La Longue Terre

En passant

Prenez deux auteurs de science fiction réputés, Terry Pratchett connu pour son humour franchement décalé et Stephen Baxter, connu pour sa science fiction très scientifique. Enfermez-les quelques mois dans un bureau et attendez qu’il en sorte quelque chose. Vous obtiendrez un roman, La Longue Terre.

Le livre développe l’idée des mondes parallèles. Un jour, les humains découvrent qu’ils peuvent voyager d’un univers parallèle à un autre, moyennant une pomme de terre et un peu d’électronique. Brutalement l’économie mondiale s’effondre et les habitant de la Terre s’éparpillent d’est en ouest dans des mondes vierges d’humanité.

Avec la rigueur scientifique de Baxter et l’humour de Pratchett, nous aurions pu espérer un roman délirant et inventif, mais non. La Longue Terre s’enlise très rapidement dans un road trip en dirigeable, dans lequel un ordinateur et un jeune homme s’embarquent, objectif, parcourir ces mondes. Je me suis très très vite ennuyé avec le bouquin et si j’ai lu quelque part, que les dix dernières pages donnent envie de lire la suite, je n’ai pas eu le courage de dépasser la moitié du bouquin.

D’accord Pratchett ne m’a jamais fait beaucoup rire mais je suis un grand fan de Baxter. Pas grave, j’avais emprunté le bouquin.

Le liseur du 6h27

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Lorsque ma pile de livres à lire est épuisée, que les librairies sont fermées, il me faut tout de même quelque chose à bouquiner.

Alors je fouine dans la bibliothèque, inspecte la pile d’emprunts de ma femme et finis par piocher, toujours un peu au hasard, un roman d’un auteur inconnu. Souvent je tombe sur un livre que ma femme a commencé sans aller jusqu’au bout, ce qui est bon signe car elle aime l’action et moi la lenteur.

Cette fois, le destin a guidé ma main innocente vers le livre d’un novelliste vosgien, Jean-Paul Didierlaurent, champion du quadruple prénom inconnu de notre bibliothèque avant ce jour.

Son bouquin, Le Liseur Du 6h27. Une banquette rouge de RER et un plan de réseau pour couverture, nous sommes bien loin des Vosges.

C’est une histoire de livres dans le livre où l’écrivain parle d’écrivains. Un grand classique. Une histoire qui se déroule à Paris, l’histoire d’un homme qui broie du noir, qui broie des livres. Plutôt qu’un roman, ce sont plusieurs nouvelles qui se chevauchent, le lecteur du RER, l’histoire de cette machine qui broie les livres, le journal de la dame pipi et la quête des livres de jardinage.

Plusieurs récits dont aucun n’arrive à la fin et qui constituent un roman facile à lire, que l’on dévore en quelques heures et qui donne envie d’en lire plus de cet auteur.

Une vie de chien

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Paul Auster vous connaissez ? Oui cet écrivain américain qui dans presque chacun de ses romans transforme son personnage principal en SDF.

J’aime beaucoup sa plume même s’il faut espacer les lectures pour éviter des redites.
Généralement ses histoires ne respirent pas la joie de vivre et ses personnages sont souvent perdus dans la vie.

Avec Tombouctou, le narrateur est un chien, M. Bones, qui raconte la vie de son maître et sa propre existence de bohème, quand son bipède de compagnon passe l’arme à gauche.

M. Bones est un chien qui comprend l’anglais faute de le parler, même si certaines subtilités de langage lui échappe encore. Un vieux chien pouilleux de sept ans, plein de tiques, de vers, un bâtard intelligent qui aime son poète de maître.

La première partie du roman raconte la vie et la mort de l’écrivain maudit, vu d’un regard canin et sincèrement le récit part très vite en vrille, entre rêves, hallucinations et agonie. Le lecteur prend peur et se demande s’il va continuer l’histoire.

Puis le poète meurt pour de bon (il se loupe plusieurs fois) et M. Bones devient un chien errant, affamé, battant la campagne, traînant dans les rues, avant d’être recueilli par des gamins qui le maltraitent, un petit chinois dont le père ne veut pas d’animal à la maison et enfin une famille aisée qui s’occupe du bâtard comme ne le ferions avec notre animal de compagnie.

C’est alors notre monde vu par le chien, le traitement que nous réservons aux animaux de compagnie qui est raconté par Bones, une vision à quatre pattes qui ne manque pas de sel et de lucidité, toilettage, castration, interdits, chenil, solitude et orgie alimentaire. Après avoir lu Tombouctou, vous regarderez différemment votre chien, même s’il ne comprend pas l’anglais.

Et Tombouctou dans l’histoire ? Lisez le livre, vous comprendrez…

La fille de Debussy

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Le saviez-vous, Debussy avait une fille ? Certes ce n’est pas sa fille qui restera dans les mémoires, mais la musique du maître. Il s’agit pourtant du thème de Damien Luce pour son petit roman intitulé, devinez comment : La Fille de Debussy.

Je suis un grand admirateur de la musique impressionniste… NON ! Défense d’utiliser ce terme, Debussy le détestait. Bon alors disons que j’aime beaucoup la musique composée à l’époque de peintres impressionnistes, même si elle n’a rien de commun avec leurs toiles. C’est mieux ?

Debussy, Ravel, Poulenc, Scriabine pour ne citer que les plus célèbres, une musique qui parle à mon âme et à mon cœur depuis que mon épouse pianiste m’a initié à ces compositeurs. Une musique qui me touche bien plus que les grands classiques, de Mozart en passant par Beethoven.

Alors un roman parlant de Debussy sous la plume imaginaire de sa fille, l’idée était tentante. Claude vient de mourir, c’est la guerre, Claude-Emma pleure son père et joue du piano.

Le livre est un journal, écrit par l’enfant, qui débute peu avant la mort de Debussy. L’idée du roman, à la base séduisante, est celle de Claude-Emma passant l’été 1918 à déchiffrer les partitions de son défunt père, sur le piano avec lequel ils composa ses œuvres. Dans son journal, elle raconte les artistes qui viennent présenter leurs condoléances, son amourette avec un garçon qui rêve de bateaux, ses escapades nocturnes, ses laborieuses leçons de piano, et ses déchiffrages, pièces après pièces.

J’espérai retrouver dans les phrases, un peu de la musique de Debussy. Même si le style de Damien est agréable, le roman devient rapidement un catalogue dénué de poésie. L’histoire de la petite Emma qui se meurt (elle décède le 14 juillet 1919) ne touche guère le lecteur sans cœur que je suis et la pirouette de l’auteur consistant à trouver le journal de l’enfant dans un tronc d’un arbre creux est un peu facile.

Bref, le roman ne tient pas ses promesses et ne donnerait pas envie d’écouter du  Debussy à quelqu’un qui ne connaîtrait pas l’oeuvre du compositeur. Passez votre chemin.

La horde

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Combien de lecteurs ont quitté la trace, abandonné la horde, sont morts de désespoir ou d’épuisement en tournant les pages ?

La Horde du Contrevent, même si ce n’est pas un pavé, ne se lit pas en quelques heures. Sept cent pages à rebours, qu’il faut affronter vent de face, avec ses accalmies parfois longues et ses furvents palpitants. La force de Alain Damasio tient au récit morcelé conté par les vingt-un membres de l’expédition. Chacun s’exprimant avec un style et un vocabulaire propre, tout particulièrement Caracole, Golgoth et Erg. Le récit commençant par un furvent, démarre le vent en poupe et le lecteur se dit qu’il aura bientôt avalé le roman, peut-être même avant la fin de la nuit. Puis la tempête se calme, l’histoire s’enlise, l’envie s’essouffle jusqu’a une rencontre avec des Fréoles.

Au fil des chapitres, le lecteur découvre les protagonistes, Steppe, Oroshi et les autres, leurs rêves, leurs souffrances, leurs faiblesses, il découvre également un univers fantastique, un monde où le vent souffle tout le temps, un monde avec ses chrones étranges, magiques, un monde fait de vif. Au bout du voyage, la horde espère trouver l’Extrême-Amont, la source du vent, le Valhalla des hordeurs, mais aucune horde avant celle-ci, la trente quatrième, ne l’aurait jamais atteint. Des décennies de marche contre le vent, des morts, sur les pas des autres voyageurs jusqu’au jour où ils foulent une terre inexplorée.

Faut-il lire la Horde du Contrevent malgré ses longueurs ? Oui, pas de doute, il s’agit d’une oeuvre majeure du fantastique. Soyez tout de même équipé pour ce long voyage, prévoyez d’autres romans pour la marche, j’ai pris près d’une demie année pour le terminer.

Le marionnettiste

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Pourquoi faut-il que le cyberpunk use d’images de tous les jours pour nous décrire l’univers numérique ? Pourquoi une IA doit forcément se manifester sous forme d’un avatar parfois ridicule. Pourquoi les flux de données, les pare-feux, les logiciels sont décrits comme pour parler aux des enfants ? Les concepts de glace et de cerbère, inventés, il me semble par William Gibson, suffisaient amplement à expliquer les sécurités des systèmes. Inutile de faire appel à des images enfantines comme des panthères noires, des pantins pathétiques ou des flocons incompréhensibles.

Station : La Chute fait partie des romans de cyberpunk, à savoir des livres qui parlent de mondes futuristes où l’informatique règne en maître et où les habitants sont connectés en permanence.

Quand vous rentrez dans ce genre de livre, vous devez d’abord vous initier au vocabulaire, la Trame, un marionnettiste, la Totalité, le Panthéon, la Guerre Logicielle, l’Allée des Cercueils, l’Epine, les Flocons, Dockland, un exercice qui rend fastidieuses les premières pages.

Si Al Roberstson se vautre dans les clichés du genre, il faut lui reconnaître quelques belles qualités : le concept de marionnettiste et de marionnette, symbiose contre nature entre un être humain et une intelligence artificielle. Même chose pour cette Allée des Cercueils, des serveurs où attendent les consciences numériques des défunts, qu’un vivant les appelle pour tromper sa solitude.

Le reste sonne assez classique, la Station, un lieu clos où se déroule l’intrigue, la Trame, sorte de monde virtuel qui masque le réel sordide, des IA qui ont fait sécession (la Totalité), une enquête sur un meurtre qui nous conduit au sommet d’un vaste complot, un guerrier numérique déchu pour trahison et qui revient, des années plus tard chez lui, privé de tout accès au monde numérique.

Sans être exceptionnel, Station : La Chute se lit bien. Si vous n’avez pas lu de cyberpunk depuis quelque temps, vous passerez un bon moment en sa compagnie.

2312

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Ascenseurs spatiaux, terraformation, longévité et névroses, bienvenu dans l’univers de Kim Stanley Robinson. Après avoir lu le cycle de Mars, S.O.S. Antartica, Les Menhir de Glace, j’ai conclu une longue trêve littéraire avec cet accoucheur de pavés. Si Mars la Rouge m’avait fasciné, je mettais un peu essoufflé sur la fin du cycle, surtout à cause des personnages névrotiques et immortels de la trilogie.

2312 poursuit l’histoire en quelque sorte. Après la colonisation de Mars, vint le tour de Mercure, Venus et le système saturnien. Le pavé de 600 pages, centré sur Swan, une femme de plus de cent vingt ans vivant sur la citée Terminateur sur Mercure, raconte une enquête policière tout en décrivant une géopolitique complexe où différentes factions, La Terre, Mars, Mondragon se livrent à une lutte pour le contrôle du système solaire. De planètes en terrariums, nous voyageons de Mercure à Pluton, circulons dans le système jovien, nous posons sur une Terre à l’agonie et réfléchissons à la place de l’homme dans l’espace.

Le roman se découpe en extraits, listes et le récit des personnages, des bouts de paragraphes, des successions de mots et l’histoire elle même, une narration troublante, parfois agaçante, mais qui prend progressivement tout son sens. Impossible d’échapper à la psychanalytique de Robinson, ses personnages sont le plus souvent torturés et donc assez fouillés, principalement Swan la femme aux implants biologiques et cybernétiques. Si les récits multiples semblent au début éparpiller le roman dans de nombreuses directions, lentement tous convergent vers le dénouement, rien n’est gratuit chez cet auteur.

Intelligence artificielle, terraformation, économie, sexualité, voyage, habitat, politique, médecine, culture, réchauffement climatique, avec 2312 Kim Stanley Robinson nous livre sa vision de l’avenir, abordant presque tous les sujets sans en faire une encyclopédie. Un ouvrage brillant, récompensé, pas toujours facile à lire, qui ravira les amateurs d’anticipation.

La Glace et le Sel

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Vous avez probablement lu le fabuleux roman épistolaire de Bram Stoker, Dracula, chef d’oeuvre de la littérature fantastique de la fin 19eme siècle. Vous avez sans doute également vu le film de Coppola tiré du même livre, mais peut-être n’avez vous pas entendu parler de La Glace et le Sel de José Luis Zarate sorti chez Acte Sud en avril 2017. Le roman raconte le voyage du comte à bord du Déméter, voyage qui le conduit de Varna à Londres.

Si comme moi, le mythe du vampire vous fascine, vous vous jetteriez également sur ce petit ouvrage. Sauf que…

Vous souvenez-vous de la polémique qui faisait rage lors de la sortie du film de Coppola en 1992, en pleines années sida ? Le sang, le sexe, la maladie, le Dracula pouvait être interprété comme une vision de l’expansion du HIV de part le monde, virus qui sévit toujours ne l’oublions pas.

Je n’ai pas pu lire La Glace et le Sel. Pour être exact, je n’ai pas dépassé la cinquantième page. Le style est irréprochable, l’univers de Bram Stoker respecté, mais je ne vous cache pas que quelques chose dans le récit, m’a mis très mal à l’aise.

Le capitaine du Déméter est hanté par des pulsions homosexuelles qu’il refoule devant son équipage. Page après page, l’auteur raconte les fantasmes du marin torturé :

« Ce que je veux, ce sont des corps glabres, des muscles le long desquels la sueur puisse glisser librement, liquide qui s’écoule, dégoulinant. »

Je ne me croyais pas pudibond, mais les descriptions de José Luis Zarate me sont insupportables. Étonnant pour une personne qui se croit large d’esprit, qui côtoie régulièrement un frère et quelques amis homosexuels. Aurai-je, enfoui au fond de moi, des pulsions homophobes ?

C’eût été une capitaine, j’aurai trouvé l’ouvrage assurément croustillant, mais voila, à l’époque, les capitaines de navires, même dans un roman fantastique, étaient des hommes…

Eternel

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Avec sur la couverture la planète rouge et un vaisseau posé au sol, en plus dans la collection Acte Sud, il ne m’a fallu qu’une demi seconde pour emprunter Eternel de Sylvain Estibal à la médiathèque. Bien mal m’en a pris.

Après avoir assemblé une base sur le sol lunaire, des vétérans de l’espace reviennent vers la Terre. Il leur reste juste une dernière mission, envoyer le serveur Eternel, au point de Lagrange. Polar thriller science-fictionnesque, Eternel na pas réussi à me convaincre un seul instant. L’histoire de ces spationautes enfermés depuis des mois ensemble avec leurs jalousies, ambitions, rancunes, pulsions inassouvies n’ont pas réussi à me séduire. Vocabulaire pseudo scientifique, psychologie facile, les seuls passages du romans qui méritent un coup d’œil sont les réflexions de ce président sur le déclin qui suit de près la mission. Si vous n’avez vraiment rien d’autre à lire pourquoi pas.

Pour seul cortège

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Encore un Laurent Gaudé me direz vous.

Décidément j’aurai lu de nombreux livres de cet auteur en peu de temps. Cette fois, l’auteur nous plonge dans un roman historique, évoquant la fin du règne de l’empereur Alexandre.

Pour tout vos avouer, je ne suis pas un passionné d’histoire. Parlez-moi proto-histoire, d’âge de bronze, de la civilisation celtique, je suis votre homme. Mais pour le reste, ce ne sont pas des lacunes, mais des abîmes, de puits sans fond.

J’ai pris le bouquin, parce qu’il trônait, solitaire sur notre bibliothèque et que l’auteur m’a toujours enchanté par son style. Lorsque j’ai commencé sa lecture, j’ignorais quel en était le sujet. Mais dès les premières lignes j’ai compris qu’il s’agissait d’un roman historique d’un genre très particulier, puisqu’il s’attache à la fin d’Alexandre le Grand. Alexandre meurt et sa dépouille va partir d’Alexandrie pour un long voyage. La chute d’un puissant laisse place à la curée, les anciens frères d’armes d’Alexandre se partagent l’empire, se battant pour les meilleurs morceaux, pendant que le cortège funéraire traverse le royaume.

Le rythme est lent comme la marche du cortège, les phrases magnifiques, le récit fantastique. Les morts parlent aux vivants alors que l’empire se délite et que le cortège avance avec sa cohorte de pleureuses. Un roman sur la mort, sur la fin d’une époque, sur le pouvoir. Un homme sans tête, un empereur qui parle dans son sarcophage, une épouse de rois qui se donne la mort pour mieux protéger son enfant.

Pour seul cortège, donne envie de découvrir le règne de cet empereur qui ne vécu que trente-deux années.