Partie de chasse

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Entre le village d’Ottrott et le Champ du Feu, il n’y a que huit cent mètres… de dénivelé. Une magnifique route sinueuse dans les bois où les porches s’essayent à la conduite à la manière d’un Sébastien Loeb.

J’emprunte en moyenne cette route presque deux fois par semaine pour aller observer les étoiles si bien qu’à force, j’en connais chaque virage. Je sais où je dois lever le pied comme j’anticipe les rares lignes droites où j’ai une chance de doubler une Twingo poussive.

À l’aller, il fait généralement jour et quelques véhicules grimpent courageusement la côte qui ne conduit que là haut. Je suis frais, de bonne humeur, seulement inquiet des quelques nuages qui pourraient gâcher la nuit. En moins de trois quarts d’heure, je suis au sommet, paré à en découdre avec les étoiles.

Au retour, il fait nuit, ou bien le soleil se lève. Cela fait au minimum vingt heures que je suis debout. Il s’est écoulé plus de douze depuis mon dernier café, j’ai les yeux qui piquent, le pare brise embué, et un niveau de concentration amoindri.

C’est pourtant la descente de tous les dangers. En hiver la route est fréquemment verglacée et en été, elle est habitée. 

Sur les rebords, se promènent des biches, au milieu de la chaussée, un cerf défie les automobilistes, des renards traversent furtivement la route, des lièvres, éblouis par les phares, restent pétrifiés sur le macadam, des familles de sangliers traversent sans prévenir et on rencontre même des blaireaux.

La première fois que j’ai effectué le trajet, je roulais à 90 km/h, pressé de me glisser sous la couette. La première famille de sangliers qui a coupé la route a divisé par deux ma vitesse de pointe. La seconde l’a réduite à 30 km/h. Parce qu’à 3h du matin, les réflexes ne sont pas les mêmes qu’à 18h.

C’est un spectacle à la fois magnifique et effrayant. Magnifique parce que l’on observe des animaux en liberté, ce qui pour un citadin, est assez rare sorti des parcs animaliers, effrayant parce que la rencontre entre un sanglier et le pare choc avant de la voiture peut très mal se finir pour les deux protagonistes.

Lorsque nous montons, nous partageons des informations sur la température, la qualité du ciel, le coucher de soleil. Mais lorsque nous redescendons, nous partageons des informations sur le gibier rencontré sur la route, parfois des photos voir même une courte vidéo.

Les astronomes en culottes courtes qui viennent étrenner leur nouveau matériel sur les sommets vosgiens reçoivent les conseils des anciens sur comment utiliser les meilleurs réglages de leur équipement . Et avant de repartir, ils sont également briefés des dangers encourus lors de la descente.

À ce jour, aucun copain n’a fait de mauvaise rencontre, mais à chaque fois que je descends, je serre les fesses, guettant des yeux brillants dans la nuit, surveillant le bord du chemin et roulant plein phares au ralenti au milieu de la route pour anticiper toutes les rencontres. La dernière fois, je n’ai croisé que deux renards et huit biches, c’était une nuit paisible.

Trique

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Certains matins, en me rendant au travail, je me fais doubler sur la piste cyclable par un drôle d’engin : deux pneus de trial, une selle, deux pédales, une batterie, c’est un vélo électrique. Le bolide silencieux me dépasse à trente kilomètres heure sur une chaussée de deux mètres de large, sans me prévenir, un écart et nous sommes morts.

La solution planétaire au réchauffement climatique viendra par la trique, je veux dire par l’électrique. C’est du moins ce que nous promet Elon Musk qui va licencier plein de gens parce qu’il perd de sous (le pauvre). Nicolas (pas le petit teigneux), l’autre, le petit acheté avec une boite de macros, lui aussi croit à la fée trique, d’ailleurs des coups nous nous en prenons plein en ce moment. D’autres ont la trique en s’offrant un Tesla : « Je roule vite et longtemps mais je suis propre. ».

Justement, en parlant de propreté, la trique est-elle propre ? La trique ne vient pas toute seule, sauf lors des orages, il est nécessaire de la produire, de la conserver (beaucoup plus dur), et pas à la force du poignet désolé, sinon ce serait une toute petite trique. Il faut du porn, du lourd. Et ce n’est pas avec trois ailettes et deux panneaux que ça va monter en puissance, faut du bon porn radioactif, du Fessenheim.

La trique en voiture je peux encore comprendre, mais rouler sa trique à pédale, un peu moins, surtout juché sur un SUV à deux roues. La pédale, ça ne donne pas la trique certes, mais cela permet d’être propre, de perdre quelques kilos superflus et de ne produire que du méthane les mauvais jours.

Certains me rétorqueront à raison, que la trique à pédale est un moindre mal plutôt qu’un SUV diesel, oui. Mais non. Car une pédale à trique roule trop vite, beaucoup trop vite et croyez moi, question vitesse à pédale, je suis la reine. La trique à pédale est juste un effet de mode, un nouveau créneau commercial, un moyen de se donner bonne conscience, un truc de bobo et de feignants.

Au bout du compte, la chose pollue indirectement et reste très dangereuse sur la route. Pédalez plus vite, vous perdrez des calories superflues, deviendrez plus léger et irez encore plus vite, sans parler des effets à long terme sur votre facture de trique.