La poupée

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J’avais déjà lu un roman de Yrsa Sigurdardottir il y a quelques temps et il ne m’avait pas emballé. Mais comme j’ai la mémoire courte et que je suis accro aux polars islandais, j’ai lu la suite sans le savoir. Et le pire dans tout ça, c’est que je l’ai bien aimé.

Une poupée restée longtemps fond de l’océan est ramassée dans un filet par un pêcheur du dimanche. Un objet hideux et puant recouvert de mollusques qui devient le coeur d’une enquête policière.

Une enquête ? Non plutôt quatre, deux meurtres, des ossements retrouvés et des accusations pour abus sexuels sur mineurs.

Dans cette nouvelle histoire, on retrouve les protagonistes du précédent roman Le Trou, Huldar, Lina et Freyja qui n’ont pas gagné vraiment en épaisseur. Cependant l’autrice nous plonge dans des enquêtes passionnantes, dans l’univers des services sociaux d’Islande et le monde de la drogue.

Très vite on s’attache à Rosa et Tristan, deux ados placés en foyers où un éducateur aurait abusé d’eux. Une nouvelle occasion pour le policier Huldar de se rapprocher de Freyja, la jeune femme des services sociaux.

C’est l’été en Islande, un été pourri. Tous les policiers sont partis en vacances bronzer plus au sud. Avec quatre enquêtes différentes, des sous effectifs en pagaille, Huldar ne va pas chômer. Quel peut-être le lien entre une poupée hideuse, un SDF égorgé, deux ados placés et des squelettes perdus en mer ? 

L’intrigue m’a passionné, alors que d’ordinaire je m’intéresse plus aux personnages et aux ambiances. Dommage que l’avant dernier chapitre, celui qui recolle quelques parties du puzzle, soit un peu bâclé. Ça aurait donné un fabuleux polar.

M. Mercedes

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Un vieux flic fraîchement arrivé à la retraite se retrouve rattrapé par une de ses dernières grosses affaires non résolue. Celle du tueur à la mercedes, un psychopathe au masque de clown, qui au volant d’une mercedes écrase une longue file de demandeurs d’emploi venu camper devant les portes d’un salon du travail en attendant son ouverture. 

Le vieux flic ressemblait à mon papa, paix à son âme, un Père Noël pas trop soigné sur lui, porté sur la picole et restant vautré dans son fauteuil toute la sainte journée. C’est sans doute pour cela que j’ai été séduit au début.

Le tueur est un geek qui vit chez sa maman, un psychopathe de la pire espèce dont l’étendue de la folie se dévoile au fil des dix épisodes. Le vieux flic est obsédé par l’affaire du tueur à la mercedes et le tueur par le flic. Inévitablement, ils vont se rencontrer.

Après une brève explosion de violence, la série continue sur un ton plus badin : le vieux qui a du mal à pisser et qui se fait draguer par sa voisine sexy mais tout aussi âgée que lui. Puis peu à peu on s’enfonce dans le glauque, les contacts entre le tueur et sa proie, les souvenirs d’enfance du monstre, sa mère alcoolique entretenue dans son addiction par un fils prévenant.

Le retraité reprend l’enquête du tueur à la mercedes en tant que privé et explore de nouvelles pistes à l’aide d’une jeune femme liée de loin à l’affaire. Plus on avance dans les épisodes, plus la série devient tendue. La distance entre le tueur et le flic se rétrécit imperceptiblement jusqu’au moment où ils se retrouvent face à face.

Cette saison une, la première des trois, est une véritable réussite, une série qui séduira les vieux à l’approche de la retraite qui redoutent le jour où il faudra quitter leur job.

Chien 51

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La Grèce s’est effondrée. Elle a été rachetée par une multinationale. Les habitants d’Athènes comme Sparak sont devenus des employés citadins. 

Après la Grèce, les autres nations de la planète ont peu à peu été rachetées.

Les élections battent leur plein sous le dôme climatique de Magnapole. Qui sera le nouveau conseiller ? Kanaka ou bien Barsok ? L’homme de la zone 1 ou le populiste qui veut abolir les frontières entre les zones.

Sparak, le policier de la zone 3, celle des parias, mène une enquête pour meurtre avec Salia une enquêtrice de la zone 2, celle des privilégiés. Une enquête qui les conduira au paradis des élites, la zone 1, celle de tous les privilèges.

Laurent Gaudé nous plonge avec Chien 51 dans un roman policier futuriste désespéré. Le climat a fini par devenir fou. La société est revenue au système des castes. Les nations n’existent plus et les hommes, inféodés, trahis, vendus, n’ont plus d’espoir. 

Avec cette enquête Sparak va replonger dans ses souvenirs, la femme qu’il a aimé, la chute de la Grèce, sa trahison, l’exode. Il va découvrir ceux qui ont contribué comme lui à l’effondrement de son pays. Un roman sombre, désespéré, qui donne un éclairage terrible sur un futur possible de notre monde.

Ce n’est pourtant le roman de Laurent Gaudé que je vous recommanderai. Je ne suis pas vraiment rentré dans son monde pas plus que je n’ai cru à ses personnages. Lisez plutôt Le Soleil des Scorta, La Mort du Roi Tsongor ou le magnifique Eldorado.

L’Affaire Alaska Sanders

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Après L’Enigme de la Chambre 622, j’ai hésité à rouvrir un livre écrit par Joël Dicker. J’ai fini toutefois par céder à la tentation, principalement parce que L’Affaire Alaska Sanders marchait sur les traces de son meilleur roman, La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert.

J’ai retrouvé avec bonheur l’écrivain Marcus Goldman et ses démons comme son ami Perry Gahalowood. Des retrouvailles de 210 pages jusqu’au Début d’Enquête, le chapitre 10.

Alaska Sanders, une jeune mannequin destinée à une carrière d’actrice, meurt assassinée au bord d’un lac, dans la petite ville de Mount Pleasant. Tout accuse Walter et Eric, deux jeunes proches d’Alaska.

Onze ans plus tard, Perry et Marcus rouvrent l’enquête suite au témoignage d’un des policiers de l’époque qui travaillait alors avec Gahalowood. 

L’Affaire Alaska Sanders, de la page 211 à la dernière page, la 574, est un polar touffu, complexe, parsemé de fausses pistes semées par le tueur. Un crime parfait, jusqu’à ce que l’écrivain et le sergent ne s’en mêlent.

J’ai vraiment adoré la première partie, jusqu’à l’enquête, retrouvant l’esprit de La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert.

La seconde partie, faite de flash-backs, de témoignages et de l’enquête elle-même, est plus difficile à aborder et laisse moins de place aux personnages pour se concentrer sur l’affaire. Elle n’en reste pas moins passionnante avec ses révélations, ses impasses, ses mensonges et ses rebondissements. Quelques passages reviennent à l’écrivain, son passé, son ami et mentor Harry, ses amours ainsi qu’à Perry, le ‘Sergent’ qui vient de vivre un drame familial. 

Je me suis attaché rapidement aux habitants de cette bourgade paisible des États-Unis, à tel point de vouloir m’y installer maintenant que je connaissais le pompiste, l’alimentation générale, le garagiste, le bar, la boutique d’électronique, le lac, son coin à truites et le bureau du shérif.

Un bon roman qui renoue avec le grand Joël Dicker que j’aime.

[IMG_1334.jpg / 26 juillet 2020 / 18 h37 / Illkirch-Graffenstaden ]

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La capitale du Groendland, forte de de dix-huit-mille habitants s’appelle Nuuk. Nous sommes au pays des nuits de vingt-quatre heures, du blizzard, de la neige et des phoques. 

C’est là qu’enquête Qaanaaq, le chef de la police de Nuuk, inventé par l’écrivain Mo Malo. Pour sa troisième aventure, le commandant Qaamaaq Adriensen, en faisant le tour des postes de police sous sa responsabilité, découvre des suicides de jeunes femmes en relation avec la tradition inuit.  

Avec Nuuk, le lecteur survole le Groenland en hélicoptère, trace sur la glace en motoneige, découvre les traditions inuit et la spécialité locale: la tourte au foie et abats de phoque.

Friand de récits se déroulant à proximité du cercle polaire, je me faisais une joie de lire Mo Malo, un nouvel auteur arctique. 

Si l’histoire est complexe et bien menée, j’ai compris l’essentiel de l’intrigue plus d’une centaine de pages avant la fin. Pourtant, lorsque je joue au Cluédo, je perds à chaque fois. 

J’ai été surtout frustré par le manque de profondeur des personnages et des descriptions à peine esquissées des paysages. Pour les personnages, peut-être faut-il commencer par lire Qaanaaq puis Disco pour leur trouver de la profondeur. Pour le décor, Mo Malo, qui vit en France, devrait peut-être aller quelques mois chasser le phoque en motoneige sur la banquise et nous ramener des images prises avec le téléphone portable du commandant Adriensen.

Vik

Tout au nord de l’Islande, quelques jours avant Noël, une jeune femme trouve la mort, chutant d’une falaise dominant l’océan.

C’est la première fois que j’ouvre un roman de Ragnar Jónasson, un auteur de polars à succès semble-t-il. Après avoir tenté en vain de lire l’improbable Connerland de Laura Fernandez et avant d’attaquer The Game d’Alessandro Baricco, j’avais besoin de changer d’air, de style, de genre.

Du haut de cette falaise de Kálfshamarsvík, trois femmes sont tombées : la mère, la fille et la sœur, cette femme revenue dans la maison de son enfance après des années d’absence. A Kálfshamarsvík, il n’existe que deux maisons encore debout, celle de Reymar et celle d’Anor, deux maisons aux secrets bien gardés, aux histoires complexes et torturées, deux maisons, une pointe battue par les vents, des formations basaltiques et un phare où se déroule le drame et l’enquête.

Les suspects se comptent sur les doigts d’une main mais les deux enquêteurs auront fort à faire pour comprendre ce qui s’est passé sur cette falaise alors que le réveillon de Noël approche et que la neige recouvre les chemins menant au cap.

Vik se lit très vite et facilement. Le lecteur est immédiatement happé par l’atmosphère de cette demeure où vivent un vieil homme d’affaire et ses deux employés usés par la vie. Un roman humain où l’on découvre des traditions islandaises de Noël, des paysages désolés et grandioses, des personnages esquissés que l’on croit pourtant bien connaître à la fin du livre. Ce n’est pas un un « grand » roman, mais ce ne sera certainement pas le dernier Ragnar Jónasson que je lirai.