Aisles – Obras de los Jaivas

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Alors que je traversais une grave crise musicale, le dernier EP des chiliens du groupe Aisles m’a sauvé. J’avoue que depuis la sortie de leur précédent album Beyond Drama et Bahamut, l’EP électro cinématique qui a suivi, je ne sais plus vraiment où en était le groupe avec son chanteur.

Avec Obras de Los Jaivas, le quatuor propose vingt-cinq minutes en quatre morceaux interprétés par autant d’artistes. Et cette fois c’est en espagnol que cela se passe.

Leur travail n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui de Esquirla, la fabuleuse rencontre improbable de Nino de Elche avec le groupe de post-rock Toundra.

Sur Obras de Los Jaivas on retrouve bien la musique de Aisles mais pour ce qui est du chant, on est plus proche du flamenco que du rock progressif. Et cela va certainement dérouter plus d’un fan du groupe.

C’est particulièrement vrai sur le magnifique morceau chanté par Kuervos del Sur, ‘La Poderosa Muerte’. Plus de onze minutes progressives d’une incroyable puissance qui allient instrumental et chant rugueux en espagnol.

Mais je m’emballe, parlons déjà du premier titre. ‘La Conquistada’ chanté par un fan chilien de Queen, à savoir Nico Borie qui fait plein de reprises sur sa chaîne Youtube. Sa manière de chanter fait beaucoup songer au groupe italien Nosound que j’adore, jusqu’à ce que la musique s’emballe et là je retrouve le Aisles que je connais bien.

‘La Mira Ninita’ est nettement plus consensuel que ‘La Poderosa Muerte’. Une jolie ballade à la manière de ‘Hijo de la Luna’ de Mecano où chante la délicieuse Dulce y Agraz.

Enfin ‘Sube a Nacer Conmigo’ qui termine l’EP reprend les sonorités électro prog de Aisles sur le chant traditionnel de Nano Stern. Le contraste entre les deux univers est saisissant mais il fonctionne. A condition d’avoir apprivoisé le morceau, ce qui n’est pas forcément évident.

Evidemment, cet EP est pour le moins étrange. Du rock progressif électro chanté pour une fois en espagnol avec de fortes consonances folk, ça ne court pas vraiment les rues. En plus, lorsque deux des chanteurs viennent de la musique traditionnelle chilienne, il y a de quoi en déstabiliser plus d’un.

Pour ma part je trouve ça audacieux de la part de Aisles de se remettre une nouvelle fois en question. Et j’aime ça chez les artistes.

La bonne nouvelle c’est que Obras de Los Jaivas m’a sorti de ma morosité musicale et rien que pour cela, je vous invite à écouter cet OVNI qui est disponible sur Bandcamp.

Aisles – Beyond Drama

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Je vais vous parler d’un très sérieux candidat à l’album de l’année, ils ne sont pas si nombreux en fait.

Aisles est un groupe chilien d’art rock progressif qui m’avait ébloui, n’ayons pas peur des mots, en 2016 avec leur concept album Hawaï.  Si j’avais bien aimé 4:45 am en 2013, Hawaï constitue un vrai virage dans leur carrière en proposant un univers sonore original sans parler de l’histoire.

Et puis les chiliens ont changé de chanteur et pour tout vous dire, les premières reprises de Israel Gil ne m’ont pas convaincu outre mesure, mais l’expérience de Marillion l’a amplement prouvé, il n’est pas aisé de changer de lead singer dans un groupe. Le premier single, ‘Thanks to Kafka’, m’avait peu emballé à sa sortie en 2021. Le phrasé d’Israël m’avait quelque peu dérangé comme son look adolescent pré pubère face aux cinq autres vieux barbus quadra du groupe. Cela ne m’a pas empêché d’écouter les titres suivants au gré de leurs publications sur Bandcamp comme le génial instrumental ‘Game Over’ qui conclut en beauté l’album.

Lorsque la pré commande fut disponible, je me suis encore lâché et cette fois, je ne le regrette aucunement. Beyond Drama raconte en neuf morceaux la pandémie de COVID-19 et la crise politique qu’a traversé le Chili ces dernières années. Aisles joue d’un rock progressif latino à la rythmique turbulente, aux claviers aux sonorité eighties et aux guitares omniprésentes sans donner pour autant dans le gilmourish. Bref c’est un groupe à part dans le paysage progressif.

Pour parler chiffres, l’album dure pas loin d’une heure avec des morceaux allant de deux à onze minutes. Pas d’édition vinyle pour l’instant et c‘est bien dommage car la pochette, cet écorché vif aux couleurs très glauques est plutôt réussi. Je me suis donc contenté du digipack et du tee shirt qui ont traversé l’océan Atlantique à la nage, passant entre les mailles des douaniers.

Dans Beyond Drama je retrouve beaucoup l’univers musical coloré de Hawaï ce qui n’est pas pour me déplaire évidemment. Il y a toutefois moins de bruitages et un seul monologue dans ce dernier album.

La pièce de choix n’est pas forcément la plus longue de l’album. C’est en effet ‘Megalomania’, un titre de seulement 6 minutes 25 qui a ma préférence ici avec l’instrumental ‘Game Over’. Et si j’ai eu du mal au début avec ‘Thanks to Kafka’, je trouve aujourd’hui qu’il s’intègre bien à l’album. ‘Megalomania’ au tempo relativement apaisé, brille par ces notes quasi aléatoires, façon Game Boy Advance, sur lesquelles se pose la voix plaintive d’Israël. Un texte, qui, il me semble, parle des personnes transgenres.

Certains grincheux pourraient reprocher la proximité de Beyond Drama avec Hawaï, d’ailleurs peut-être avaient-ils quelques enregistrements à recycler malgré le précédent double album. Pour ma part je trouve que Aisles a assis son style et que ce nouvel album est un des meilleurs de leur discographie. Vous pouvez l’écouter sur Bandcamp ou l’acheter en digipack au même endroit. Ne passez pas à côté, il rentre de ce pas dans mon top 2023, au sommet de la pile.