Le silence

Un samedi matin, mes yeux se sont ouverts naturellement. Il était sept heures passées. Plus de trois mille six cent secondes après mon réveil habituel. 

Aucun bruit ne m’avait tiré d’un sommeil profond, tout était calme. Dehors, le chien n’avait pas encore aboyé et notre voisine n’avait pas hurlé de sa voix rauque sur sa fille. 

La veille, ils n’avaient pourtant pas éclusé des bières sur leur terrasse jusqu’à trois heures du matin. D’ailleurs hier soir, je ne les avaient pas entendu parler dans cette belle langue des pays de l’est.

Leur voiture n’était pas garée sur le parking. La fenêtre de leur chambre semblait fermée. Le jacuzzi gonflable gisait telle une mue, accroché au grillage. Tout leur jardin goudronné de dix mètres carrés était rangé.

Nos voisins venaient de partir en vacances avec le chien, la fille, la mère, le père et leurs téléphones portables !

Ce ne sont pas nos seuls voisins directs, loin de là, mais lorsqu’ils sont absents, le temps semble soudain s’arrêter. Il n’y a plus de vacarme, de cris, d’aboiements, de sonneries de téléphone, de bruit de canettes de bière sous pression que l’on ouvre nerveusement. Pour moi, ce sont de vrais vacances.

J’avais oublié ce proverbe : « le silence est d’or ». L’interprétation que j’en fait ici est quelque peu détournée mais qu’importe. Pour moi, le silence n’a pas de prix. C’est une denrée rare et pourtant facile à obtenir. Il suffit de cesser de faire du bruit.

Le lendemain midi, un autre voisin généralement très tranquille, a installé deux tonnelles sur le parking, deux tables et quatre bancs. La sono en sourdine, ses invités sont arrivés pour l’apéritif puis le repas d’anniversaire d’un de leurs enfants. Après quelques verres, les parents sont devenus nettement plus bruyants que les enfants déchaînés et le volume de la musique a logiquement suivi la courbe des décibels.

Le week-end aurait pu être parfait, paisible et calme sans le chien, la bière, les téléphones et les gueulantes. 

Pas de chance, nous avions droit à une réunion de famille sous nos fenêtres. Il faisait trente degrés à l’ombre. J’ai fermé les fenêtres pour nous isoler de la fête, fait une sieste côté route devenu brutalement très calme en comparaison.

Le lundi matin, le chien, la fille, la mère, le père et les téléphones potables étaient de retour. Ils n’étaient pas partis en vacances, ou alors juste pour le week-end. A croire qu’ils s’étaient éclipsés pour laisser la fête battre son plein et qu’ils revenaient après la bataille. 

Laids povres

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Mais voisins sont pas français. Viene de l’est. Saver, de ché Poutin. Cause pas comme nous. Vive dans une p’tite maison, qu’on peut mêtre que deux personnes dedans. Mais c’est comme les lapins c’est gens. Ça fait des p’tits, plein. Z’on une grosse voiture et pas d’sous, les allocs, no sous oui ! Lui il est manuel comme Valse. Travail au noir. Elle ces la pire. Elle s’occupe des vieux, leur pisse et tout. Des boulots de povrent. 

Ils mange tout tant dehors, avec des barbes-culs, doive pas avoir le gas. Il parle même pas not’langue, ces mal polit, on comprant rien quand on les écoute parlé pour savoir ski dise. Z’on un chien qui gueule tout le tant comme leur fille, elle ces une vrai poissonnière, en plus elle sore avec un noir. Sur quel couche. 

La y a leur vieux, sont la pour tout lété j’pense. Tassé comme des sardines dehors autour du barbe-cul, ils cose dans leur langue moche des trucks contre nous certainement. Pasqu’on les aime pas, sa non ! Sur qu’il on pas voté le Pen eu, veule leur allocs. Con mais pas fou les étrangé.

Ils von nous emmerder tout lété avec le chien, les vieu migré et la grillade. Sans parlez qu’il boive la bière toute la nuit et gueule de plus en plus fort. Saloperie de migré. Moi j’lai remtrai dans les bottes people qui traverse le Rhin. Z’on cas rentrer ché eu ces con.

Après faudra trouver des masson et des cones pour torché les vieu. Mais y a plein de chomeur qui dit le Macron. Sa fera de l’anploi pour tout le monde. Des fois j’panse que Poutine devrait lancer une bombe nucléaire à netron, celle qui tu sur les cons. Sa ferai du bien a la planette.

Cluster

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Soit les gouvernements nous mentent depuis plus d’un an, soit les gens sont des crétins. Je pense qu’il y a un peu des deux en fait, mais c’est une autre histoire.

Un vendredi, dans notre boîte aux lettres, un papier manuscrit nous informait que le samedi, la fille de nos voisins, organiserait son anniversaire, et qu’il pourrait avoir un peu de bruit.

D’ordinaire, ces sympathiques voisins, sont affreusement bruyants. Ils possèdent un chien qui gueule tout le temps, passent leurs soirées dehors sur les vingt mètres carrés de goudron qui leur servent de jardin, à discuter très fort au téléphone portable sur haut parleurs, en fumant des clopes et en buvant des canettes de bières. Non, je n’exagère même pas.

Donc imaginez ce que peut signifier pour eux, faire du bruit… Non, vous ne pouvez pas. Ce ne sont pas vos voisins.

J’ai sérieusement envisagé de prendre une chambre à l’hôtel ce soir là, c’est tout vous dire, et il n’y aurait pas eu le couvre-feu et un temps de chiotte, nous serions parti nous ressourcer dans un coin tranquille des Vosges.

Au lieu de quoi, j’ai déplacé mon lit côté rue, à l’opposé du lieu des festivités.

Malgré la pluie, des petits jeunes masqués ont débarqué vers 20h, beaucoup de petits jeunes, au moins une trentaine en fait. Eh ! le couvre-feu les gars ? Passé le portail, ils se sont débarrassé de leur déguisement sanitaire et ont commencé la tef. Musique, cigarettes, boisson, cris, pleurs, des jeunes quoi en pleine poussée hormonale. Pendant ce temps, les parents semblaient partis ailleurs, peut-être à l’hôtel, qui sait ?

Comme la maison de mes voisins est minuscule, la moitié de la troupe restait dehors (je ne sais pas comment ils ont géré la file d’attente devant les toilettes). Une bonne quinzaine d’ados, fumant, buvant, criant sous nos fenêtres.

Nous avons regardé un long film d’action pour échapper un moment au vacarme du voisinage. Vers 23h, nous avons tenté de dormir, mais pas facile avec le portail qui claquait contre notre mur tous les quarts d’heure, le boum boum de la techno et les hurlements à peine étouffés par un double vitrage et une porte.

L’enfer à duré jusqu’à 5h du matin et à 6h les parents de la gamine sont arrivés avec le chien qui comme d’habitude s’est mis à gueuler. J’ai du dormir un peu, entre deux claquements de portail et hurlements de rire.

J’aurais pu appeler le 17, mais ils sont débordés par des appels de violences conjugales en ce moment. Et puis bon, seraient-ils seulement passés ? J’ai testé une fois, c’est peine perdue. Peut-être qu’en leur parlant d’un cluster potentiel de trente adolescents ivres, ça les aurait motivé. Mais je l’avoue, j’ai surtout eu une pensée pour ces jeunes isolés depuis plus d’un an, privés de fiestas, à leur âge j’aurais pété un cable. Je suis trop con en fait. Depuis quand n’ai-je pas fait la fête, été à concert, fait une bonne bouffe avec les amis ? Je ne sais plus… La prochaine fois, je leur pourris la vie, à condition qu’aucun des trente ne soit porteur de la COVID-19, sinon il n’y aura pas obligatoirement de prochaine fois.

La fille a pécho ce soir là. Depuis elle a un petit copain. Pour ne pas se plotter devant les parents, les ados s’installent sur la rue, contre une barrière, devant nos fenêtres. Ils ne feraient que mélanger leurs langues de vingt-deux heures à deux heures du matin ça ne me dérangerait pas. Mais pas de chance, au lieu de partager du plaisir à deux, ils s’engueulent comme des poissonniers. Décidément, les chiens ne font pas des chats.

Mais que fait la police ?

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J’ai des voisins qui ont une piscine dans leur jardin. Pas la maison d’à côté mais celle d’après.

L’été, lorsqu’il fait chaud, ils font la fête autour de la mare, des fêtes avec sono en plein air, plongeons et hurlements de rire, jusqu’à deux trois heures du matin.

Leur dernière nouba datait d’il y a quinze jours et s’était achevée par chaos à une heure du matin, du moins c’est l’heure à laquelle j’ai enfin trouvé le sommeil.

Alors quand dimanche soir les hostilités ont reprise de plus belle, j’ai pris mon courage à deux mains pour leur demander poliment d’envisager de calmer le jeu à une heure raisonnable. Il était 20h30. Je suis allé chez eux et j’ai sonné à la porte pendant quinze minutes sans succès. Il faut dire qu’il y avait du bruit dans le jardin, musique, rires, plongeons, hurlements. A priori ils n’étaient pas dans la maison. Alors j’ai fait le tour pour aller devant leur portail situé plus près de la piscine. Là, ils m’ont entendu, et ça les a manifestement énervé.

Je leur ai expliqué mon problème et là c’est parti direct en cacahuète. Trois gars en slip de bain accompagnés de leurs délicieuses compagnes m’ont littéralement agressé. J’ai été traité de chieur du quartier (c’est sans doute vrai au passage), de pervers sexuel, si si, (bon ok un peu), c’est parce que je photographie la lune (ils croient que je matte leurs épouses). L’un d’entre eux ma insulté, m’a menacé physiquement et moi je suis resté étonnamment calme et poli face à ce débordement de violence. Il faut dire que contrairement à eux, j’étais sobre.

J’ai fini par leur souhaiter une bonne soirée, couvert d’insultes (va machiner ta mère, expression particulièrement vulgaire dans la bouche d’un quadra ventripotent), et je suis rentré à la maison poursuivi par le gars qui voulait me cogner. Il m’a menacé une dernière fois, disant que je n’avais pas intérêt à sonner chez lui la prochaine fois. Effectivement, je ne sonnerai plus vu qu’ils ne l’entendent pas.

La bonne nouvelle c’est qu’après ma visite de courtoisie, ils ont coupé la sono et arrêté de hurler.

Mais une demie heure plus tard, devine qui sonne à la porte ? Nan vous n’allez pas le croire. Pas l’un des trois gars, ni une des dames, mais la police. Trois agents en uniforme, polis et propres sur eux, venant me demander ce qui s’était passé. Le monde à l’envers…

Alors je leur ai raconté ce que je viens de vous raconter, calmement. Ils ont écouté, pris des notes, mes coordonnées et ils m’ont conseillé d’appeler le 17 la prochaine fois plutôt que d’aller voir mes voisins.

Je pensais bien faire en allant discuter calmement avec eux, leur expliquer qu’ils faisaient du bruit et que j’aurais besoin de dormir un peu avant d’aller travailler. Manifestement j’ai eu tord. 

Après c’est clair que j’ai un problème avec le bruit, particulièrement les voix auxquelles je suis très sensible. Je dors avec des bouchons en silicone, j’ai du double vitrage, et malgré cela, fenêtres fermées, la tête sous la couette, j’entends encore des voix. Je vais finir sur le bûcher si ça continue. Vivement l’hiver !

De la théorie du complot

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PHOTO DNA Denis Werwer

Ce week-end, un de mes voisins, fort sympathique au demeurant (il aime le métal), m’a entretenu pendant une heure du grand complot contre l’humanité qui se joue en ce moment pendant que je taillais le massif d’hortensias. Ce plant venu du Japon nécessite une taille annuelle pour ne pas devenir une monstroplante de trois mètres de haut qui consomme deux litres d’eau par jour.

Le garçon est un rebelle dans l’âme. Homme au foyer, il s’occupe de ses bambins pendant que son épouse joue les institutrices. Informaticien de formation, il hante la toile à la recherche d’informations. Dès le premier confinement, en mars dernier, j’ai bien noté qu’il contournait allègrement les restrictions de déplacement, se refusait à porter un masque et mettait en doute la mortalité du COVID-19.

Mais cette fois son discours tendait à affirmer que pendant l’épidémie que nous vivions, il y avait moins de morts que d’habitude si on tenait compte de la pyramide des ages de que la grippe de 2015 avait tué plus de personnes.

J’avoue n’avoir même pas cherché à vérifier ces allégations, car je suis un mouton.

Le plus fort dans son discours, était l’affirmation comme quoi la fermeture des restaurants, cafés, salles de concerts, petites et moyennes entreprises faisait l’affaire des gouvernements, voulant mettre en place un ordre nouveau, sorte de RAZ de notre société actuelle pour un monde meilleur.

Damned ! Je ne suis pas paranoïaque, un peu con sans doute plutôt, j’essaye d’avoir un minimum confiance en ceux qui nous gouvernent. J’ai bien dit un minimum.

Je n’ai sût que répondre à ce jeune papa, alors je l’ai laissé parler, maintenant plus deux mètres de distance entre nous, chacun se tenant d’un côté du grillage car je tousse un peu. Pense-t-il également que l’homme n’a jamais posé le pied sur la Lune et que la Terre est plate ?

Je peine à croire que ceux qui nous gouvernent soient aussi machiavéliques que les adeptes de la théories complot veulent nous le faire croire. Si j’en étais convaincu, je serai dans la rue pour faire tomber le gouvernement au lieu d’échanger sur des complots fumeux par dessus un grillage de jardin.

Je suis toujours étonné de ces gens intelligents qui se réfugient dans le déni, la paranoïa et les théories du complot pour échapper à la cruelle réalité. Est-ce une réaction de déni face à la réalité implacable de cette épidémie ? Est-ce la panique qui se transforme en paranoïa ? Je n’en sais rien, toujours est-il que les gens deviennent très étranges, vous be trouvez pas, à croire que le gouvernement déverse dans l’atmosphère de puissants psychotropes, ce qui expliquerait la couleur jaune du ciel ces derniers jours. Quoi ? J’ai dit une connerie ?

Back In Black

La maison voisine fait peau neuve. Il faut dire que la pauvre, elle n’était pas gâtée par mère nature. Un espace exiguë, des murs fissurés, un toit peu étanche et surtout des propriétaires abrutis. 

Depuis plus de six mois, les travaux battent leur plein, les samedis, dimanches et fêtes, car si la bicoque s’améliore, ses occupants sont toujours les mêmes abrutis. « Y é né pas le sou alo yé fai sa o blaque ». Et le black, c’est le week-end, lorsque l’on essaye de se reposer. Meule, bétonnière, scie circulaire, perforateur, marteau piqueur, perceuse, gueulantes, chien qui aboie, ainsi passent nos fin de semaines dans la poussière soulevée par les machines. 

Back In Black, saison deux. Chaque été le même enfer. 

Tôt le samedi matin des petits coups de marteaux sournois ou une visseuse en pointillés pour vous réveiller en douceur puis le fauve est lâché dans l’arène, le chien se met à hurler sur tout ce qui bouge, lui même compris, alors le maître crie dessus sans effet apparemment avant de découper une poutre métallique avec une meule pas assez puissante. La fourgonnette blanche arrive alors (vous savez celle qui kidnappe les enfants) avec les copains payés à la bière ou les artisans non déclarés (et l’enfant attaché à des chaines à l’arrière). Ça gueule, ça s’engueule, ça tape, ça perce, ça crie et ça n’avance pas (tellement fort que l’on entend plus l’enfant pleurer).
Ils ont enlevé les tuiles (et l’enfant) du toit juste avant un orage épique, fait le crépi avant de changer les fenêtres,  construit un toit avant de décider d’en faire une terrasse. C’est qu’il y a de la jugeote chez ces gens (ils vont certainement demander un rançon).

Puis le soir, dans leur cour de 10m2, ils fêtent l’avancée du chantier, des libations bruyantes à la bière et au barbecue qui fume sous nos fenêtres, des réjouissances arrosées où l’abruti de chien a de nouveau droit à la parole. Tard dans la nuit, après avoir crié tout leur saoul, les travailleurs du dimanche repartent imbibés, le chien gueule une dernière fois pour la forme avant d’aller rejoindre son panier. 

Demain ça recommence.

Songe d’une nuit d’été

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Ah l’été, ses douces soirées, ses apéritifs en terrasse, ses jeux dans la piscine, quel bonheur !

Le mercure grimpe, les jupes se raccourcissent, les cigales chantent, bientôt il faudra fermer les volets tant le soleil brûle la peau.

La chaleur peine à baisser la nuit. Pour dormir sans suffoquer dans une chambre à plus de 28°, une seule issue, ouvrir la fenêtre, cette belle fenêtre double vitrage qui nous protège l’hiver du froid mais également des nuisances sonores:  du bruit de la rue, des voitures qui circulent, du bruit des voisins, qui discutent dans la cour juste en dessous de chez vous.

Vingt trois heures, je suis épuisé après plusieurs jours de canicule, le travail m’attend demain matin à six heures, il est urgent de dormir, mon corps le réclame.

Ils sont assis dans la cour, téléphone portable en main, tenant d’interminables conversations haut parleur réglé au maximum avec des interlocuteurs qui hurlent de rire. Ils sont heureux, pas moi.

Il faut chaud, les bières rafraîchissent, désinhibent, délient les langues. La télévision hurle une émission télé réalité débile que personne ne regarde, mais la fenêtre reste ouverte pour aérer la maison. Le chien, gentillement couché près de ses maîtres imbibés, se lève soudain et se met à aboyer comme un dément: un compagnon canidé passe dans la rue, à quelques mètre de là. Après quelques minutes de tintamarre, c’est aux propriétaires, dérangés par leur cabot, de hurler sur l’animal pour qu’il se calme. Il est minuit, l’heure du crime…

Un jardin plus loin, la piscine récemment creusée, est inaugurée par la famille et leurs amis. Plouffff ! Rires, cris, l’eau est fraîche, la nuit est chaude, cela fait du bien de s’y baigner.

Impossible de fermer la fenêtre, il fait trop chaud. Je rêve du île déserte, de meurtre, de climatisation, d’Islande, de lance roquette, de calotte polaire, de vengeance, de sorbet au citron, de fusil à pompe et d’une douche glacée. J’imagine que je vais me lever, descendre dans le jardin et hurler sur mes voisins pour qu’ils se taisent, pour qu’ils musellent ce chien, pour qu’ils vident la piscine. Mais j’ai trop chaud, comme eux sans doute, eux qui ne travaillent pas demain matin et qui se moquent de savoir si je dors ou pas. En plus je leur ai déjà expliqué gentiment plusieurs fois qu’ils nous pourrissaient les nuit.

J’ai envie de sortir mes enceintes colonnes sur la terrasse et vérifier jusqu’à quelle puissance l’amplificateur est capable de restituer la Polyfonie X de Pierre Boulez sans percer les tympans du public. Des scooters passent en pétaradant dans le rue, le chien se remet à hurler, les proprios suivent avec un temps de retard, les gamins crient dans la piscine, il est deux heures du matin, je me lève dans quatre heures, tout va bien.

Désespéré, je ferme la fenêtre, mets des bouchons d’oreilles, écrase ma tête sous l’oreiller et tente de trouver le sommeil sur un matelas trempé par la transpiration. Les bruits étouffés de mes voisins m’obsèdent, je n’entends plus que ça. Dès que le sommeil vient, un aboiement me réveille. Il est trois heures du matin, la chambre ressemble à un sauna, j’ouvre à nouveau la fenêtre. Pour faire bonne mesure, le chien hurle à nouveau en réaction à un rôt sonore accompagnant le bruit d’une canette de bière écrasée.

Mes voisins sont fin ivres, ils comatent dans le jardin, la télévision hurle toujours des clips de rap et de hip hop par le fenêtre ouverte. Plus personne ne nage dans la piscine et le chien roupille près des dernières gouttes de bières coulant de la bouteille cassée. Il est quatre heure, je vais pouvoir enfin fermer les yeux et m’endormir. Dans deux heures le soleil se lève.

Et je rêve. Je rêve du Catalogue de la Manufacture des Armes de Saint Etienne. Je tourne les pages avec délectation, je choisis un fusil, des cartouches. Je commande et reçois aussitôt le précieux colis. Je déballe le paquet et admire l’arme bien graissée. De la fenêtre ouverte de ma chambre, je charge l’arme, épaule et tire. Pan ! Dans une canette de bière, la balle perce de part en part le cylindre métallique qui vole dans les air. Surpris dans son sommeil le chien sursaute et se met à aboyer comme un dératé. Pan ! Dans la mâchoire du clébard. Ses crocs explosent, sa langue se détache, du sang gicle sur le sol. La bête est encore vivante mais ne peut plus gueuler. Réveillé brutalement par les deux tirs, son maître sort péniblement du coma éthylique et se redresse. Pan ! Une balle entre les deux yeux du con qui dormait. La cervelle gicle sur le mur. Les yeux écarquillés il me regarde effrayé avant de s’écrouler. « Bonsoir, dormez bien. ». Une flaque de sang toute fraîche coule dans la cour de mes voisins, l’odeur de poudre enivre mes sens, il faut vraiment que je m’offre une arme automatique, ça doit se vendre au marché noir. J’irai flinguer ces petits abrutis à scooter avant d’aller me coucher et je lancerai une grenade au milieu de la piscine à l’heure de la baignade.

Rien de tel que de beaux rêves pour passer une nuit paisible. Bon il faudra quand même que je consulte cette fois, ça devient grave.

Quand on en possède un gros…

Quand on en possède un gros, mieux vaut prendre son pied, ce serait gâcher sinon. Ne prenez pas peur, inutile de coucher vos enfants, l’objet de ce post n’est pas phallique.

Il est justement misérablement ridicule pour ce qu’il sait faire. Il vient d’Asie et ce n’est pas le dernier godemichet de madame.

Les photographes se comportent un peu comme des automobilistes, ils apprécient les gros objets, et au concours de celui qui a la plus grosse, ils ne sont pas les derniers. Mais voila, comme pour les automobiles, la plus grosse est également souvent la plus chère.

Je n’échappe pas à cette escalade de l’impuissance. Dans le plus simple appareil, je ferai hurler de rire Rocco et ma voiture est une Logan, imaginez la misère. Mais j’ai un appareil photo. J’ai également une famille à nourrir, une maison à payer, alors pas question pour moi d’investir dans un objectif Sigma EX 500mm. Dommage car avec ces 46 cm de long, Rocco pourrait aller se rhabiller. Un 500 mm ça me tentait bien, mais pour quoi faire ? Une photo de la lune et un canard une fois par mois ? A 4700 €, c’est à dire à peu près le prix de ma Logan neuve, ça aurait été abuser.

Il existait la solution du pauvre, le Samyang 500 mm ouvert à 6.3. Un objectif à miroir de moins de 10 cm, pour un prix nettement inférieur, comptez 170 €. Il s’agit d’une monture T, il faut donc ajouter la bague qui va bien. Pour l’optique, le principe est celui d’un télescope Cassegrain : la lumière rentre par une lame de verre, est concentrée sur un miroir percé en son centre, et la lumière réfléchie est renvoyée par un second miroir, dit secondaire, dans le petit trou du miroir principal jusque le capteur de l’appareil photo. Et oui j’ai fait de longues années d’optique et d’astronomie, pourtant je ne suis pas une lumière, ça vous dérange ?

Pour 170 €, il ne faut pas s’attendre non plus à ce que les filles vous tombent dans les bras lorsque vous exhibez votre engin. Au mieux, ça les intrigue, et là agissez vite avant qu’elles ne comprennent la supercherie. Car au fond, ce n’est pas la taille qui compte. Si ? Non, tout est dans la technique. Je me rassure comme je peux.

Justement en parlant technique. Le Samayang 500 mm 6.3 est totalement manuel. Totalement. Il n’est même pas reconnu par l’appareil. Il va falloir configurer le boitier, lui donner la focale et l’ouverture, il va falloir également faire la mise au point à l’ancienne, c’est à dire en tournant le gros machin rond de 9,5 cm tout en stabilisant une image folle. Car avec une focale de 750 mm (sur un petit format), le moindre attouchement sur la bête se transforme en panique incontrôlée. D’où l’idée du début, quand on en possède un gros, mieux vaut prendre son pied.

L’usage de cet objectif s’accompagne au minimum d’un monopode ou d’un pied photo. Pour ma part, je prends mon pied en laissant la rotule libre avec le gros engin dessus (vous me direz, chacun prend son pied comme il veut après tout, et vous aurez raison). J’ai essayé d’utiliser la chose en concert, je sais c’est mal, mais dans le noir personne ne s’en rend compte. Alors, avec une ouverture à 6.3 (nan sur ce coup je ne ferai pas d’humour, c’est large quand même), l’image est très sombre, ça plus la nécessité d’aller au 200ième – le truc n’est pas stable – vous allez monter très vite en ISO faute de grimper au rideau. Avec une scène bien éclairée, si vous êtes au dernier rang, avec un pied, peut-être, sinon laissez tomber. Par contre pour le postérieur rond de la voute céleste, le Samyang est assez bien adapté comme pour animaux (on ne parle pas de zoophilie comprenons-nous bien).

La mise au point est un exercice très délicat, surtout pour des vieux comme moi qui se pressent la bite. Avec des verres progressifs, une marge très faible entre le net et le flou, une image qui chahute, réussir la bonne mise au point est un véritable challenge. Alors pour la lune, j’ai un truc, mais faites gaffe, il y a des risques. L’idée est la suivante : en plein jour, dans une atmosphère calme, prenez le Samyang et faites une mise au point sur un objet fixe très lointain, et ce avec l’écran en mode zoom. Une fois l’infini trouvé, faites une marque sur l’objectif. De cette façon, la nuit, vous n’aurez plus qu’à régler l’objectif sur la marque et photographier, à condition que la température extérieure soit sensiblement la même.

Faites attention quand même, il y a un risque. Cet été, de ma fenêtre au premier, j’ai sorti le matos, cherché mon repère à l’infini et callé mon engin en vue d’une nuit torride. Quelques minutes après, un gars furibard sonnait à ma porte, quand je dis furibard, j’ai vraiment cru qu’il allait me casser la figure avant de dire bonjour. Sa bourgeoise m’avait vu à ma fenêtre, exhibant mon attirail et s’imaginait être la cible de ma perversion libidineuse (s’il lit cet article, je suis mort). Quand je pense que j’ai peut-être loupé une bombasse lascive dans le plus simple appareil alors que je focalisais sur une grue…  Mais quel con ! Il a fallu que j’explique à un mec très énervé et pas forcément photographe que je faisais des images lunaires (en plein jour, hum…) et qu’au préalable, je calibrais mon matériel sur une cible lointaine pour moins galérer en pleine nuit. Pas certain qu’il ai compris, mais il est parti et j’ai pu remonter à l’étage mater son épouse.

Alors résumons-nous. Le Samyang 500mm 6.3 n’est pas cher. Il est totalement manuel, n’a pas le piqué d’un Sigma EX 500mm (j’en avais pas parlé mais ça tombe sous le sens) et nécessite au minimum un monopode. La mise au point s’avère délicate pour les bigleux et vous risquez des altercations avec vos voisins paranoïaques. N’oublions pas le point le plus important : quand vous êtes mal foutu, que vous roulez en Logan et que vous sortez votre Samyang, vous passez pour un gros naze auprès de toutes les minettes. Monde cruel…