Veiller sur Elle

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Le roman de Jean-Baptiste Andrea est une fresque historique des deux grandes guerres, une saga familiale, une histoire d’une pieta et la vie d’un enfant devenu sculpteur. C’est un peu Les Piliers de la Terre racontant le début du vingtième siècle.

Le sculpteur Michelangelo Vitaliani aussi surnommé Mimo, se meurt dans une abbaye, emportant avec lui le secret de son chef oeuvre, une pieta que le vatican cache jalousement tant elle trouble ceux qui l’ont admiré.

Mimo a été pauvre, nain de cirque, dépravé, mondain, sculpteur convoité, jouet d’une grande famille et par dessus tout l’ami de sa muse, l’indomptable Viola Orsini.

L’histoire débute vraiment dans le village de Pietra d’Alba par l’enfance de l’artiste en tant qu’apprenti sculpteur, la rencontre avec la puissante famille Orsini et Viola leur fille rebelle. Elle se poursuit à Florence, Rome mais revient toujours dans ce petit village isolé où la famille Orsini règne presque sans partage. 

Le roman se lit à la première personne comme une fresque historique et familiale italienne où les destins croisés du couple Mimo et Viola nouent et dénouent les intrigues politiques et religieuses de la famille Orsini de 1904 à 1986. 

Une lecture distrayante pour un prix Goncourt même s’il ne s’agit pas d’un chef d’œuvre contrairement à la pieta dont on apprend le secret prévisible dans les dernières pages du roman.

Le Goncourt

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Je sors d’une salle obscure, les yeux encore injecté d’images et d’effets spéciaux après deux heures quinze en 3D et Dolby Surround Prologic. Je viens de regarder un bon gros blockbuster américain de science-fiction avec toutes les ficelles du genre : une catastrophe aérienne, l’armée, le FBI, la NSA, le président des Etats-Unis, ces portraits d’inconnus partageant une tranche de vie et peu à peu un point commun qui se dessine, le vol Paris New-York 006. Un thriller à gros budget avec ces acteurs connus, un Independance Day tiré par les cheveux qui ne demande aucun effort pour être regardé.

Sauf que ce film je l’ai lu dans un roman de la collection nrf de Gallimard, et plus précisément, il s’agit du prix Goncourt 2020… En choisissant un prix Goncourt, j’espère toujours lire une œuvre de la qualité et la profondeur d’un Maurice Genevoix, d’un André Malraux, d’une Margueritte Duras ou d’un Andreï Makine. Pas un blockbuster américain. Pourtant, c’est bien que semble être L’Anomalie de Hervé Le Tellier, un roman fantastique, écrit comme un film hollywoodien à grand spectacle, avec sans doute avec une petite pointe d’ironie quelque part.

Pour appuyer un peu plus les clichés, L’Anomalie est un roman dans le roman écrit par un certain Victor Miessel, un obscur traducteur de bouquins américains à succès dont on découvre quelques extrait au fil de la lecture : « Le vrai pessimiste sait qu’il est déjà trop tard pour l’être. ». Profond non ?

J’ai cru me plonger dans un roman de gare, certes bien écrit, mais qui pendant plus des deux tiers, suit les codes d’un film à grand spectacle sans donner l’impression de faire appel un seul instant au second degré.

Hervé Le Tellier nous esquisse d’abord onze portraits de parfaits inconnus, leur vie vaguement ébauchée, le tueur, le chanteur noir homosexuel, le vieil architecte amoureux, la famille d’un soldat, le frère atteint d’un cancer au stade terminal et un Boeing 787 en approche de New-York qui traverse un orage d’une rare violence.

L’avion se pose et le livre bascule dans une enquête fantastique où l’armée, la NSA, le FBI, des tonnes de scientifiques, psychologues, théologiens et même notre bon président Macron se retrouveront totalement dépassés par les évènements. Ce qui arrive est impossible à moins que l’unique explication envisageable remette en cause tout ce en quoi nous croyons.

Après deux-cent-trente pages cousues de fil blanc, Hervé Le Tellier réussi tout de même à raconter quelque chose de plus profond, notre rencontre avec nous-même. Une rencontre impossible, difficile et étonnante dont il aurait pu tirer peut-être un essai philosophique ou métaphysique. Mais non, il en a fait un roman à succès. Car ne vous y trompez pas, L’Anomalie est un bon roman, facile à lire en quelques heures mais il n’a assurément pas la richesse d’un Au revoir Là Haut et encore moins de L’Amant. Le Goncourt ne serait-il plus ce qu’il était ?