Retro pédallage

En 1980, mon frère ainé, passionné de voile, achetait une Texas Instrument 57 LED, pour l’aider dans ses calculs de navigation. La machine, avec ses 50 pas programmables et ses sept registres mémoire rebuta très vite la marin d’eau douce qu’il était. Alors il ramena le monstre à la maison et me le prêta pour que je joue avec. Il me fallu une semaine pour avaler les concepts de programmation, lire le petit ouvrage qui accompagnait la machine et écrire mes premiers programmes. Dégouté, le grand frère me donna la calculatrice programmable et débuta pour moi, une passion dévorante, celle de l’informatique.

Peu après, je rejoignis un club d’informatique Microtel (France Télécom) rempli de Tandy TRS 80. J’y appris la programmation en Basic et très vite le langage machine du processeur Z80, une bête de course pour l’époque avec ses registres 8/16 bits. Ce furent les premiers jeux en basse résolution sur une écran vert, aux bruitages produits par un lecteur de K7, celui qui servait à charger les programmes.

Ma première machine fut le Commodore VIC 20, avec son processeur 6502 et un coprocesseur graphique intégré gérant les sons, des couleurs, et les fameux sprites qui permettaient de déplacer une matrice de pixels sur l’écran sans avoir à programmer de scrolling, une révolution pour l’époque. Je me plongeais très vite dans l’architecture système du monstre disposant de 5 Ko, usant de Peek et de Poke, programmant en assembleur et Basic et jouant parfois avec les cartouches vendues à prix d’or.

La seconde, fut logiquement le Commodore 64, la version XXL du VIC 20. Plus puissant, plus rapide, disposant d’infiniment plus de mémoire, il me permit de me lancer dans des langages comme le Pascal, le Lisp, de programmer mon premier macro assembleur et de transformer la machine en synthétiseur. Dépensant toutes mes économies, je lui adjoignais rapidement un lecteur de disquettes 5 1/4 pouces, une révolution après le lecteur de K7 poussif.

A la même époque je jouais chez un copain sur ATARI 2600 de longues parties endiablées quand nous n’allions pas dans un café faire un Packman ou un Defender. Parfois nous jouions sur le C 64, ayant trouvé la technique pour transférer le contenu des cartouches de jeu sur disquette 5 1/4 pouces. Le piratage avait déjà commencé.

Mon premier PC arriva avec les études supérieures, un Victor 9000 avec ses deux lecteurs de disquettes et son système MS-DOS. Je programmais alors plus à fond en Pascal, utilisais les premiers outils bureautiques comme Wordstar 2000, me plongeais dans le Prolog et autres langages exotiques.

Pendant mon service militaire, je devins pour une année, programmateur dans un régiment de transmissions. Ce fut ma première expérience avec les bases de données, DBASE III en l’occurrence. Nous travaillions sur un pro logiciel de gestion de facturation de toutes les communications de l’armée de terre, une fabuleuse usine à gaz avec un analyste qui n’avait pas anticipé le changement TVA qui intervint pendant la phase de codage.

Il fallu attendre quelques années avant que je change de machine. Ce fut un PC une nouvelle fois, les premières machines dites multimédia, un 486 DX avec une carte Sound Blaster 16, un carte graphique Cirrus Logic et un lecteur CD Rom, le tout sous Windows 3.11. Pour changer de jeu il fallait optimiser deux fichiers système config.sys et autoexec.bat, répartir la mémoire, supprimer certains logiciels, c’était l’enfer ! La disquette 5 1/4 avait depuis longtemps laissé place à la 3 1/2 et les disques durs étaient devenus monnaie courante. Les assembleurs assemblaient dans leurs locaux improvisés des machines, dites compatibles PC, et chacun allait de sa configuration improbable.

C’est à cette époque que je découvris Delphi, un Pascal objet sous environnement Windows, d’une puissance inégalée pour l’époque et très simple à programmer en comparaison de Visual C++. A l’aide de ce magnifique outil, au travail, je développais un logiciel de visualisation, calcul et analyse de lame d’eau radar en temps réel, alliant cartographie fine, réception en temps réel de données via une liaison spécialisée et recalcul de lame d’eau à partir des données de notre réseau de pluviomètre. Un énorme pied ! A la maison, je concevais des sharewares de gestion de parc automobile, d’agenda, de comptabilité ou des jeux débiles, plus pour le plaisir que pour l’argent. La grande époque de l’informatique. Je développais mon premier blog en HTML 1.0 avec un accès Compuserve, mon plongeais dans les arcanes des protocoles TCIP/IP, Gopher, découvrais les première distributions LINUX à configurer à la main.

Arrivé à Strasbourg et fort de cette expérience, je devins administrateur système Windows, sous Windows 3.51 puis NT 4.0, de même qu’admin Oracle et hot line pour notre parc d’ordinateurs PC. Des kilomètres sur les routes du Nord-Est pour réparer, configurer, installer, mettre en réseau des machines qui découvraient les joies d’Internet et des virus.

Ma première console date de cette période, une Nintendo Game Cube. J’en avais assez de bidouiller des PCs pour jouer, de devoir configurer, changer de cartes, augmenter la mémoire pour optimiser la rapidité des cinématiques et la 3D des jeux. Time Sliptters 2, Mario Kart, Mario Party, Animal Crossing… Peu après vint la DS, puis la DS Lite, puis la 3DS, nous avons eu presque toutes les déclinaisons de cette console portable à la maison. Nous, car les enfants étaient arrivés entre temps, un autre défit de programmation, multipliant de fait les consoles.

Au travail je passais au développement, un poste longtemps convoité. Je commençais en Visual Basic 6.0 (oui je sais), Oracle, SQL Forms, C, Fortran. La programmation web vint plus tard avec le PHP. Je crois être un des rares fondus à avoir d’ailleurs associé IIS, PHP et Oracle sous Windows. Une config improbable avant de passer à Linux comme tout le monde. Java, Python, Pearl, Ruby, au gré des projets et des directeurs, j’ai joué avec de nombreuses technologies et la toute nouvelle Nintendo Wii qui venait révolutionner le paysage ludique.

Aujourd’hui j’ai un PC portable et ne programme plus que pour le plaisir, pour le webzine avec un Framework maison en PHP. La Wii est au grenier, remplacée par la toute dernière Nintendo Switch sur laquelle je joue beaucoup. Mais je me souviens de ma première Ti 57 avec ses 50 octets, ses 12 digits LED, ses 7 registres et je regarde avec effarement mon iPhone SE, son écran Rétina 4 pouces, son processeur A9 et ses 16 000 000 octets. Quarante années d’évolution informatique, deux objets sensiblement de la même taille et quelle différence de puissance ! Jusqu’où irons nous ?

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