An Abstract Illusion – The Sleeping City

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J’ai bousculé tout mon planning prévisionnel pour un album que Stéphane Gallay a présenté il y a peu. Le genre de concept album grand spectacle métal progressif gloubi-boulga que j’adore.

En fait, je connaissais déjà le groupe suédois, pourtant je ne le suivais pas sur Bandcamp, sinon j’aurai parlé de cette merveille bien avant Stéphane. Enfin pas certain, car The Sleeping City est sorti le 17 octobre dernier. Un album d’une heure composé de sept morceaux dont trois de plus de dix minutes.

An Abstract Illusion joue du métal progressif cinématique symphonique avec du growl caverneux, du chant clair, du poutrage, de l’acoustique et tout le reste. Une cuisine grasse et indigeste pour les estomacs délicats. Donc tapissez vos tympans avec du Smecta et bouchez vos oreilles avec deux comprimés d’oméprazole si vous êtes métalo sensible.

La pochette, qui ne m’emballe pas outre mesure avec ses couleurs magenta, représente le Mont Saint-Michel. Vous savez, ce monument que les normands ont volé aux bretons, sans parler du cidre, encore que pour ce dernier, je ne suis pas certain. 

Bref. Au beau milieu de l’abbaye, est creusé une étrange caverne d’où émane une lumière, un truc bizarre qui n’existe heureusement pas dans la réalité, sinon les hordes de touristes prendraient peur, ce qui ne serait au final, pas une mauvaise chose.

Voici donc la fameuse cité endormie dont parle l’album. Oui, parce que The Sleeping City est évidemment un concept album. Une histoire mystico morbide à laquelle je n’ai pas compris grand-chose, mais qui parle bien d’une ville endormie qui s’éveille. Enfin ça, c’est dans le dernier morceau.

Dans The Sleeping City vous allez entendre du growl, du chant clair, du piano, de la double pédale, des violons, du violoncelle, des guitares acoustiques et très électriques, du djent, des claviers à la Vangelis, du métal qui poutre, des choeurs, des voix enregistrées, bref tout un attirail sonore improbable qui écrit une symphonie cinématique des plus réussie.

Karl est franchement éblouissant à la guitare, réussissant à imposer son style au milieu de tous les instruments présents. Robert, très inspiré par Vangelis, maîtrise autant les synthés que le piano, Isak ne ménage pas sa peine sur les fûts et Christian assure vraiment au chant. Et pour couronner le tout, les chœurs et les cordes ne sont pas d’affreux samples mais bien des musiciens qui jouent et qui chantent.

Du coup, au niveau du son, ça en jette vraiment.

Tout un chacun trouvera un passage qui parlera à sa sensibilité dans The Sleeping City. Je ne suis pas certain par contre que tout le monde appréciera l’œuvre dans son entier. Mais, pour moi, cet album est un pur bonheur du début jusqu’à la fin.

Les proghead risquent clairement de tiquer étant donné le fort pourcentage de growl comparé au chant clair et les métalleux risquent de trouver l’album trop prog avec son abondance de claviers.

Je vous recommande tout de même de l’écouter, ne serait-ce qu’une fois, pour voir si entre vous ça peut coller. Et merci à Stéphane pour la découverte.

Dissona – Receptor

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Dissona est un quatuor de métal progressif né à Chicago en 2006. Leurs membres n’ont composé pourtant que trois albums et un EP entre 2012 et 2025.

Receptor, sorti le premier octobre, est la continuation très attendue de Paleopneumatic édité neuf ans plus tôt. On parle ici de près d’une heure de musique et onze morceaux de deux à huit minutes.

Dissona joue d’un métal progressif à deux voix mêlant symphonique, cinématique, oriental et électro à sa musique relativement grandiloquente.

L’album est long et me paraît relativement chaotique, et ce malgré de nombreuses écoutes. Disons que je peine à trouver un fil conducteur musical. A plusieurs moments, j’ai l’impression qu’il va se terminer, alors que non, il repart pour un tour.

‘Shadow Consumation’ compte parmi les titres les plus calmes de l’album. Il n’y en a pas beaucoup, donc autant le souligner. Le morceau, long de sept minutes dix, fait penser au travail de Tool dans leurs premières années.

A côté de cela, on trouve ‘Incisor’ suivi de ‘Haimatox’, deux pièces électros par excellence. Et que dire de ‘Weaponized’ où vous allez entendre de grandes orgues sonner au milieu d’une pièce de métal symphonique. ‘Sufuse’, long de cinq minutes, donne pour sa part dans un métal oriental des plus classiques. Et ne me demandez pas pourquoi ce choix musical, je n’ai pas fait l’effort de me plonger dans les paroles en majuscules.

Vous entendrez également deux courts instrumentaux d’environ deux minutes intitulés  ‘Becoming Home’ et ‘Haimatox’.

Si vous cherchez un bon exemple du côté bordélique de l’album, vous l’entendrez dans ‘It Will Drown’. Un titre à la limite du grotesque, à la musique hachée et au chant très étrange.

Comme vous le voyez, l’album est pour le moins varié, trop peut-être à mon goût, ce qui renforce cette sensation de chaos que je ressens à chaque fois.

Malgré son côté brouillon, j’aime bien Receptor, sa pochette intrigante, le logo du groupe et la puissance qui se dégage de leur musique.

Pour une fois, c’est de l’électro métal qui n’est pas chanté par un castrat. Et puis les albums grandiloquents, limite too much, j’ai toujours adoré. Donc n’hésitez pas à y jeter une oreille ou deux à l’occasion, il est sur Bandcamp.

Polaris – Fatalism

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Après Voyager, on repart au pays des kangourous pour découvrir le groupe Polaris et son dernier album Fatalism.

Le quintet de metalcore australien œuvre depuis 2012 avec seulement trois albums studio à leur actif : The Mortal Coil en 2017, The Death Of Me en 2020, Fatalism l’an passé sans parler de leurs deux EPs en 2015 puis 2016.

En fait de metalcore, Fatalism joue plutôt dans la cour du metal progressif malgré une fâcheuse tendance à crier très fort.

C’est la pochette en trichromie qui m’a tout d’abord interpellé. Des silhouettes d’hommes progressent péniblement dans la neige, suivant leur leader qui s’avance vers un précipice, brandissant un fumigène écarlate. 

Fatalism est formaté comme un album commercial, onze titres radio pour trois quart d’heure de tabassage. Car si les morceaux possède un je ne sais quoi de très accessible par moment avec des refrains accrocheurs et des passages mélodiques, ça n’en reste pas moins très metal comme dans ‘Inhumane’ ou ‘Parasite’. Les guitares donnent des coups de boutoir pour appuyer une batterie sèche comme trique alors que le chant écartelé s’apparente à une scéance de torture. Alors bon, si vous n’aimez pas le metal, ça risque de piquer un peu.

‘Overflow’  aux claviers très électros, au chant sage et au refrain commercial, fait figure de douceur ici même si Jake gueule un peu de temps en temps.

Même chose pour ‘Crossfire’, qui malgré une rythmique bien dense et pas mal de hurlements, possède une écriture très accessible qui pourrait séduire les ménagère faisant leurs courses. (Je précise tout même ici, pour calmer toutes les accusations de sexisme, qu’à la maison c’est moi qui fait, les courses, le ménage aussi, les poubelles et le reste… bref.).

Et que dire de ‘Aftertouch’, le slow de l’album, parfait pour emballer une gothique au Hellfest ?Un titre qui commence de manière suave et qui se poursuit dans des hurlements.

Polaris joue d’une musique schizophrène à souhait, technique, violente et chargée d’émotions contradictoires, le genre de truc qui me fait grimper au rideau et réduit ma consommation de tranquillisants.

Je ne peux que vous recommander ce magnifique album. Il est disponible sur Bandcamp pour vous en faire une petite idée avant de vous jeter de la falaise.

Soen – Atlantis

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Je connais le groupe Soen depuis leur premier album Tellurian sans avoir jamais eu l’occasion de les écouter en live. Ils sont pourtant passés il y a peu de temps à la Maison Bleue à Strasbourg, mais je n’étais hélas pas en état de me déplacer ce jour-là.

Atlantis, leur dernier album, semblait l’occasion idéale pour les faire jouer dans notre salon. Un live studio enregistré avec un pianiste, un quatuor à cordes, deux choristes et une contrebasse. Treize morceaux de leur répertoire et une reprise revisités en version musique de chambre et metal dans une atmosphère intimiste.

Le groupe s’est réuni avec huit artistes supplémentaires dans les studios Atlantis Grammofon en Suède le 10 décembre 2021 pour capturer cet événement, donnant naissance à un CD, un DVD et des vinyles.

Sorti du morceau ‘Snuff’ du groupe Slipknot, on retrouve ici des titres de Lykaia, Cognitive, Lotus et Imperial.  Seul l’album Tellurian semble avoir été délaissé.

Des tubes du groupe joués en live mais pas enregistré d’une traite comme pour un vrai concert avec du public. On peut facilement imaginer qu’ils n’ont conservé ici que les meilleures prises.

Lumière chaudes, plans variés, je découvre le groupe dont un des guitaristes, Codi Lee Ford, me fait penser à Aragorn du Seigneur des Anneaux et la première violoniste du quatuor, Karin Liljenberg, à Tauriel, l’elfe de The Hobbit. Il y a même mon voisin déguisé en bassiste et l’autre guitariste, Lars Enok Ahlund qui ressemble à un viking, à moins qu’il ne soit vraiment un viking.

Joel, assis sur son tabouret, très concentré, face au microphone suspendu au plafond, doit se faire violence pour ne pas bouger. Il ne semble pas très à son aise avec la caméra qui le photographie en gros plan mais sa voix magnifique n’en est absolument pas affectée.

Sorti du viking chef d’orchestre qui passe sans cesse de l’acoustique à l’électrique puis au piano, les autres musiciens sont comme le chanteur, impassibles, concentrés sur la musique extraordinaire jouée ce jour-là dans les studios Atlantis.

L’équilibre entre metal progressif et musique de chambre frise la perfection grâce au travail de David Castillo. Rien à voir avec un Marillion With Friends par exemple. Atlantis est le genre d’album que l’on fredonne pendant plus d’une heure sans s’en rendre compte. Des morceaux comme ‘Monarch’, ‘Modesty’, ‘Illusion’, ‘Fortune’ ou ‘Lotus’ me nouent la gorge. A la base, il s’agissait déjà de pièces sublimes, mais là, revisitées avec des instruments à cordes, elles deviennent inoubliables.

Atlantis a éclipsé de nombreux albums arrivés à peu près au même moment. J’ai même délaissé le dernier Threshold pour l’écouter. Un album parfait pour découvrir la musique de Soen, pour les voir sur scène et un disque indispensable pour toute personne qui apprécie déjà le groupe.

Un magnifique cadeau de Noël à placer sous le sapin.

Evergrey – A Heartless Portrait

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Evergrey est longtemps resté pour moi un groupe de metal prog de seconde zone avant qu’ils ne sortent The Atlantic en 2018 confirmé trois ans plus tard par Escape of the Phoenix.

Je reconnais que cet engouement tient beaucoup au pathos et à la voix de Tom qui officie également dans le groupe Silent Skies que mon épouse adore, mais elle c’est pour le pianiste.

Malgré cet engouement, je ne me suis pas offert A Heartless Portrait en vinyle cette fois. Non pas que j’ai de oursins dans mes poches mais que le premier extrait de leur nouvel album ne m’a pas emballé outre mesure.

Le digipack trois volet aux couleurs cyan et sang est entre mes mains avec son livret assez épais. Une créature mythologique ailée semble veiller sur un monde et ses deux satellites à moins qu’elle ne cherche à les détruire. L’explication se trouve peut-être dans les textes.

A Heartless Portrait ce sont dix morceaux très musclés où la batterie de Jonas ne se pose presque jamais, où les guitares d’Henrick et Tom déchirent les éthers et où les claviers de Rikard fusent telles les flammes d’un chalumeau à acétylène. 

Techniquement, il s’agit d’une grosse tuerie de cinquante minutes qui ne vous laisse pas beaucoup d’espace pour souffler sauf peut-être dans ‘The Great Unwashed’ au solo de folie ainsi que dans le final ‘Wildfires’ nettement plus apaisé et mélodique.

A Heartless Portrait porte bien son nom. Les grands écarts instrumentaux et l’émotion à fleur de peau de sont pas vraiment au rendez-vous cette fois. C’est un album assez froid et technique dans son ensemble. 

De la double pédale parkinsonnienne, des cris de galériens débordant de testostéronne, ‘Save Us’ donne le ton de l’album. Ça sent l’homme et le déodorant sans aluminium. ‘Midwinter Calls’ donne dans le péplum metal. Alors poussez les potards au maximum pour faire trembler les murs.

Malgré tout cela, Evergrey reste mélodique grâce à la voix de Tom et les claviers de Rikard. Des touches électros virtualisent ce metal prog très viril et les soli de guitares, comme dans ‘Ominous’ feront grimper au rideau les fondus de six cordes. Une tendance forgeron amorcée dans escape of the Phoenix qui prend ici sa pleine puissance.

Ça cogne, ça tape, ça pleure, ça chante, un déferlement musclé parfaitement contrôlé façon chœurs de l’armée rouge.

La production aurait pu bénéficier de plus d’attention, non que ce soit épouvantable, mais disons perfectible. Il faut pousser le volume assez fort pour faire ressortir la dynamique de la bête.

Bon, vous l’aurez compris, A Heartless Portrait ne sera sans doute pas mon Evergrey préféré. N’empêche, c’est une belle machine de guerre metal progressive qui en live pourrait révéler tout son potentiel et que j’écoute très régulièrement depuis sa sortie.

Teeshirt : Los Dissidentes Del Sucio Motel