L’amateur de rock progressif français est une espèce en voie d’extinction qui appartient au troisième âge. Il parle plus de sa prostate que du dernier album de The Flower Kings. Tous ses tee-shirts XXL possèdent une étrange déformation au niveau du nombril que l’on nomme communément le bébé houblon. Il écoute principalement des artistes anglophones mais ne comprend pas un traître mot de la langue de Shakespeare, de toute manière il est à moitié sourd.
Le proghead béret braguette est fidèle en amour. Il n’admettra jamais que son groupe fétiche pourrait avoir commis un jour une bouse. C’est également un intégriste qui chante le Genesis en latin. Il n’écoute que du prog, décliné sous toutes ses formes, rétro-prog, canterbury, prog symphonique, post-rock, doom, métal -prog, psychédélique, stoner, jazz-fusion, space-rock, cinématique, néo-prog, zeuhl, hard-rock… attention, c’est pointu !
Chaque année il part en croisière avec ses potes et ses artistes adulés pour des heures de concert, d’autographes et de bain de soleil. Pour peu que le navire croise un iceberg, le rock progressif, qui se fait déjà bien rare, disparaîtrait définitivement de la scène musicale.
Il se rend à de nombreux concerts partout en Europe en déambulateur, mange dans des restaurants étoilés et dort dans des hôtels confortables. Car il est vieux donc il a les moyens. Il se plaint quand même du prix du compact disk et des vinyles de temps en temps, il faut dire que le digital, il ne connaît pas et qu’il s’offre plusieurs albums par semaine.
Dans vingt ans, sans même la chute d’une météorite, ce sera une nouvelle extinction de masse. Celle des amateurs de rock progressif et des artistes qu’ils écoutent. Parce que vu la pyramide des âges, on sera tous bientôt six pieds sous terre.
Ceci est une chronique de copinage, soyez prévenus. Yann, un nouveau membre de l’association d’astronomie que je fréquente, a dit un jour qu’il jouait dans un groupe.
Vu sa stature et son look, j’ai demandé : métal ? Il a répondu : Yes !
C’est ainsi que j’ai découvert Morteville et leur premier album Mourir est Vivre sorti en 2024. Morteville est un groupe de black death metal progressif de Nancy né pendant le confinement. Je précise tout de suite, pour les âmes sensibles, si vous n’aimez pas le scream, passez votre chemin, parce que ici, ça gueule, mais en français s’il vous plait.
Je ne vous cache pas que Yann, je le déteste. Non content d’être l’astronome amateur qui a découvert la bande d’oxygène flottant au-dessus de la galaxie d’Andromède, un jour en 2022 où il ne savait pas quoi photographier, il joue en plus dans un groupe de métal.
Depuis sa découverte, lui et son équipe travaillent en collaboration avec des chercheurs. Ils ont photographié de nombreux autres objets inconnus dans des zones du ciel pourtant abondamment étudiées par les astronomes.
En fait, Yann, je le déteste, mais je l’aime bien quand même. Il met un cœur charitable sur mes astro-photos minables lorsque je les poste sur WhatsApp. En plus il est très sympa.
Mais revenons à Mourir est Vivre. Il s’agit d’un album huit titres de moins d’une demi-heure sur lequel le chanteur bousille ses cordes vocales sur presque tous les morceaux sorti de l’instrumental ‘Ciel’. Chochottes s’abstenir.
La musique de Morteville, s’apparente au métal, mais également au post-rock. Une musique dominée par les guitares parfois mandolines et une batterie qui cogne sans répit. En tendant l’oreille, vous entendrez aussi des claviers dans ‘Ciel’ mais certainement pas un orgue Hammond joué par John Lord.
Les paroles sont des poèmes noirs où ne pointent jamais l’ombre de l’espoir. Donc si vous êtes déprimé ou bien en colère, prenez des médocs avant de lire les textes.
C’est quand même très énervé. Le phrasé et le scream du chanteur me rappellent beaucoup un autre groupe français, The Dali Thundering Concept que j’avais chroniqué pour l’album All Mighty, Men – Drifting Through a Prosthetic Era.
Les trente premières secondes de ‘Cérémonie’ comme la longue intro de ‘Epitaphe’ laissent planer un doute sur la violence de l’album, mais dès que le chant arrive, on comprend que l’on va prendre cher.
Les guitares, qui sonnent de manière post-rock, adoucissent la violence du propos, mais la batterie, qui ne ménage pas les fûts, nous ramène aux fondamentaux du métal sans user pour autant de double pédale. Je préfère ces morceaux qui laissent plus de place à la musique que le très frontal ‘Murmuration’.
Bizarrement j’aime beaucoup ‘Gloire’ qui pourtant ne fait pas dans la dentelle, mais se pose quelques secondes avant de repartir de plus belles. Et le “Gloire, la gloire” scandé dans les premières secondes est du plus bel effet pour ouvrir le morceau.
Je n’écouterai pas Mourir est vivre en me rasant le matin de peur de me couper, mais la musique de Morteville conviendra à certaines de mes humeurs belliqueuses. Donc si vous aimez le métal et le scream, aller écouter l’album sur Bandcamp, il est à prix libre.
Entre des écossais et des allemands, j’ai décidé de glisser un groupe français qui chante en anglais, histoire de changer un peu de langue.
Je ne sais plus vraiment comment j’ai entendu parler de Moonshine Blast et peu importe. Il s’agit de quatre musiciens de la région parisienne qui proposent du rock progressif à la sauce alternative.
J’avais survolé leur premier album Reality Fear sorti en 2018 sans être totalement convaincu et j’attendais leur prochain effort pour voir s’ils progresseraient. Et pas de doute, Realm of Possibilities change de braquet.
Leur nouvel album est ambitieux avec douze titres en comptant ‘The Cell’, le grand format de plus d’un quart d’heure. Realm of Possibilities explore de nombreuses facettes du rock progressif, des morceaux de quatre à seize minutes qui empruntent au prog, au métal, à l’alternatif et aussi à la pop.
Fatalement, on y retrouve de nombreuses influences comme celle de Porcupine Tree qui est certainement la plus flagrante. ‘Only You’ flirte plutôt avec la pop quand l’instrumental ‘Liquid Feels II’ porte clairement la marque du rock alternatif expérimental de Steven Wilson et que ‘Broken Arrow’ possède quelques passages néo-progressifs quand ‘Fractal’ emprunte des éléments à Opeth.
Pour continuer les comparaisons, j’entends dans Realm of Possibilities du anasazi avec ‘When The Wind Blows’, du Cris Luna sur le rageux ‘Strangled’, du Marillion ou du Peter Gabriel, mais l’influence la plus évidente reste, je l’ai déjà dit, celle de Porcupine Tree.
Le titre album compte peut-être parmi les plus originaux, disons que j’ai beaucoup plus de mal à le raccrocher au travail d’autres artistes que j’écoute régulièrement. J’aime beaucoup son ouverture à la basse et la guitare ainsi que l’énergie de la voix Nicolas.
Je trouve que le groupe ne maîtrise pas vraiment la forme longue. ‘The Cell’, du haut de ses seize minutes, est un titre prometteur sur le papier. Hélas, je me perds rapidement en route, passé sa première partie presque psychédélique. Au bout de quatre minutes, Moonshine Blast se lance dans un quasi cover Porcupine Tree qui traine ensuite en longueur, et là, je décroche à chaque fois.
Et c’est bien dommage, car l’album s’achève sur une petite pépite, le délicat ‘When The Wind Blows’ qui débute à la guitare acoustique et au chant pour s’enrichir progressivement de claviers, de batterie et de guitare électrique.
L’album est assez varié, ce qui est une bonne chose si l’on considère sa durée. Par contre, il lui manque une identité bien marquée, et le chant, pourrait être mieux maîtrisé et plus varié.
Realm of Possibilities est album intéressant, certes pas très original et sans doute trop long à mon goût, mais il mérite la découverte.
Je viens de bousculer ma programmation musicale 2025 pour vous parler du dernier album d’ANASAZI. Oui, j’ai bien écrit ANASAZI en majuscules, car pour la première fois le groupe Grenoblois écrit son nom en capitales.
Et ce n’est pas la seule première.
UNIVERSE 25 est aussi un album sans paroles, quarante-sept minutes cent pour cent instrumentales, du jamais vu jusqu’à ce jour.
Je ne m’attendais vraiment pas à ça. Je ne vous cache pas que j’ai été surpris, voire tout d’abord déçu.
Je connais le groupe depuis près de vingt ans. J’ai suivi leur carrière et écouté tous leurs albums, d’ailleurs certains tournent en boucle régulièrement à la maison comme playing ordinary people, et ce, depuis The Principles Of (Hate). Toutefois, arrivé à la fin du septième morceau de Universe 25, j’avais totalement changé d’avis.
Je venais d’écouter un album instrumental, post-rock, pendant lequel je ne m’étais pas ennuyé une seule seconde, ce qui est suffisamment rare pour être souligné.
Tout d’abord, j’ai retrouvé l’univers sonore d’ANASAZI (décidément je ne m’y ferai pas avec les majuscules), les guitares de Mathieu et la batterie d’Anthony sans parler de l’orgue joué par Tristan. J’ai retrouvé la rage et la douceur des paroles de Mathieu dans ses notes de guitares électriques et acoustiques.
Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de parole qu’une musique ne raconte rien. D’ailleurs chaque pièce possède son histoire : des inspirations de films (Ghost Story, Into The Wild’), une expérience scientifique (Universe 25), des sessions de jam, dls titres sont la continuation logique du morceau ‘once dead’ écrit pour l’album ask the dust sorti en 2018.
Les morceaux sont variés, libérés des multiples influences qui ont fait grandir le groupe. On retrouve bien entendu le jeu de guitares d’anasazi, ces délicates mélodies acoustiques qui rencontrent de lourds riffs sur le jeu des sticks du batteur de Collapse.
Je ne vais pas vous décortiquer tous les morceaux, mais simplement jeter un coup de projecteur très subjectif sur trois d’entre eux, afin de vous donner un aperçu de cet album :
Le titre ‘UNIVERSE 25’, qui donne son nom à l’album, est, un must, d’une part, par sa durée, presque dix minutes, ensuite par l’atmosphère qu’il construit. Il me fait beaucoup songer au travail du groupe suisse Ticket To The Moon dont je vous ai parlé à de nombreuses reprises. Le morceau parle d’une expérience réalisée sur des rats en rapport avec les liens sociaux et la surpopulation. Une expérience qui fait froid dans le dos avec nos huit milliards d’habitants si ses conclusions pouvaient être rapportées à l’homme.
Le morceau le plus lent de l’album s’intitule ‘The Rite’. On n’est pas loin d’une écriture incantatoire que l’on retrouve chez quelques groupes de la mouvance psychédélique. Mais ne vous fiez pas aux cinq premières minutes, la pièce prend un virage métal expérimental tourmenté quand arrive le rite.
Sur le dernier morceau ‘Start Anew’, Mathieu se lâche nettement plus à la guitare. D’ordinaire, il confiait quelques soli à Tristan, cette fois, c’est lui qui s’y attelle avec brio. Une pièce dans laquelle l’orgue joué par Tristan Klein rencontre les guitares de Mathieu sur la batterie posée d’Anthony. Mais soudain, à partir de la troisième minute, tout bascule, la guitare livre une explosion de riffs suivie d’un long solo éblouissant.
Je me rends bien compte que je n’ai jamais dit du mal d’un album d’anasazi depuis leur début. Je ne suis pas du tout objectif lorsque je parle de ce groupe, d’ailleurs, je ne suis jamais vraiment objectif lorsque je parle de musique. N’empêche, encore une fois les grenoblois m’enthousiasme comme rarement, surtout avec un album instrumental, genre que je ne prise pas particulièrement.
Universe 25 mérite un pressage vinyle, au minimum une édition CD, afin qu’il ne disparaisse pas au fil des mois dans ma grande collection digitale.
Je vous le recommande donc chaudement, et qui sait, avec un peu de chance, si vous êtes nombreux à encourager le groupe, peut-être verrons-nous sortir un jour une édition physique de ce très bel album.
C’est encore une fois Stéphane Gallay qui m’a vendu le groupe français Oddleaf. Lui a reçu leur premier album Where Ideal and Denial Collide en service presse. Moi je l’ai acheté.
Oddleaf est une jeune formation française née en 2020 qui joue du rock progressif inspiré de King Crimson, Jethro Tull, Genesis mais aussi de The Flower Kings ou Steven Wilson. Du prog de haut vol avec flûtes, claviers, guitares, basse, batterie, chant et chœurs joué par cinq musiciens, deux filles et trois garçons.
Where Ideal and Denial Collide comprend six morceaux de une à quatorze minutes dont trois qui dépassent les dix et un qui frise les huit.
Un concept album très instrumental qui parle de notre planète bleue et de ses habitants qui l’ont irrémédiablement empoisonnée et défigurée. Les textes parlent de la beauté de notre monde avant que l’homme n’en fasse un dépotoir, du réchauffement climatique, de la montée des océans, du COVID-19, du numérique qui nous submerge mais aussi de la nature qui résiste tant bien que mal.
Les compositions sont signées par Carina Taurer, la claviériste du groupe. Est-ce donc un hasard si l’album est d’une grande richesse en claviers de tous poils comme dans le long et brillant instrumental ‘Coexistence – Part I’ ?
Pour la petite histoire, elle jouait auparavant avec le flûtiste du groupe, Mathieu Rossi, dans le trio de musique médiévale Vagarem.
Le timbre d’Adeline Gurtner me fait un peu songer à celui de la chanteuse de Magenta, Christina Booth quand sa ligne vocale me rappelle celui d’Elodie du groupe Auspex. Une voix qui a toutefois tendance à me fatiguer quand elle monte en force dans la gamme. Mais comme l’album possède une forte composante instrumentale, ça passe sans douleur.
Pour la musique, rien à dire, c’est du lourd. Le groupe assure et les compositions sont d’une grande richesse. Difficile de faire plus progressif d’autant qu’il y a de la flûte et des claviers vintages rugissants au menu. Les sections instrumentales sont tout simplement éblouissantes et le dernier titre ‘Coexistence – Part I’ est un feu d’artifice qui ravira les amateurs de rock progressif. C’est d’ailleurs mon préféré.
Donc si vous voulez écouter du rock progressif français de très bonne facture, foncez découvrir le groupe Oddleaf, il est sur Bandcamp et propose même une belle édition CD en digipack, comme ça vous avez le choix.
Ce n’est pas souvent que j’écoute du stoner, encore moins du stoner français. Pourtant je suis tombé, je ne sais plus comment, sur l’album You, The King du groupe Wormsand et j’ai craqué.
Un album de huit titres de deux à sept minutes chanté en anglais et joué par un trio de Menton. Il s’agit de leur troisième production après un EP en 2019 et un premier album en 2021.
Stoner est clairement trop réducteur pour décrire la musique du ver des sables. Sludge psyché stoner serait plus approprié en réalité.
Ne nous mentons pas, la pochette du disque réalisée par l’illustrateur Johrice m’a tout de suite tapé dans l’œil, je la trouve magnifique. Un roi vêtu de bleu au visage grisâtre partiellement masqué par sa couronne imposante. Une image totalement raccord avec le thème de ce concept album puisque l’on parle ici du déclin d’un roi.
C’est pourtant la musique qui m’a amené à cet album. Un stoner lent, appuyé, frisant souvent le psychédélique où scream et chant clair racontent la chute du souverain sur des guitares saturées et pesantes d’où surnagent quelques accords plus clairs.
De prime abord, la musique et le concept font de You, The King un album très homogène. Mon oreille n’étant pas vraiment familiarisée avec les subtilités du stoner, j’ai tout d’abord entendu le gros son des coups de boutoirs de la basse de Clément et de la guitare de Julien. Du coup ce sont les contrastes vocaux (et il y en a pas mal) qui ont commencé par rythmer l’histoire. Le chant clair de Clément me fait penser à Ghost quand le growl bien épais de Julien nous ramène à du post hardcore démoniaque.
Au gré des immersions successives dans l’album, les soli de guitares comme dans ‘Digging Deap’, les subtils breaks à la ‘Daydream’ et les intros inventives comme celle de ‘You, The King’ (second du nom), m’ont prouvé que Wormsand ne se contentait pas de jouer un stoner basique. En réalité leur musique est complexe, très écrite, bien loin des standards du stoner. Je trouve d’ailleurs You, The King nettement plus subtil et mieux produit que leur premier album Shapeless Mass sorti il y a trois ans.
Si je critique souvent les groupes français essayant de chanter en anglais, sincèrement je trouve que Wormsand s’en sort avec les honneurs. Disons qu’avec mon niveau dans la langue de Shakespeare je n’y vois que du feu.
Si vous aimez le stoner raffiné, je vous recommande chaudement la découverte You, The King, vous ne serez pas déçu du voyage.
C’est encore Alice qui m’a mise sur la piste d’un groupe de métal.
Un groupe français né en 2017 à Lorient où tous les ans à lieu le festival Inter Celtique. Mais ici point de folk, Black Bile joue du post metal à forte composante doom chanté à deux voix et comme dans Dymna Lotva c’est une seule et même personne qui est derrière le micro ce qui me laisse toujours sans voix.
Leur second album, l’Oratoire, sorti en 2023, propose six morceaux de deux à neuf minutes où un growl démoniaque et un chant mélancolique féminin se posent sur un post-metal lent et pesant.
Pour les situer, il y a un peu de Evi Vane ou de Messa pour le chant clair, The Ocean pour le growl et la musique parfois et Shores of Null pour la narration.
La pochette de l’Oratoire est formée de quatre gravures et photographies monochromes empilées représentant un cloître, une abbaye, un arbre mort et une femme nue vue de dos debout sur une sorte de radeau.
Les paroles des morceaux ne vous avancent pas vraiment puisqu’elles ne sont pas présentes sur Bandcamp et que le growl est totalement indécodable. Restent les titres des pistes qui parlent de deuil, d’un athénien prestigieux, d’un oratoire, d’une lamentation et d’un cortège, peut-être funéraire.
Le court ‘In Procession’ débute l’album de manière cinématique. Un peu moins de trois minutes quasi incantatoires sur le chant clair de Romane et qui explosent en post metal avec ‘Bereveament’.
Ce second titre, nettement plus chargé où surgit pour la première fois le growl, possède la violence du post metal et la pesanteur du doom. Durant plus de neuf minutes, il alterne montées en puissance suivies d’accalmies salutaires et même une section électro acoustique épurée.
Le point d’orgue de l’album se situe entre ‘Ephialtes’ et son antithèse. L’Oratoire’ est un des morceaux les plus courts après ‘In Procession’ mais c’est pour moi le pivot de cette histoire
‘A Lament’ qui termine l’album, illustre parfaitement en près de huit minutes l’idée que l’on peut se faire des lamentations, qu’elles soient contenues comme au début du morceau ou hurlées un peu plus loin.
L’Oratoire est un magnifique album qui épouse souvent la forme progressive pour mieux jouer du metal.
Entre The Substance paru en 2020 et L’Oratoire, le groupe a nettement progressé, gagnant en finesse et récupérant au passage un guitariste en la personne de Rémy. Je ne peux que vous le recommander.
Le groupe Lazuli vient de sortir un nouveau live. Enfin vient de sortir, disons qu’il est arrivé un peu plus tard que prévu à la maison grâce aux bons soins de la Poste. En fait, le premier exemplaire n’est jamais arrivé et Domi a eu la gentillesse de m’envoyer un nouvel album il y a quelques jours.
Ce live a été enregistré en 2022 au festival The Night of The Prog à la Loreley qui hélas cette année fermait ses portes avec justement la participation du groupe garrois. Un festival auquel je n’ai jamais assisté, je l’avoue, principalement parce que je suis un gros feignant.
Le Lazuli Lorelive est un CD accompagné de son DVD. Treize titres audio et seize en vidéo (on trouve en plus ‘Déraille’, ‘Homo Sapiens’ et le générique de fin) donnent la part belle à l’unique concept album du groupe, à savoir le magnifique Fantastique Envol de Dieter Böhm paru deux années auparavant.
Pantalons et tee-shirts noirs, les cinq compères pourraient presque sembler en uniforme si deux rebelles ne soulignaient leur différence : Romain portait un pantalon rayé et Arnaud des socquettes oranges.
Même si ce n’est pas la première fois qu’il se produisait dans le célèbre amphithéâtre, le groupe sans doute pas aussi détendu qu’à l’ordinaire face à une telle audience et ce temple mythique du prog, a un peu de mal à occuper la scène. Seul le petit nouveau, sans doute inconscient du danger, aura l’audace de se livrer à un solo de guitare devant la foule enthousiaste. Dominique descendra tout de même dans l’arène à la rencontre du public en liesse où j’ai reconnu au premier rang quelques habitués de Chez Paulette.
Arnaud s’offre quelques moments de bravoure à la guitare comme dans ‘Mers lacrymales’ et Romain joue au Gonzo du Muppet Show avec son cor de chasse dans ‘Les sutures’. Il n’y aura pas le traditionnel marimba à neuf mains pour clôturer ce live, pourtant l’instrument trône bien au fond de la scène et Vincent viendra en jouer pendant que Romain massacrera la batterie de manière enthousiaste. Dominique s’essaie à quelques mots en allemand aussi maîtrisés que son anglais de franchouillard mais cela suffira à galvaniser le public de la Loreley.
Quand on parle de DVD, on parle aussi d’images. Le concert se jouait avant la nuit tombée et donc, pour ce qui est des éclairages ce n’était pas vraiment un feu d’artifice. Visuellement, même dans la petite salle de Chez Paulette ça fonctionne mieux. Par contre les caméras s’efforcent de varier les plans pour rendre vivant un show assez statique et au final on ne s’ennuie pas.
Le public se manifeste souvent pendant l’enregistrement, nous rappelant qu’il s’agit bien d’un live. Mais si vous aviez un doute, les versions revisitées pour l’occasion de certains morceaux devraient vous mettre la puce à l’oreille. Lazuli est en concert et faute de pouvoir raconter quelques anecdotes à la foule, le groupe s’offre quelques libertés sur les versions enregistrées en studio et ça n’est jamais pour me déplaire.
Ce chouette live n’est pas forcément indispensable sauf pour les fans de Lazuli dont je fais partie. Par contre, ce CD et DVD constituent un magnifique souvenir pour ceux qui étaient présents cette année-là au festival.
Il m’a donné furieusement envie de les revoir pour de vrai ce qui devrait se produire le 20 octobre prochain au Z7 pas loin de Bâle en Suisse.
C’est dans un article de Métal Zone que j’ai découvert le duo français MIRAR. Le billet parlait d’un premier EP conjuguant metal progressif, musique classique et djent. En plus il était disponible sur Bandcamp, alors je suis allé l’écouter.
Bon, honnêtement j’ai hésité à l’acheter après un premier survol. Déjà parce que 14,40 euros c’est cher pour un EP de trente minutes, ensuite, parce que la musique est pour le moins, comment dire, inconfortable.
Alors qu’est-ce qui m’a décidé ? Sans doute le plaisir de faire chier mes voisins, de sortir de ma zone de confort et de reproduire l’expérience du chat de Schrodinger, à savoir la survie d’un chat enfermé dans la même pièce que moi à écouter le groupe MIRAR.
Mare est un EP six titres qui s’inspirent de Jean-Sébastien Bach, de Rachmaninov et de Jean-Philippe Rameau, de la musique baroque, classique et romantique transformée en djent extrême par Marius et Léo.
A la première écoute, ‘Rachma’ est inconfortable et ‘Rose Bonbon’ limite insupportable. Après ces deux morceaux, le cerveau commence à mieux supporter la douleur et cela se passe presque bien jusqu’au moment ou ‘Cauchemar’ rentre en scène.
Piano classique, traits de guitares au vitriol, sons torturés, le moins que l’on puisse dire, c’est que Mare est très original. Techniquement c’est assez bluffant, mélodiquement par contre, c’est l’enfer.
Génial ou insupportable ? Je n’ai pas encore vraiment tranché la question. Le moins que je puisse dire, c’est que c’est très déstabilisant.
‘Rachma’ qui ouvre l’EP s’inspire du concerto n°2 de Rachmaninov (disons que les premières secondes au piano y font penser) puis il déchire les éthers avec ces grincements de guitares, sa batterie bourrine et son djent tablasseur avant quelque secondes cinématiques pour exploser de plus belle.
Mais ce n’est rien en comparaison de ‘Rose Bonbon’ qui n’est que déferlement de batterie, de guitares écartelées, de musique contemporaine et de djent industriel avec quelques secondes de clavecin pour faire bonne figure.
‘Hestehov’ se veut nettement plus cinématique malgré ses accords de guitares dignes des violents FPS auxquels jouent nos enfants. Le morceau propose nettement plus de plages acceptables pour les oreilles humaines.
‘Franka’ s’inspire de deux pièces de Jean-Philippe Rameau, ‘Les Cyclopes’ et ‘Les Sauvage‘. Une base rythmique au clavecin vite submergée par le djent nous maltraite à nouveau avec toutefois un court break au milieu de la pièce. Quant à ‘Oslo’, il ressemble à un train à vapeur lancé à plein vitesse avec des étincelles qui jaillissent de la cheminée de la motrice.
‘Cauchemar’ me semble le titre le plus abouti de l’EP. Il nous parle avec délicatesse de l’insomnie. En plus des guitares effrayantes, des hurlements se glissent dans la composition. Et ce n’est pas parce qu’il y a du piano en seconde partie du morceau que vos rêves seront plus agréables. Une sorte de bande son de l’Exorciste longue de pas loin de neuf minutes, vivement recommandée comme berceuse pour endormir vos petits enfants.
Mais quel est le rapport avec le tableau deLe Caravage, Judith décapitant Holopherne qui fait office de pochette ? Aucune idée sortie de l’horreur de la chose.
Il faut bien reconnaître que cet EP entre ses emprunts au répertoire classique et son artwork que l’on doit à un grand maître du dix-septième siècle, est pour le moins perturbant.
Alors chef d’oeuvre ou mélange blasphématoire des genres ? A vous de voir. Au moins ça sort clairement des sentiers battus.
Vous carburez à quoi ? Personnellement au CBD, à la bière, aux bétas bloquants et surtout à la musique. J’ignore quels psychotropes s’injectent les membres de Slift, mais ce qu’il y a de certain c’est qu’ils chargent la barque.
Ilion est un album que m’a recommandé Stéphane, qui lui, fume de l’emmental aromatisé à la bière. Un album de soixante-dix-neuf minutes et seulement huit morceaux qui donne dans le metal psychédélique, un mélange pour le moins détonnant.
Slift est une formation toulousaine née en 2016. Deux frangins et un pote de lycée qui ont gravé trois galettes en comptant Ilion.
La forme psychédélique domine les morceaux, mais du heavy psyché le plus souvent gueulé qui traumatiserait un baba cool fumeur de paillasson. Pour faire court, ça dépote pas mal.
Si on compare leur musique à celle de King Buffalo par exemple, celle de Slift est nettement plus musclée et moins répétitive, partant dans des délires sous acides bien dosés même si de temps à autres, ils se posent sur du cinématique comme dans le titre album.
Bon quand je dis qu’il n’y a pas de répétition, c’est peut-être un peu exagéré quand même comme en témoigne l’interminable trip de ‘Confluence’ ou bien ‘The Story That Has Never Been Told’ à ne pas confondre avec ‘The Never Ending Story’.
Pour le chant, il n’y a pas non plus que des gueulantes. Il y a par exemple du chant féminin sur ‘Ninh’ avec des chœurs évanescents et des voix quasi liturgiques dans ‘The Story That Has Never Been Told’.
Le résultat est assez bluffant mais certainement un peu longuet tout de même. C’est le genre d’album qui n’est pas franchement facile à écouter en faisant la sieste. D’ailleurs à la troisième écoute, mon épouse pourtant assez tolérante en matière de musique, m’a gentillement mais fermement invité à mettre le son en sourdine ou à porter un casque. C’est un signe.
Je vous le recommande pourtant. Ilion est une magnifique galette made in France qui devrait séduire les filles du coupeur de joint.