Rétrospective

Image

Depuis peu, j’ai remis en place l’archive du webzine Neoprog fermé en mai 2020. Et tant qu’a disposer de cet outil, je me suis dit, pourquoi pas l’alimenter avec les chroniques rédigées depuis ?

On parle ici de près de trois années d’écoute à raison d’un disque par semaine à rentrer dans la base de données. Un travail fastidieux que j’entreprends lorsque je m’ennuie. Si si, ça m’arrive même à moi.

Je retombe sur des albums que je n’ai parfois pas écouté depuis très longtemps. Et j’avoue que c’est assez troublant de les redécouvrir.

Je me souviens le plus souvent des morceaux, de l’atmosphère du disque mais il arrive aussi que je tombe sur une pochette et un nom de groupe qui ne m’évoque plus rien du tout. Je l’exhume alors de ma collection et me plonge dans sa musique, comme si c’était la première fois. Et des fois, je me dis, « j’ai vraiment aimé cette horreur ? » ou bien, « mais pourquoi suis-je passé à coté de cette merveille ? ».

La musique est question de moment, d’état d’âme. Son appréciation est éminemment subjective et les chroniqueurs qui se disent objectifs dans leurs avis me font bien rire. 

Il y a des critères solides comme la qualité de la production et le mixage. Ceux-là ne se discutent pas vraiment, encore que, un enregistrement live analogique n’aura pas la même perfection que des prises en numérique piste par piste. Même si la restitution du premier sera plus organique.

Après il y ne reste que des notions subjectives, le timbre du chanteur, le style du guitariste, le genre musical, l’émotion provoquée par les paroles, les couleurs du mixage, l’enchaînement des morceaux, leur durée…

Une chronique c’est avant tout un feeling entre un être humain dans un certain état d’esprit à un instant t et un album écrit et mixé par plusieurs personnes sur plusieurs mois. La probabilité que ces temporalités et personnalités entrent en phase est assez faible au final.

Bref, tout ça est très subjectif et sujet à changements.

Steve Hackett – The Circus and the Nightwhale

Image

Des fois j’adore Steve Hacket, des fois je le boude un peu. Disons que sa carrière est inégale comme mon humeur. Mon dernier coup de cœur s’intitulait Under A Mediterranean Sky. Les extraits de son nouvel album The Circus And The Nightwhale faisaient pencher mon avis du mauvais côté. Mais comme Inside Out publie son catalogue maintenant sur Bandcamp, je l’ai fait tourner dans le salon avant de l’acheter pour être sûr, et après cette écoute, je l’ai immédiatement commandé en vinyle et numérique pour faire bonne mesure.

Avec treize morceaux pour trois quart d’heure de musique, je le trouve finalement trop court. En fait, non, il possède la durée parfaite pour être écouté sur un tourne disque. Retourner un vinyle passe encore, changer de galette pour écouter la suite de l’album, non.

Steve donne dans le prog symphonique mariné de steampunk, de world music, de blues et d’atmosphères désuètes sur des guitares toujours plus époustouflantes et au final assez peu de chant.

Steve raconte dans The Circus And The Nightwale l’histoire de Travla, allusion probable au voyageur (traveler) plutôt que travelo j’imagine. Un garçon qui naît dans les ruines enfumées de l’après-guerre, qui se découvre une passion pour la guitare, connaît la gloire et en oublie l’essence même de la musique avant de retrouver sa passion intacte, en partie grâce à l’amour. Un récit romancé qui ressemble beaucoup à la vie de l’artiste, de Genesis jusqu’à sa carrière solo.

‘People of the Smoke’ entre bruitages, extraits sonores et cris de nourrisson démarre l’album avec la naissance de Travla, le personnage de notre histoire. Le titre, centré sur la guitare de Steve et les harmonies vocales, avec ses interruptions et son atmosphère steampunk Bouglione est écrit comme une ouverture d’opéra, reprenant les thèmes qui seront développés dans les morceaux suivants.  S’il m’avait déstabilisé à la première écoute, c’est maintenant une de mes pièces préférées de l’album.

Écoute après écoute, ‘Taking You Down’ me semble toujours un peu étrange, peut-être à cause de la voix de de Nad Sylvan. Un titre très rock avec un solo de saxophone et un chant qui tranche beaucoup avec le reste de l’album sans parler de ce son de guitare plein de reverb qui revient sans cesse.

Et est-ce mon oreille qui me joue des tours ? Les premières mesures de ‘Enter The Ring’ me rappellent furieusement les atmosphères du groupe Genesis des seventies où alors est-ce parce que je confonds parfois le personnage au guitariste du groupe de l’époque ?

Je vais encore parler de ‘Circo Inferno’ ou Steve emprunte à la musique orientale pour raconter avec des notes plus qu’avec des mots la spirale infernale dans laquelle Travla se trouve piégé.

Je ne peux pas parler ici de tous les morceaux sinon nous y serions encore demain. Mais je vais encore m’attarder sur un petit dernier :

Steve conclut l’album avec ‘White Dove’, une douceur acoustique mandoline et guitare dont il a le secret et qui n’est pas sans rappeler Bay Of Kings ou son dernier album instrumental Under A Mediterranean Sky.

Je pense que Steve Hackett tient ici son chef d’œuvre, un album qui résume une immense carrière en nous racontant son histoire tout en se réinventant. Il a de très bonnes chances de s’asseoir sur la première marche du podium 2024.

Merci, mais je chronique pas les promotions

Image

Depuis que j’ai fermé le webzine Neoprog, je ne chronique plus d’albums proposés par des labels ou des artistes. J’ai envoyé des courriels à tous nos contacts dans ce sens et fermé presque tous les canaux permettant de me contacter sur la toile.

Et cela a assez bien fonctionné jusqu’à présent. Sorti de rares et accidentels envois postaux de CD, je ne recevais plus de sollicitation média. Tous les albums dont je vous parle chaque semaine ont été achetés un jour en digital ou bien en support physique.

Pourquoi ce choix ? 

La première raison est de garder une totale liberté sur ce que j’écris. Non pas que les labels et artistes nous influencent, encore que, mais qu’il m’arrive de donner un petit coup de pouce à certains groupes en étant plus indulgent que de raison.

La seconde, c’est que, lorsque l’on accepte des promotions, le bouche à oreille fait son oeuvre et que l’on se retrouve rapidement submergé de sollicitations, au point de ne plus pouvoir tout écouter. Pour la petite histoire, vers la fin de Neoprog, nous recevions plus d’un album de rock progressif par jour.

Enfin, j’ai envie de parler de la musique que j’aime vraiment, d’albums qui m’ont fait vibrer, sauf pour de rares coups de gueule.

L’inconvénient de la chose, c’est que je tourne un peu en rond, découvrant de moins en moins souvent de pépite, sauf à aller butiner chez mes confrères ce que je ne le prive pas de faire éhontement. 

Mais étrangement, depuis peu, je suis à nouveau sollicité via Messenger (je n’ai pas fermé ce canal). Il y a eu coup sur coup un label vendant son projet de métal progressif français et un groupe de psyché stoner russe.

Pour les français, j’ai beaucoup hésité avant d’écrire une chronique que je ne publierai jamais. Il y avait de bonnes choses dans le projet mais, pour être tout à fait honnête, je n’aurais pas acheté l’album. Du coup, après avoir écrit un texte, sans doute trop complaisant, j’ai jeté la chronique à la corbeille.

Pour les russes, je me suis à nouveau posé la question. L’album est bien fichu avec une chanteuse qui tient la route et des compositions originales, mais ce n’est pas vraiment la musique que j’écoute d’ordinaire. Et puis, si je rédige cette chronique, combien de propositions arriveront ensuite ?

Ce n’est pas évident de se tenir à une règle stricte lorsque l‘on est sollicité par des artistes en manque de visibilité. Surtout s’ils sont doués. Mais je me souviens trop bien de la dérive à Neoprog, l’afflux de promotions de hard rock, punk, pop, new wave, jazz, metalcore, death metal, alternatif, tellement d’albums que j’en étais arrivé à ne plus prendre de plaisir à écouter de musique.

Alors, merci, mais je ne chronique pas de promotions. Pourtant, ce serait un bon moyen pour faire quelques économies…

Au passage, pour les curieux, j’ai remis l’archive de Neoprog en ligne. Je vais même l’alimenter petit à petit.

David Kerzner – The Traveler

Image

Il n’est pas évident de s’y retrouver parmi toutes les éditions que propose David Kerzner sur Bandcamp.  The Traveler se décline en effet en sept versions différentes sur la plateforme de streaming entre Super Delux, Hi Res 24 bit 96K, Singles digital EP, Special Edition et autres. Pour ma part, je me suis contenté de la version standard après bien des tergiversations.

J’ai connu David du temps de Sound Of Contact. En 2014, il sortait son premier album solo New World, qui je l’avoue, ne m’avait pas franchement convaincu, contrairement au magnifique Static arrivé trois ans plus tard.

J’ai hésité à commander The Traveler parce que David venait de sortir Heart Land Mines Vol 1. Ce qui m’a décidé paradoxalement, c’est le titre ‘A Time In Your Heart’ qui me rappelle furieusement l’album Abacab de Genesis que je n’aime pas du tout. Il est d’ailleurs possible que je vous parle beaucoup de Genesis et des Beatles dans cette chronique.

The Traveler poursuit l’histoire commencée dans New World, ce qui à la base n’était pas forcément une très bonne nouvelle. En effet, le premier opus, furieusement floydien, se diluait beaucoup, tout particulièrement dans sa version deluxe au vingt-trois titres dont le dernier qui culmine avec vingt et une minutes.

Ici, dans sa version standard, pas de folie, seulement neuf morceaux de deux à six minutes qui séduiront les prog head grisonnants comme moi. Il faut dire qu’il y a clairement un air de déjà entendu dans les mélodies de The Traveler, un côté Ray Wilson pour le premier titre ‘Another Lifetime’, du Abacab et RPWL dans ‘A Time In Your Mind’ ou du And Then They Were Three sur ‘Here and Now Part Two’ pour ne citer que ces trois morceaux.

The Traveler s’écoute remarquablement bien, sans doute parce que du beau monde joue avec David, voyez plutôt : Randy McStine, Nick D’Virgilio, Marco Minnemann, Billy Sherwood, Jon Davidson, Durga McBroom pour n’en citer que quelques uns.

Au début de la chronique, je faisais référence aux Beatles. Ce n’est pas pour parler ici de l’affligeant ‘Now And Them’ mis de ‘Better Life’ où vous reconnaîtrez peut-être des couleurs propres aux quatre garçons dans le vent.

Sur The Traveler, vous entendrez également de beaux arrangements au violon et violoncelle comme dans les deux parties de ‘Here and Now’ ou les deux premiers titres. Une belle manière d’enrichir la partition sans la saturer de synthés.

The Traveler n’était pas vraiment programmé dans mon agenda musical, principalement parce qu’il s’agit d’un album de 2022, mais après l’avoir fait tourner en boucle à la maison comme au travail, j’ai eu envie de le partager avec vous.

 Vous pouvez le découvrir dans toutes ses version sur Bandcamp et si je ne craignais pas de payer plus cher de taxes et de frais de port, je l’aurai commandé en CD.

Hypnagone – Qu’il Passe

Image

Si vous appréciez Gojira et Klone et que êtes un peu chauvin, difficile de passer à côté du premier album du jeune groupe français Hypnagone.

Le quatuor metal progressif n’a pas froid aux yeux. Il mélange growl, atmosphères floydiennes, influences jazzy, chant clair, cinématique space rock et metal. De fait, l’album intitulé Qu’il Passe, séduira forcément un prog head pendant au moins quelques minutes, quitte à l’effrayer un peu à d’autres moments. Et des moments, il va y en avoir beaucoup pendant plus d’une heure et onze morceaux. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’album n’a rien de monotone. Cela va en effet du très planant ‘Moss’ au ‘White Fields’ écartelé.

Voilà plus d’une année que j’attendais la sortie de Qu’il Passe, après avoir découvert leur single ‘Shibboleth’ sur Youtube. Si ce premier titre m’avait emballé, j’avoue qu’il m’a fallu pas mal de temps ensuite pour apprivoiser l’album.

Parce que voilà, Hypnagone se vautre parfois dans le metal extrême et le growl est tout particulièrement goret, limite s’il ne déchire pas les tympans comme dans ‘White Fields’. ‘Spannungsbogen’ est également pas mal dans son genre question gueulante mais il est à classer à part, tant son écriture est juste géniale, limite expérimentale avec même des passages de chant clair.

Il y a également ‘Dross’, truc assez barré, metal jazz cinématique growlé, que l’on aurait tendance à rejeter au premier contact et qui s’avère au final incroyablement complexe et perturbant. Mais comme le titre précédent, il est génial.

Heureusement pour vous, les titres extrêmes alternent avec des choses nettement plus mélodiques qui atténuent pas mal la violence de la musique comme dans ‘The Step Inward’ qui succède au terrifiant et génial ‘Spannungsbogen’.

Plusieurs pièces flirtent avec les huit minutes, des longs formats très progressifs qui laissent du temps à la musique de prendre sa pleine mesure. L’album est encadré par deux instrumentaux façon post-rock, ‘Arrival’ et ‘Light Bulb’, une habile manière d’entrer en matière et d’en ressortir en douceur.  A tel point que l’on se demande, à la fin de ‘Light Bulb’, pour quelle raison on se retrouve avec des ecchymoses aux oreilles. Du coup, on repart pour un tour, et arrivé à ‘Spannungsbogen’, on se souvient.

N’oublions pas le troisième instrumental ‘Elegy’ qui fait suite à l’éprouvant ‘White Fields’. Une pièce de moins de trois minutes sur des enregistrements audio en français. Pas mal de morceaux jouent de compromis. Le chant clair et le growl se partagent équitablement le temps de parole comme dans le titre ‘The Step Inward’ et cela rend l’écoute nettement plus facile pour un prog head.

Mais surprise, au milieu de l’album pousse un arbre, un titre jazzy à souhait, sorte de parenthèse au milieu de cette tempête de métal où brille un sublime solo de guitare d’anthologie signé Eric Hurpeau.

Il y du pour et du contre sur ce premier album du groupe Hypnagone. Le growl phagocyte un peu trop la partition pour l’ancien baba cool que je fus et si je n’ai rien contre les cris, ici je suis moyennement fan du timbre. Après, il y a des compositions éblouissantes comme ‘Shibboleth’, ‘Spannungsbogen’, ‘Dross’ ou ‘L’arbre’, alors si le growl ne vous fait pas peur, allez y jeter une oreille attentive il est sur Bandcamp

Grima – Frostbitten

Image

Parmi les albums dont je ne devrais sans doute pas parler ici, il y a Frostbitten du groupe Grima. Pour quelles raisons ?

Tout d’abord, ils sont russes, et par les temps qui courent, les russes, bof quoi. Ensuite l’album s’appelle la morsure du froid, et même si l’hiver approche, cela fait un bail que je ne l’ai pas sentie cette morsure. Enfin parce que c’est Stéphane Gallay qui a acheté cet album sur Bandcamp, et rien que pour ça, il vaut mieux se méfier.

Grima est un duo de doom black metal au growl clair qui donne également dans l’atmosphérique et le folk. Déjà, le growl c’est difficile à comprendre, mais écrit avec des caractères cyrilliques, là c’est mort. Tout ce que je peux vous dire, c’est que Frostbitten parle de magie et de créatures gardiennes de la nature.

Le metal de Grima possède un côté post-rock cinématique luciférien très mélodique débordant de double pédale et de growl. Si quelques mots dans la phrase précédente semblent se contredire, leurs compositions, elles, sont très cohérentes.

L’album sept titres dure près de cinquante minutes avec deux pistes frisant les dix minutes, ‘Gloom Heart of the Coldest Land’ et ‘Winter Morning Tower’. Guitare mandoline, double pédale trépidante, accordéon et growl démoniaque, limite vomito, peuplent ce metal déchirant et mystique qui devrait effrayer plus d’une ménagère.

D’ailleurs, j’avoue que Grima ne fait pas l’unanimité à la maison. Le chat fuit du salon quand je l’écoute, ma femme me demande de couper cette horreur, mes enfants (oui ils sont encore à la maison) me regardent de façon étrange et les voisins me détestent, mais ça, ce n’est pas nouveau. Il faut dire que lorsque je l’ai écouté la première fois, je passais une semaine vraiment difficile et les seules musiques qui me faisaient du bien, étaient quelque peu extrêmes.

Frostbitten joue de grandiloquence, du mysticisme enfoui dans les tréfonds de notre âme, des terreurs anciennes tapies dans notre cortex reptilien, usant d’un folk démoniaque détourné avec des instruments metal. Si ‘Hunger God’ est un peu trop frontal, j’adore ‘Gloomy Heart of the Coldest Land’, ‘Winter Morning Tower’ qui débute à l’accordéon et le délicat instrumental ‘Mana’.

Je ne recommanderai Frostbitten qu’aux métalleux aguerris, majeurs et vaccinés prêts pour de nouvelles expériences. Grima n’en n’est pas à son premier essai puisqu’ils sévissent depuis 2014, alors si vous avez eu comme moi une semaine de merde, vous savez quoi écouter…

Esthesis – Watching Worlds Collide

Image

Il n’ y a pas si longtemps, nous parlions ici des imitateurs de Porcupine Tree. Figurez-vous que le sujet revient sur la table avec le second album du groupe Esthesis.

Esthesis est un projet français qui après un EP en 2019 accouchait d’un premier album un an plus tard. Un projet ultra centré sur Aurélien Goude, chanteur, compositeur, guitariste et claviériste manifestement très influencé par Wilson et sa bande.

Pour ne pas vous mentir, The Awakening sorti en 2020 ne m’avait pas emballé. D’ailleurs, je n’avais pas l’intention d’écouter la suite après avoir vu leur concert Chez Paulette. Puis Watching Worlds Collide est sorti, sept morceaux pour près d’une heure de musique. 

La première écoute m’a beaucoup rappelé leur proximité avec Porcupine Tree ainsi que leur premier album alors j’ai décroché au quatrième morceau. J’ai quand même réessayé un peu plus tard pour finalement acheter l’album.

Oui, ne nous mentons pas. Watching Worlds Collide emprunte encore beaucoup à Porcupine Tree. La bande à Wilson hante tous les morceaux de manière plus ou moins prononcée et c’est sans doute sur le dernier titre jazzy que cela s’entend le moins. Toutefois, les maladresses de jeunesse semblent oubliées et Esthesis est allé un peu plus loin dans son approche jazzy et dans ses couleurs cuivrées.

Si ‘Amber’ est un quasi cover de Porcupine Tree agréable à écouter mais sans grand intérêt malgré le saxophone de Maceo et la batterie bluffante d’Arnaud, ‘57th Street’ est une pièce particulièrement originale. Un titre cinématique de douze minutes à l’atmosphère de film noir. Plus surprenant encore est ce ‘Skimming Stones’ au piano qui s’enrichit du violon de Mathieu Vilbert. Ce titre figure parmi mes préférés de l’album. ‘Place Your Bet’, un peu comme l’instrumental ‘Vertigo’ est une chose hybride entre funk, alternatif et jazz, qui malgré quelques passages très wilsonniens, tire bien son épingle du jeu.

Watching Worlds Collide se révèle finalement être une très belle surprise. Esthesis affirme son identité musicale et s’il n’y avait cette forte proximité avec Porcupine Tree, il aurait pu devenir l’album de l’année.

Uchroniques

Image

Une uchronie est récit fictif construit à partir d’un point de départ historique. Pourquoi je vous raconte ça ? Parce que mes chroniques sont des formes d’uchronies.

Vous vous doutez bien que j’écoute beaucoup plus d’albums que je n’en chronique. Au début je résumais ces écoutes dans des Compressé qui n’ont pas eu beaucoup de succès. Alors j’ai arrêté.

Panem et circenses qu’il disait…

Je ne parle plus des albums moyens moins, des disques dont des confrères ont magnifiquement fait l’éloge, des EPs et des choses trop étranges pour intéresser un seul abonné YouTube. Il y a toutefois quelques rares entorses à cette charte de temps en temps.

Malgré cette sélection drastique, j’ai toujours un temps d’avance comme diraient certains collègues. Comprenez, j’ai plusieurs vidéos enregistrées prêtes à être mises en ligne et encore plus de scripts qui n’attendent qu’à être enregistrés. 

Pour tout vous dire, j’ai quatre vidéos en stock et six albums chroniqués à filmer. Du coup je pourrais publier à plus haute fréquence, genre deux fois par semaine. Mais je ne veux pas retomber dans le piège de la productivité du webzine Neoprog. Et puis il y a des semaines avec des baisses de forme où je suis trop à plat pour enregistrer une vidéo. J’aime bien avoir ce petit matelas de sécurité pour les vacances et les coups de pompe.

Le défaut, c’est qu’à partir du moment où la vidéo est enregistrée, elle devient une uchronie. Je m’explique : ce que j’y raconte se détache du flux temporel principal pour ne plus évoluer avec moi. Lorsque je mets en ligne la chronique, l’album que j’annonce prochainement acheter a déjà tourné en boucle pendant des heures sur ma platine, le concert prévu a été annulé, mon enthousiasme du moment est retombé, bref je suis parfois en total décalage avec ce que j’ai dit alors.

C’est pour cela que je n’annonce plus le prochain album, car plusieurs fois j’ai inversé la programmation à la dernière minute parce que le disque n’était pas arrivé à temps ou que, au contraire, je voulais rapidement faire la retape d’un nouveau coup de cœur.

Je pourrais y remédier en ré enregistrant la chronique mais voilà, je suis terriblement feignant. Il m’est arrivé de revoir le montage, de couper un passage, mais rien de plus. Je pourrais ne pas avoir de chronique en stock histoire de coller au plus près au flux temporel mais cela me stresserait trop et vous risqueriez d’être privé de votre YouTube du lundi. Donc vous devrez faire avec ces uchroniques. Certaines sautent aux yeux, d’autres sont plus subtiles.

Si vous vous ennuyez cette semaine, vous pouvez faire remonter dans les commentaires les plus flagrantes anomalies spatio-temporelles des Chroniques en Images. Ca me ferait quelques commentaires…

Obiat – Indian Ocean

Image

Le stoner, c’est un peu du rock progressif graisseux joué avec une basse, une batterie et une guitare. Alors quand le stoner se pare de trois voix, de cuivres et de flûte, doit-on le reclasser dans le rock progressif ? Je n’en sais franchement rien.

Tout ce que je sais, c’est que l’album Indian Ocean du groupe OBIAT, du prog stoner psychédélique venu de Londres, m’a clairement tapé dans l’œil. 

On parle ici de quatre artistes, cinq invités et huit morceaux dont un titre de dix minutes pour une heure de musique. Voilà pour les chiffres.

Les compositions flirtent avec le shoegaze, le post-rock, le psychédélique, le doom et le rock progressif. Une musique riche en sonorités, relativement inclassable au final, qui fait du bien aux oreilles. 

Le terreau de base reste tout de même stoner et des pièces comme ‘Ulysses’, ‘‘Eyes and Soul’, ‘Ad Meliora’ ou ‘Sea Burial’ vous le rappelleront. 

La production un peu graisseuse également hélas. La mise au premier plan de la guitare parfois très sludge nuit à la lisibilité des autres instruments. Peut mieux faire donc.

Il ne vous aura sans doute pas échappé, si vous avez observé la pochette, écouté les paroles ou simplement lu les titres des morceaux, que l’album possède un rapport avec la mer et le voyage. 

De la Grèce avec ‘Ulysses’ on se déplace jusqu’au Japon dans ‘Lightness of Existence’, deux titres diamétralement opposés, séparés par l’Océan Indien, qui ouvrent et ferment ce disque.

La présence de chant féminin en la personne de Sofia DeVille, de trombone et de saxophone aux côtés du quatuor londonien dans le magnifique ‘Nothing Above’ est assurément une des raisons de la beauté de cet album atypique comme l’audacieux mélange des genres.

Le titre fleuve ‘Beware The North Star’ avec une basse très en avant, une guitare pour une fois lisible où s’invite des sonorités cuivrées et des percussions, suit les codes du post-rock, du progressif et du psychédélique sans faillir pendant dix minutes.

Plus étonnant encore est le titre final, ‘Lightness of Existence’. Un texte déclamé en japonais sur une musique de théâtre nô post-rock cinématique.

OBIAT compte parmi mes fabuleuses découvertes de l’année. Un groupe que je vais suivre de très près, à condition qu’ils sortent un prochain album avant ma mort. En effet Indian Ocean est leur second effort en treize ans. C’est peu.

Evergrey – A Heartless Portrait

Image

Evergrey est longtemps resté pour moi un groupe de metal prog de seconde zone avant qu’ils ne sortent The Atlantic en 2018 confirmé trois ans plus tard par Escape of the Phoenix.

Je reconnais que cet engouement tient beaucoup au pathos et à la voix de Tom qui officie également dans le groupe Silent Skies que mon épouse adore, mais elle c’est pour le pianiste.

Malgré cet engouement, je ne me suis pas offert A Heartless Portrait en vinyle cette fois. Non pas que j’ai de oursins dans mes poches mais que le premier extrait de leur nouvel album ne m’a pas emballé outre mesure.

Le digipack trois volet aux couleurs cyan et sang est entre mes mains avec son livret assez épais. Une créature mythologique ailée semble veiller sur un monde et ses deux satellites à moins qu’elle ne cherche à les détruire. L’explication se trouve peut-être dans les textes.

A Heartless Portrait ce sont dix morceaux très musclés où la batterie de Jonas ne se pose presque jamais, où les guitares d’Henrick et Tom déchirent les éthers et où les claviers de Rikard fusent telles les flammes d’un chalumeau à acétylène. 

Techniquement, il s’agit d’une grosse tuerie de cinquante minutes qui ne vous laisse pas beaucoup d’espace pour souffler sauf peut-être dans ‘The Great Unwashed’ au solo de folie ainsi que dans le final ‘Wildfires’ nettement plus apaisé et mélodique.

A Heartless Portrait porte bien son nom. Les grands écarts instrumentaux et l’émotion à fleur de peau de sont pas vraiment au rendez-vous cette fois. C’est un album assez froid et technique dans son ensemble. 

De la double pédale parkinsonnienne, des cris de galériens débordant de testostéronne, ‘Save Us’ donne le ton de l’album. Ça sent l’homme et le déodorant sans aluminium. ‘Midwinter Calls’ donne dans le péplum metal. Alors poussez les potards au maximum pour faire trembler les murs.

Malgré tout cela, Evergrey reste mélodique grâce à la voix de Tom et les claviers de Rikard. Des touches électros virtualisent ce metal prog très viril et les soli de guitares, comme dans ‘Ominous’ feront grimper au rideau les fondus de six cordes. Une tendance forgeron amorcée dans escape of the Phoenix qui prend ici sa pleine puissance.

Ça cogne, ça tape, ça pleure, ça chante, un déferlement musclé parfaitement contrôlé façon chœurs de l’armée rouge.

La production aurait pu bénéficier de plus d’attention, non que ce soit épouvantable, mais disons perfectible. Il faut pousser le volume assez fort pour faire ressortir la dynamique de la bête.

Bon, vous l’aurez compris, A Heartless Portrait ne sera sans doute pas mon Evergrey préféré. N’empêche, c’est une belle machine de guerre metal progressive qui en live pourrait révéler tout son potentiel et que j’écoute très régulièrement depuis sa sortie.

Teeshirt : Los Dissidentes Del Sucio Motel