta bloquant par jour. Et bravo à la NASA ! Nous y retournons enfin, un billet à un milliard de dollars, mais quelle aventure ! 

Pour la mission Mars vous pourrez compter sur moi comme cobaye, même à bord du gros pétard d’Elon Musk, j’imagine qu’il ne peut pas faire pire qu’avec Twitter.

NGC 1976

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De 14 à 20 ans, j’ai passé mes samedis après-midi dans un club d’astronomie, et mes nuit sous la voûte étoilée de la Bretagne. Le jour nous regardions des diapositives et fabriquions un télescope (un newton 260 mm), la nuit, nous observions la lune, les planètes, les galaxies, les nébuleuses, les amas stellaires, les comètes et les voisines.

Cette passion des étoiles ne m’a jamais quitté, mais arrivé en Alsace, sous la couche d’inversion et la pollution, comment dire, le ciel est sâle et troublé par des éclairages très nombreux. Même avec la paye qui allait bien pour m’offrir un télescope, je n’ai jamais franchit le pas.

Pourtant, dès que j’en ai l’occasion, je reste le nez en l’air à contempler le ciel. « Espace, frontière de l’infini vers lequel voyage notre vaisseau spatial. ». Enfin vous voyez. Renouer avec la photographie a été l’occasion de tourner à nouveau mes yeux et mes objectifs vers les étoiles. La première cible, la plus facile, fut la lune, objet de forte magnitude avec un diamètre apparent non négligeable sur lequel j’ai étrenné mon Samyang 500 mm et plus récemment le 200-500 mm de chez Nikkor. J’ai photographié la lune sous toutes ses phases, à toutes les sensibilités, à de nombreux temps de pause pour arriver finalement à cette photographie assez réussie au 1000 mm (500 mm et doubleur).

Cette semaine, pour une fois que le ciel n’était pas trop bouché, j’ai levé le nez gelé pour découvrir devant moi la constellation d’Orion, une des célèbres constellations du ciel d’hiver. Dans celle ci, on peut voir, une nébuleuse, c’est à dire un nuage de gaz coloré. Il en existe de diverses variétés, les résidus d’étoiles ayant explosé comme M 21 du Cygne, des nuages opaques (la tête de cheval) et des pouponnières d’étoiles comme M 42, la nébuleuse d’Orion.

Je me suis dit, et si j’essayais ? Ni une ni deux, je pointe mon Nikkon équipé du doubleur et du 500 mm vers le baudrier d’Orion, et tente de retrouver cette nébuleuse. Pointer un appareil photo est nettement plus sportif que d’orienter un télescope équipé d’une lunette guide. Mais malgré cela, m’aidant de quelques souvenirs passés, je tombais sur le petit nuage de gaz et poussières dans le viseur du reflex. Oh joie !

La photo ne possède aucun intérêt en soit, ce n’est qu’un petit machin flou au centre de l’image très bruitée après tout, mais je suis content de l’avoir faite. Elle se situe à 1500 années lumières, bref assez loin de chez nous et n’est pas visible à l’oeil nu – magnitude 3.7, l’étoile la plus brillante est de -1.5, la lune de -30 -. Une pose très brève – 1 seconde – pour de l’astronomie, mais je ne dispose pas de monture équatoriale pour compenser la rotation de la terre (1 seconde =  0.0041° de déplacement). Cela me donne envie de renouer avec les étoiles, de coller mon œil à l’oculaire d’un télescope et de partir à la chasse aux comètes et objets de faibles magnitude.

En vrai avec un télescope de 2 m et plusieurs heures de pause, M 42 ressemble à ceci, c’est dire si mon cliché est minable, n’empêche j’en suis content, comme quoi il ne faut pas grand chose pour contenter un quelqu’un comme moi…