Etudes pour violoncelle

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Ma chérie est musicienne, pianiste, violoncelliste, elle joue dans un orchestre amateur, fait de la musique de chambre et travaille des pièces avec d’autres artistes. Elle a même apporté sa contribution à un album de rock façon Noir Désir. Une star !

Trois soirs par semaine, elle est dehors, rentrant à point d’heure. Elle s’absente également le week-end pour des répétitions et les autres soirées pour assister des concerts. Bref, elle est à fond.

Certaines mauvaises langues pourraient insinuer que mon épouse me trompe trois jours par semaine, voire plus. Ces personnes ont peut-être raison en réalité, mais quelle santé ! Car elle fait aussi beaucoup de musique.

Cette année elle joue en public avec l’orchestre le lendemain de mes cinquante-sept ans et donne un récital de musique de chambre le premier avril. Enfin, ça, c’est ce qu’elle m’a annoncé mais je soupçonne qu’elle me cache encore quelques dates pour me ménager. Son agenda est bien rempli.

Comme je fais de la photographie à mes heures perdues, elle me met à contribution pour couvrir les concerts, ce qui, je dois l’avouer, n’est pas pour me déplaire. Mais elle m’embauche également pour préparer les affiches des événements.

La dernière de ses requêtes farfelues, était de préparer l’annonce du récital du premier avril. L’idée était de présenter son violoncelle chéri (je passe après lui, le piano, ses deux chefs d’orchestre et ses amants). Une photographie du violoncelle et son de archet mais pas la musicienne. 

Vous avez déjà vu un violoncelle qui tient debout tout seul avec l’archet posé sur les cordes ? Non ? C’est normal, c’est impossible. Pourtant c’est ce que j’ai réalisé en studio.

Pour ce faire, j’ai utilisé un fond noir tendu sur un cadre et débordant sur le sol. J’ai placé deux softbox pour l’éclairage, au raz de la moquette, l’autre au-dessus du sol. J’ai limité autant que faire se peut les plis du tissu et posé le violoncelle à plat dessus. Après quelques ajustements des projecteurs pour limiter les reflets disgracieux, j’ai commencé le shooting, cherchant les angles les plus intéressants.

Pour ce faire, j’ai utilisé le Nikon Z6 II et le Nikkor Z 24-70 mm 2.8s, mon objectif fétiche. J’ai travaillé également avec un pied afin de bien stabiliser l’ensemble et descendre le plus possible en ISO.

Il m’a fallu un vingtaine de clichés pour obtenir l’image que je recherchais. J’en ai sélectionné trois que j’ai ensuite retravaillées sous Lightroom.

Après un développement sommaire, balance des blanc, lumières, saturation, je me suis attaqué à la retouche. Un fond noir n’est jamais totalement noir, surtout éclairé par deux projecteurs de 60 W. J’ai commencé par isoler finement le sujet avec des masques. J’ai ensuite inversé cette sélection et obscurci tout ce qui entourait le violoncelle pour donner l’impression qu’il flotte dans le vide.

Je suis ensuite revenu au masque du sujet, le violoncelle et son archet, pour donner plus de peps à l’instrument. Clarté, texture, blanc, contraste, ajustement des teintes jusqu’à obtenir un rendu réaliste et agréable. 

La dernière étape a été de réaliser quelques retouches locales pour masquer les rares imperfections du bois sans pour autant rechercher la perfection visuelle.

La photo est prête, reste à réaliser l’affiche, le plus difficile pour moi car je ne possède aucune connaissance de la mise en page, des polices etc et encore moins la maîtrise de Pages, le seul outil dont je dispose à la maison pour ce genre d’activité. Ma femme pourrait embaucher un amant infographiste pour me simplifier la vie. Idéalement, si cela pouvait être une fille sexy pour changer, on pourrait partager…

Jo Quail – Five Incantations

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Teeshirt : The Gathering – Disclosure 2012

Je deviendrai maboule dans cette maison si je n’aimais pas le son du piano et du violoncelle car ma chérie en joue tous les jours ou presque. Par chance j’adore ces instruments vivants au point de succomber régulièrement à des bizarreries musicales à cause de leur simple présence sur le disque. Il faut dire que j’ai baigné dans la musique baroque, classique et contemporaine pendant plus d’un demi siècle ce qui explique en partie mes goûts étranges en plus d’écouter du metal et du prog.

C’est sur Twitter que je suis tombé sur une vidéo de Jo Quail jouant du violoncelle. Un message relayé par le gars de Cosmograf. Robin saluait la performance d’une belle femme se déchaînant sur son instrument à cordes. Il n’en fallait guère plus pour que je cherche à connaître la dame.

Par chance, Jo possède un Bandcamp où j’ai pu découvrir son travail, des titres au violoncelle électrique entre musique atmosphérique et contemporaine. Restait à trouver un album. J’ai jeté mon dévolu sur Five Incantations, une édition vinyle remasterisée pour l’occasion. Une première écoute au travail, une seconde sur la hifi et me voilà convaincu de dépenser une cinquantaine d’euros pour m’offrir le double vinyle alors que je viens de commander le prochain Marillion, le dernier Dream Theater, un ancien Cult of Luna, le Neal Morse Band et le Leprous. 

Nous allons manger des pâtes cet automne. M’en fou, j’adore les pâtes !

L’édition vinyle est superbe. Outre la pochette à deux volets, les vinyles colorés 180 grammes, un code de téléchargement, vous trouverez deux très belles photographies cartonnées et peut-être qui sait, un mot de remerciement de Jo. Seul hic, la version dématérialisée n’est disponible qu’avec le vinyle, à moins d’acheter chaque morceau séparément sur Bandcamp.

La musique de Jo Quail se situe à la croisée des chemins du classique, du post-rock, de l’ambient et du contemporain, du moins sur cet album, avec même une touche lyrique sur la dernière piste enregistrée en live et qui n’est d’ailleurs pas ma préférée. 

La première partie de ‘Between Two Waves’ risque de dérouter un non initié au festival Musica et la version de ‘The Breathing Hand’ en live ne sera pas du goût de tout le monde. Le reste de l’album et tout particulièrement ‘Gold’, de plus de onze minutes, devraient ravir les amateurs de post-rock atmosphérique. A condition bien entendu d’apprécier les sonorités trafiquées d’un violoncelle.‘White Salt Stag’ entre world et cinématique pose une ambiance sombre sur le début de cet album atypique alors que ‘The Breathing Hand’ se rapproche plus d’un nocturne romantique joué au violoncelle. Vous entendrez aussi quelques influences orientales sur ‘Between Two Waves Part 2’ et dans une moindre mesure dans ‘Salamander’.

Allez sur Bandcamp écouter le travail de Jo. Attention, si vous accrochez, vous risquez comme moi de tomber amoureux.

Le chien

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Nous vivons dans une maison de fou.

Au rez-de-chaussée, lorsque le piano ne résonne pas, la Hi-Fi prend la relève et si ce n’est pas la Hi-Fi, c’est le home cinéma. La machine à laver le linge, même en plein essorage, peine à couvrir le vacarme.

A l’étage la mini chaîne rivalise de puissance avec le piano numérique et le violoncelle.

Pour contrer ces nuisances sonores, notre fils aîné met un casque sur ses oreilles pour discuter avec ses amis. Ses éclats de rires et hurlements lorsqu’il joue en ligne couvrent parfois les notes du violoncelle.

Le petit dernier, qui n’aime pas la musique, son frère et ses parents, lorsqu’il n’en peut plus de cet enfer sonore, se défoule sur son sac de frappe, faisant vibrer les poutres de la vénérable habitation.

A droite vous entendez le zonzon des cordes frottées, à gauche la rythmique de la boxe et au milieu des hurlements de ténor.

Pour répondre à cela, le chat miaule d’une pièce à l’autre, grattant les portes si besoin est, afin de trouver un peu de réconfort dans une chambre calme et chaude.

Car en bas la chaîne passe du death metal au psychédélique en quelques secondes, se stabilisant une minute sur du krautrock et repartant de plus belle sur du punk.

La machine essore à mille-deux-cent tours minutes et se déplace en vibrant dans l’entrée. La cocotte minute siffle toute sa vapeur accumulée dans la cuisine, le bus de 19h fait trembler les poutres de la maison avant que les cloches du temple ne se mettent à carillonner et que le chien des voisins ne se lance soudain dans une série de hurlements démoniaques.

Alors furieux du dérangement, j’ouvre la fenêtre, le heavy rock jaillit hors de la maison comme une explosion de haine et je hurle au roquet de la fermer.

C’est vrai quoi, j’ai besoin de calme pour chroniquer.

Ma femme est musicienne

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J’écris ces mots pour tous les artistes que je côtoie et qui ne se rendent pas compte de ce qu’il sont réellement.

Ma femme est musicienne, elle joue de la musique. Sa vie tourne exclusivement autour de ses deux instruments, le piano et le violoncelle, les deux amours de sa vie. J’arrive en sixième position, après nos deux enfants et le chat.

Quoi de plus normal, ma femme est musicienne. Une pièce pour le piano quart de queue, une pièce pour le violoncelle, sans parler du piano numérique qui accepte de partager sa vie avec le violoncelle, gentil piano électrique…

Ma femme est musicienne et va toujours à l’école des musiciens, pour apprendre, pour rencontrer d’autres artistes, pour jouer. Elle use un professeur tous les trois ans en moyenne; un professeur de piano, un professeur de violoncelle, un professeur de musique d’ensemble. Le premier mois il est toujours formidable puis progressivement, dès la seconde année le plus souvent, il ne lui apporte plus rien, il est trop scolaire, il veut lui faire jouer des œuvres qu’elle n’aime pas. Des professeurs Kleenex.

J’ai de la chance car ma femme est musicienne. J’écoute tout plein de musique classique et elle m’apaise. Le piano et le violoncelle résonnent à toute heure dans la maison, avec en bonus la voix de l’artiste qui s’énerve toute seule, qui donne des ordres aux mains, qui peste contre la partition.

Ma femme est musicienne et a besoin d’amour, besoin qu’on la rassure sur son interprétation de Debussy, sur la transcription de ‘We Are The Champions’ de Queen pour piano et hurlements.

Ma femme est musicienne, elle passe son temps sur YouTube à écouter toutes les versions d’une oeuvre, même les pires, ça la rassure.

Ma femme est musicienne, ses humeurs sont comme la musique, certains jours wagnériennes, d’autres jours semblables à du Schumann. Allegro, adagio, pianissimo, double forte, en sol ou en fa, elle est imprévisible. Au plus fort de la tempête, soudain le vent se calme et le soleil brille quelques secondes avant l’averse de grêle.

Ma femme est musicienne, elle aime la musique d’ensemble. Mais pour la musique d’ensemble il faut être au moins deux. Et avec qui jouer, lorsque l’on consacre sa vie à la musique ? Des amateurs éclairés qui consacrent deux heures par jour minimum à leur instrument ? Soit ils n’ont pas le niveau, soit ils sont trop forts, soit il ne sont pas assez disponibles ou bien ne s’intéressent pas à la musique française du début du vingtième siècle. Ma femme aime la musique d’ensemble mais joue le plus souvent seule ou accompagne au piano des enfants en première année de violon.

Ma femme est musicienne mais n’aime pas se produire devant un public. Chaque audition est une torture, un peu pour elle, énormément pour nous, surtout durant les quinze jours qui précèdent l’exercice.

Ma femme est musicienne, elle joue avec d’autres musiciens. Des artistes fragiles, sensibles, un peu fous, qui sacrifient à leur art, travail, temps libre, richesse et famille. Tout l’opposé de mon épouse.

Ma femme est musicienne et je ne pourrais vivre sans ma musicienne.

Le violon d’Ingres

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Mon épouse joue du piano depuis de longues années. Elle en joue d’ailleurs plutôt bien vu ses petits doigts boudinés. Méprisant Mozart, Beethoven, elle leur préfère des compositeurs plus audacieux comme Liszt, Scriabin ou Debussy d’où ma passion pour ce répertoire peu classique. 

Non contente de jouer plus d’une heure par jour sur son quart de queue et piano électrique, elle s’est essayée également à l’alto puis dernièrement au violoncelle. L’alto fut un fiasco et les notes du violoncelle providentielles. 

Encore fallait-il trouver violoncelle à son pied et l’affaire ne fut pas simple : trop grand, trop large, trop court, trop épais, trop moche, trop cher. 

Pour faire ses gammes, ma chérie en a acheté un premier, bas de gamme, puis un second en Angleterre (à peine mieux), a emprunté celui d’un prof haut de gamme, puis s’est décidé à en faire fabriquer un chez un artisan chinois. L’investissement semblait hasardeux (il est toujours compliqué de traiter avec la Chine, demandez à Trump vous verrez) mais le violoncelle était fait main. Un montagnana, gravé au dos. Après quelques hésitations (un risque à trois zéro tout de même), des tribulations douanières épiques, l’instrument arriva à la maison, en parfait état, mais démonté. Un bien bel objet en vérité mais totalement inutile en l’état.

Ma femme candide, alla chez un luthier pour finaliser l’assemblage. Ce qu’elle ignorait, c’est que certains luthiers font comme elle, commandant en Chine des violoncelles qu’ils améliorent un peu chez eux et revendent trois fois plus cher ensuite. Grace à son charme fabuleux, l’artisan de mauvaise grâce, monta les cordes, le cordier et le chevalet, reconnaissant au passage que l’instrument était de belle facture.

Un violoncelle est un instrument très encombrant et fragile. Pour le transporter, il faut absolument une boite, une boite à la bonne dimension, solide pour résister aux chocs, pas une housse souple. La quête de la bonne boite fut longue, très longue, fastidieuse. Choix du matériau, taille, poids, prix, couleur, plusieurs essais furent nécessaires à madame et son chinois. DHL, connu bien vite notre adresse, livrant ou emportant de gros cartons semblables à des cercueils, contenant d’abord des violoncelles puis des boites, de grosses boites, boites qui rentrent non sans mal dans la voiture.

Commença ensuite la course à l’optimisation. Optimisation vous avez dit ? Oui, car comme une voiture de course, il est conseillé de modifier les équipements de l’instrument pour obtenir un meilleur son. Tout commença par les cordes, des fils à linge hors de prix, de qualité certes mais au rendu sonore très différent selon les marques : Larsen, Spiricore, Pirastro, Kaplan et j’en passe. Mon épouse passa des heures sur le net, quand elle ne jouait pas, à trouver la bonne affaire : déstokage, fin de série, soldes, emballage abîmé. Elle a ainsi, petit à petit, commandé, parfois à l’unité, des cordes pour son nouvel instrument. 

Débuta alors le montage des cordes et la phase de test. Trop terne, trop métallique, trop cher, la configuration idéale fut l’objet de nombreux débats et écoutes, mon épouse se reposant sur mes seules oreilles pour procéder à ses choix (si elle savait la pauvre, qu’à force de trop de metal je suis devenu sourd comme un pot, enfin bon…). 

Elle fit remplacer le chevalet d’origine chez le luthier, les cordes étaient trop éloignées de la touche (oui les petits doigts boudinés). Vint ensuite le complexe débat sur la pique, laiton, fibre de carbone ou titane ? Elle a tout essayé pour finir avec une pique en titane recouverte de laiton, un objet pour le moins coûteux pour un bout de ferraille mais qui a renforcé la profondeur sonore du violoncelle, même moi, je m’en suis rendu compte, un vrai violoncelle pour jouer ‘Shadowmaker’ de Apocalyptica.

Le débat suivant tourna autour du cordier, des tendeurs, des vis, et après bien des tâtonnements elle s’en fit fabriquer un sur mesure avec des vis également en titane.
Tout était fin prêt, un violoncelle au top.

Oui mais non. Connaissiez-vous l’importance de l’archet pour le violoncelle, son poids, la position de son centre de gravité, son bois, son crin (pas celui d’une jument, elle pisse dessus) ? Toujours grace à la littérature internet, ma chérie s’est passionnée pour les archets. Aujourd’hui, après moulte expérimentations, ma femme possède de nombreux archets même si elle en a revendu plusieurs,  ils sont rangés dans un tiroir, derrière mes caleçons et mes chaussettes. Nacré, en permambouc, variant de quelques grammes seulement, ils ont en effet une grande influence sur le son restitué par l’instrument.

Après des mois de recherche, des commandes, des renvois, des enchères, des ventes, son violoncelle chinois est devenu une bête de course et le luthier un bon copain, qui lui trouve toujours de nouveaux accessoires hors de prix à vendre (des archets à quatre mille euros par exemple). Pour elle, il est disponible à toute heure. 

La prof de violoncelle de mon épouse lui envie son bel instrument qui sonne merveilleusement bien (normal, vous avez vu comme je suis bâti). Ma femme n’a plus qu’un sujet de conversation, son violoncelle. L’instrument d’abord timide, résonne aujourd’hui dans toute la maison, amplifiant les fausses notes de ma chérie, faisant fuir le chat terrifié par ses cris d’agonie.

Car voilà, si ma femme est musicienne, que son violoncelle sonne comme un moteur huit cylindres, elle n’en reste pas moins une débutante qui essaye pour l’instant de tenir la note juste.

La théorie des cordes

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Mon épouse est musicienne. Depuis son plus jeune âge, elle consacre l’essentiel de ses loisirs aux partitions classiques et ses doigts au clavier tempéré. Et comme toute pianiste qui se respecte, l’instrument dont elle a toujours rêvé de jouer est.. le violoncelle. Après avoir rempli la maison de pianos électriques, droits puis un jour un quart de queue, après avoir joué en soliste, en accompagnatrice, elle se décide, plus de trente années plus tard, à débuter au violoncelle. Il y avait bien eu quelques passades auparavant avec un violon alto, une chorale et une guitare, qui finissaient toujours par lasser mais depuis que le violoncelle est entré dans notre vie, le duo bat de l’aile.

Après avoir loué un 3/4 trop petit puis un 7/8, mon épouse commande un violoncelle bas de gamme en Chine, le reçoit, l’essaye et le renvoie. Une vraie casserole. Dans le même temps elle en achète un autre d’occasion et s’amuse à changer quelques composants de l’instrument, cordier, cordes, chevalet, archet, histoire d’étudier comment le son évolue. Elle passe même par la phase violoncelle électrique, par curiosité, rapidement satisfaite. Finalement, elle commande un nouvel instrument moyen de gamme, une fois encore en Chine, et reste sur ce produit (mais pour combien de temps). Achat, revente, bricolage, ma femme s’amuse.

Après avoir tâtonné quelques mois, la phase de l’optimisation débute. Elle passe chez un luthier pour modifier le chevalet, commande un nouvel archet avant de se lancer dans la théorie des cordes. Larsen, Kaplan, Chorda, Dominant… Il en existe toutes sortes et à tous les tarifs de 20 à plus de 300 € le jeu de quatre. Comme mon épouse ne veut pas ruiner le ménage, elle part à la chasse aux bonnes affaires sur eBay, LeBonCoin, PriceMinister, à l’affût de la moindre annonce de corde pour violoncelle.

Corde après corde, elle se constitue un jeu complet de Kaplan et de Larsen à prix raisonnable (déstockage, soldes, produit déclassé…). Le violoncelle, qui tout d’abord ne payait pas de mine, commence à sonner différemment avec son nouveau chevalet, ses cordes et de longues heures collé aux enceintes de la chaîne pour le faire ‘résonner’.

Mais, car il y a toujours un mais. Ma pianiste adorée, qui joue du Ravel, Debussy, Bach ou Chopin avec une relative aisance au un piano, n’a que quelques mois de leçons de violoncelle derrière elle, et même si le déchiffrage d’une clef de fa ou d’ut ne lui pose aucune difficulté, les notes inarticulées qui sortent du bel instrument effrayent le chat. Alors Kaplan ou pas, madame s’enferme dans la pièce la plus reculée de la maison, pour ne pas heurter les oreilles délicates de toute la petite famille.

Mais si la vérité était ailleurs ?

En cachette, je me suis rendu dans son boudoir secret. J’ai glissé l’instrument tiède entre mes cuisses nues, pris l’archet d’une main, le manche lisse et doux de l’autre, et j’ai frotté, frotté langoureusement la chose jusqu’à ce qu’elle vibre et rentre en communion avec mon corps. J’ai alors appréhendé la théorie des cordes de mon épouse musicienne, résonnant à l’unisson avec son ventre ambré.

Il s’en faudrait de peu que je sois jaloux, mais je suis partageur.