MIRAR – Mare

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C’est dans un article de Métal Zone  que j’ai découvert le duo français MIRAR. Le billet parlait d’un premier EP conjuguant metal progressif, musique classique et djent. En plus il était disponible sur Bandcamp, alors je suis allé l’écouter.

Bon, honnêtement j’ai hésité à l’acheter après un premier survol. Déjà parce que 14,40 euros c’est cher pour un EP de trente minutes, ensuite, parce que la musique est pour le moins, comment dire, inconfortable.

Alors qu’est-ce qui m’a décidé ? Sans doute le plaisir de faire chier mes voisins, de sortir de ma zone de confort et de reproduire l’expérience du chat de Schrodinger, à savoir la survie d’un chat enfermé dans la même pièce que moi à écouter le groupe MIRAR.

Mare est un EP six titres qui s’inspirent de Jean-Sébastien Bach, de Rachmaninov et de Jean-Philippe Rameau, de la musique baroque, classique et romantique transformée en djent extrême par Marius et Léo.

A la première écoute, ‘Rachma’ est inconfortable et ‘Rose Bonbon’ limite insupportable. Après ces deux morceaux, le cerveau commence à mieux supporter la douleur et cela se passe presque bien jusqu’au moment ou ‘Cauchemar’ rentre en scène.

Piano classique, traits de guitares au vitriol, sons torturés, le moins que l’on puisse dire, c’est que Mare est très original. Techniquement c’est assez bluffant, mélodiquement par contre, c’est l’enfer.

Génial ou insupportable ? Je n’ai pas encore vraiment tranché la question. Le moins que je puisse dire, c’est que c’est très déstabilisant.

‘Rachma’ qui ouvre l’EP s’inspire du concerto n°2 de Rachmaninov (disons que les premières secondes au piano y font penser) puis il déchire les éthers avec ces grincements de guitares, sa batterie bourrine et son djent tablasseur avant quelque secondes cinématiques pour exploser de plus belle.

Mais ce n’est rien en comparaison de ‘Rose Bonbon’ qui n’est que déferlement de batterie, de guitares écartelées, de musique contemporaine et de djent industriel avec quelques secondes de clavecin pour faire bonne figure.

‘Hestehov’ se veut nettement plus cinématique malgré ses accords de guitares dignes des violents FPS auxquels jouent nos enfants. Le morceau propose nettement plus de plages acceptables pour les oreilles humaines.

‘Franka’ s’inspire de deux pièces de Jean-Philippe Rameau, ‘Les Cyclopes’ et ‘Les Sauvage‘. Une base rythmique au clavecin vite submergée par le djent nous maltraite à nouveau avec toutefois un court break au milieu de la pièce. Quant à ‘Oslo’, il ressemble à un train à vapeur lancé à plein vitesse avec des étincelles qui jaillissent de la cheminée de la motrice.

‘Cauchemar’ me semble le titre le plus abouti de l’EP. Il nous parle avec délicatesse de l’insomnie. En plus des guitares effrayantes, des hurlements se glissent dans la composition. Et ce n’est pas parce qu’il y a du piano en seconde partie du morceau que vos rêves seront plus agréables. Une sorte de bande son de l’Exorciste longue de pas loin de neuf minutes, vivement recommandée comme berceuse pour endormir vos petits enfants.

Mais quel est le rapport avec le tableau de Le Caravage, Judith décapitant Holopherne qui fait office de pochette ? Aucune idée sortie de l’horreur de la chose.

Il faut bien reconnaître que cet EP entre ses emprunts au répertoire classique et son artwork que l’on doit à un grand maître du dix-septième siècle, est pour le moins perturbant.

Alors chef d’oeuvre ou mélange blasphématoire des genres ? A vous de voir. Au moins ça sort clairement des sentiers battus.

Constellatia – Magisterial Romance

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C’est en surfant parmi les suggestions de Bandcamp que je suis tombé un peu par hasard sur le groupe Constellatia. Une formation d’Afrique du Sud qui donne dans le post black metal progressif. 

Le quatuor n’a sorti que deux albums depuis leur formation en 2018, The Language Of Limbs en 2020 et Magisterial Romance qui a été distribué en 2022 chez Season of Mist.

Magisterial Romance ce sont quatre titres d’environ dix minutes puissants et dévastateurs, submergés par les émotions malgré un chant quelque peu rugueux. La musique du groupe est dans la veine du post-metal sur un chant caverneux où les guitares empruntent souvent une forme progressive et parfois du cinématique comme sur ‘Adorn’. Et si la voix est plus proche des hurlements que du lyrique, elle véhicule cependant une incroyable émotion tout au long de l’album.

Pour les progueux comme mon ami Launis, je tiens à être bien clair, Magisterial Romance c’est trente neuf minutes de growl avec juste un peu de chant féminin sur ‘Adorn’, autant dire que ça gratte les tympans. Ma femme possède un avis bien tranché sur la question : “il est abominable cet album !”. Et oui, nous ne sommes pas toujours d’accord en ce qui concerne la musique dans notre ménage. Mais ce growl, aussi caverneux soit-il, véhicule des émotions vraiment puissantes,c’est d’ailleurs la première chose qui m’a séduite sur cet album.

Il faut bien l’avouer cependant, la batterie n’est pas forcément l’élément le plus élaboré dans les compositions et sorti de quelques moments de bravoure ça tape fort sur l’enclume sans grand discernement. A contrario, la guitare électrique sort souvent du mood post-metal pour se livrer à des soli que l’on a pas forcément l’habitude d’entendre dans ce genre de musique.

Pour situer le groupe dans le peu que je connais, il trouverait une place entre un Cult Of Luna et un Shores Of Null avec un côté vaguement floydien comme sur ‘Paean Emerging’ par exemple.

J’aime beaucoup la forme longue des morceaux qui permet de s’imprégner complètement de la musique, le growl dévastateur de Keenan Oakes qui me ferait presque pleurer et la guitare de Gideon Lamprecht qui sort des sentiers battus.

J’aime tellement cet album que je me suis plongé juste après dans l’écoute de Language Of Limbs, leur précédent disque qui est dans la même veine avec lui aussi un titre chanté par une femme.

Je sais que tout le monde n’est pas anglophone, surtout en France, cependant je vous invite vivement à lire le livret de Magisterial Romance. Les textes sont des poèmes étranges, poignants et forts comme le chant de Keenan Oakes.

Alors oui, le chant vomito va en rebuter plus d’un mais pour moi Magisterial Romance un est pur chef d’œuvre, un incontournable à découvrir d’urgence si vous ne le connaissez pas encore. Hélas, mille fois hélas, il semblerait que le groupe soit dissous depuis et il se pourrait bien que nous ne l’entendions plus. Bonne nouvelle, le groupe vient de m’avertir qu’ils travaillent sur nouvel album.

Night Verses – Every Sound Has A Color In The Valley Of Night

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Night Verses

Vous savez sans doute combien les albums instrumentaux peinent à atteindre la zone du plaisir de mon cerveau. C’est principalement dû à mon appétence toute particulière pour les voix. Mais de temps en temps, un disque vient bouleverser l’ordre établi et je tombe amoureux d’une galette de post-rock.

Alors merci à Alice de Bandcamp qui m’a fait découvrir, sans le savoir, le groupe Night Verses et leur dernier album Every Sound Has A Color In The Valley Of Night. Une heure cinq quasi instrumentale en quatorze morceaux.

Le trio californien joue du rock progressif instrumental entre djent, post-rock et cinématique où de rares invités poussent la chansonnette.

Si le post-rock ne trouve pas souvent grâce à mes oreilles, c’est que souvent il tourne en rond et qu’au bout de trois titres je m’assoupis.

Every Sound Has A Color In The Valley Of Night

Ici, Night Verses ne se répète pas une seule fois pendant plus d’une heure. Chaque morceau est une nouvelle expérience sensorielle qui ne laisse aucun répit aux neurones.

On retrouve dans leur musique des influences comme Toundra, Plini, Tesseract, Earthside mais également des passages stoner, space rock et même folk.

Outre les voix enregistrées qui hantent certains morceaux, deux titres sont chantés : ‘Glitching Prims’ avec Brandon Boyd du groupe Incubus et ‘Slow Dose’ au chant féminin non crédité. J’avoue que la performance de Brandon m’enthousiasme assez peu, par contre j’aime beaucoup la voix sur ‘Slow Dose’ qui lui donne une touche folk.

D’autres invités jouent sur Every Sound Has A Color In The Valley Of Night comme le bassiste de Tool, Justin Chancellor, Author & Punisher ou bien Anthony Green.

On ne va pas se mentir, parfois Night Verses met la patate comme dans ‘Arrival’, ‘Karma Wheel’, ‘Plaque Dancer’ ou ‘Phoenix V: Invocation’. On rencontre également des écritures plus subtiles à la manière de Plini dans ‘Aska’ ou ‘Cristal X’ par exemple.

Every Sound Has A Color In The Valley Of Night m’a pris par surprise. Je ne m’attendais pas à accrocher autant sur un album instrumental. Pourtant c’est bien ce qui m’arrive et il va de ce pas rentrer dans la liste des sérieux candidats à l’album de l’année.

Ne passez surtout pas à côté de cette merveille.

unprocessed – … and everything in between

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J’avais prévu de vous présenter un des tout premier album 2024 cette semaine mais un concert à la Laiterie à Strasbourg a changé mes plans.

Le jeudi 25 janvier, unprocessed ouvrait pour Tesseract dans la salle strasbourgeoise. Et si je ne connaissais pas encore cette formation allemande, j’ai été ébloui par leur musique et leur performance.

Leur dernier album en date ..and everything in between, écouté quelques heures avant leur concert, est sorti en décembre dernier. Neuf titres courts pour trente neuf minutes de musique.

Alors attention aux oreilles, unprocessed donne dans le djent expérimental, entre Plini et Tesseract, avec du growl, du chant clair et beaucoup de tabassage. Âmes sensibles s’abstenir.

Le groupe se compose de quatre gamins en comparaison des dinosaures du rock progressif qui monte sur scène en déambulateur. Des petits jeunes fougueux et encore bourrés de testostérone. Alors oui, ça dépote.

Ils existent depuis 2014 et ont plusieurs albums à leur actif  dont Covenant qu’Alias avait chroniqué à sa sortie.

Les deux grands atouts de unprocessed sont la guitare et le chant polymorphes. Leur musique passe du gros poutrage à des dentelles d’arpèges, de hurlements caverneux à une voix toute douce.

En plongeant dans …and everything in between, vous accédez à un niveau rythmique infernal où la basse et les guitares en sont la colonne vertébrale comme dans ‘Lore’ ou bien ‘Glass’. Unprocessed rejoint également Plini sur ‘Blackbone’ ou ‘Die on the Cross’ si on fait abstraction du growl, même si je ne suis pas certain que ce soit les mêmes sujets qui les inspirent ici.

Les textes écrits par David John Levy, le bassiste et également growler à ces moments perdus, sont manifestement une plongée dans son enfer personnel, jouant de thèmes religieux, dieu, la crucifixion, l’enfer, le purgatoire, pour raconter ce qui ressemble à une emprise.

La musique elle, est tout sauf easy listening. Elle vous malmène en permanence, fragile, vocodée, violente, hurler. Une musique dans laquelle la guitare peut livrer un djent assourdissant comme des notes cristallines de harpes.

Je ne vais pas tourner autour du pot, unprocessed est une fabuleuse découverte. …and everything in between une tuerie qui aurait pu devenir l’album de l’année 2023 et Covenant, que je découvre en ce moment, est du même tonneau.

Évidemment, il faut être quand même d’humeur joueuse pour écouter leur musique. Il y a des jours où je repose mes tympans. Mais allez les écouter, ils font partie de la génération montante du metal prog. En plus, leurs albums sont sur Bandcamp.

Tesseract à la Laiterie

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Un jeudi 25 janvier, en pleine révolte paysanne, j’ai atterri au Cul Terreux, un bar à bières de Strasbourg situé à proximité de la salle de concert La Laiterie.

La soirée s’annonçait sous les hospices du djent avec trois groupes dont la tête d’affiche, Tesseract.

Au lieu de réviser War Of Being avec lequel je suis toujours fâché, j’ai découvert le groupe Unprocessed et leur dernier album …and everything in between

Trois groupes étaient programmés ce soir là et Callous Daoboys avait la délicate tâche de chauffer la salle.

J’avoue qu’en guise de première partie, nous avons chauffé nos gosiers avec des bières et rempli nos estomacs de tartes flambées. C’était peu-être mieux d’ailleurs, mais nous ne le saurons jamais.

Par contre il était hors de question de manquer Unprocessed dont le dernier album m’a fait une très forte impression. Il a fallu renoncer à la troisième bière et la dernière flammekuche pour rejoindre la foule agglutinée dans la salle.

Mais cela valait la peine. Sans spoiler ce qui va suivre, Unprocessed m’a fait plus tripper que Tesseract.

Quatre berlinois occupaient la scène, jouant au clic un métal progressif technique djent tabasseur partagé entre growl et chant clair. Dit comme ça, cela pourrait ressembler à du Tesseract mais non. La musique de Unprocessed est nettement plus organique, plus complexe et plus violente. Sans compromis en fait.

Les gamins sur scène avaient l’âge d’être mes enfants. Ça fait tout drôle lorsque l’on se retrouve perclus d’arthrose dans le public à se décrocher les cervicales devant des gosses. Bon ok, j’étais probablement un des plus vieux papi de la salle. Va falloir que de décroche un jour mais ça peut encore attendre un peu.

Pour le son, l’ingé aurait pu se casser un peu plus le fion, alors que le jeu du groupe est très précis, le son sortant de la table de mixage, lui était assez brouillon. Encore une balance faite à l’arrache.Mais lorsque l’on pousse le djent à 100 décibels, ça ne pardonne pas.

Leur set sera bien trop court à mon goût. Il faudra que je revoie ce groupe une nouvelle fois.

Tesseract arrive à 21h. Barres LED verticales, éclairages limite stroboscopique glacés, le groupe se lance dans un voyage temporel musical à rebours, débutant avec War of Being. La batterie domine la scène noire. Trois silhouettes se détachent, brandissant des instruments quand Daniel Tompkins s’avance tel un robot pour hurler.

A l’image de leur dernier album, leur jeu de scène est froid, aseptisé, chorégraphié mais impeccable, peut-être trop parfait justement.

Après deux ou trois titres du dernier album, le groupe se lance dans Sonder et là je commence à bouger sur la pointe des pieds. Un titre d’Alter State met enfin en branle mes cervicales et à la moitié du set mon diesel est paré pour une longue nuit de métal. 

Sauf que c’est déjà le rappel, Tesseract ne jouera qu’une heure et quart, terminant sur un morceau de leur tout premier album. Autant dire que je suis resté sur ma faim.

Il y a un truc qui m’a vraiment agacé, c’est quand Daniel s’est adressé à un gamin pour lui expliquer qu’il tenait entre ses mains notre avenir. C’est tellement facile de dire ça et de se décharger sur la nouvelle génération des conneries faites par la notre. Bon, on peut être artiste et dire des conneries, ça n’est pas totalement impossible.

Je suis reparti avec le vinyle dédicacé de Unprocessed, suivant mes compagnons de beuverie pour tenter une nouvelle bière au Cul Terreux, voir même une tarte flambée. Personnellement j’avais surtout envie de ne pas louper le dernier tram, alors finalement nous sommes rentrés.

Deathyard – No Longer In Pain

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Le jour de Noël, me remettant à peine d’une belle gueule de bois, j’ai écouté No Longer In Pain du groupe Polonais Deathyard. Et si la pop atmosphérique avait régné en maître en 2023, j’avais envie de terminer l’année de manière plus musclée.

Le quatuor de Varsovie sortait le 6 décembre son second album de death heavy prog metal après un nettement moins subtil Creation Of The Universe en 2019, sans doute une erreur de jeunesse. Le groupe joue de guitares, basse et batterie assez classiques pour le genre mais la voix de Chris Hofler, également chanteur du groupe de trash metal Popior, fait toute la différence.

L’album huit titres, riche d’arrangements, ne dure que trente huit minutes avec des pièces allant de trois à sept minutes. Si la musique du groupe est assez classique dans l’ensemble, quelques titres nous réservent de belles surprises comme l’ouverture à la guitare de ‘Mirror’ ou bien les tonalités andalouses orientales de ‘Redemption’ ou ‘Inner Eye’.

Mais c’est vraiment la voix de Chris qui impose un style ici. Chaude et grave sur ‘Mirror’, hargneuse et douce sur ‘Source of Life’, granuleuse sur ‘Awakening’, elle se fait heavy à la manière de Geoff Tate dans ‘Demons From The Past’. D’ailleurs, sur ce dernier morceau, Deathyard me fait beaucoup penser à Operation Mindcrime, son aspect narratif, les guitares et bien entendu le chant. Mais j’avoue que j’entends un peu partout des emprunts à ce concept album culte qui pour moi est un pilier du genre.

Ne vous y trompez pas quand même, Deathyard sait montrer les crocs. Des morceaux comme ‘Source Of Life’ et ‘Unleash Insight’ le prouvent avec la double pédale qui répond à des guitares on ne peut plus agressives. Après tout, le groupe se réclame tout de même de la mouvance death heavy metal même s’il donne également dans le mélodique. Y a qu’à écouter leur premier album pour s’en convaincre.

J’ai tout de même une préférence pour les morceaux qui tabassent un peu moins comme ‘Mirror’, ‘Demons From The Past’, ‘Redemption’, ‘Inner Eye’ ou ‘Awakening’. Mais les accélérations donnent une sacrée dynamique à l’album et je ne boude pas mon plaisir sur ‘Source Of Life’ par exemple.

De tous les morceaux de l’album, j’ai quand même un petit chouchou, le ‘Demons From The Past’ d’un peu moins de six minutes qui me fait furieusement penser aux belles années de Queensrÿche.

Le dernier album de Deathyard mérite la découverte et plus si affinités. Dommage qu’il ne soit édité qu’en boîtier cristal.  Je me contenterai de la version digitale sur Bandcamp, en attendant peut-être une éventuelle édition vinyle.

Earthside – Let The Truth Speak

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Il y a huit ans, le magazine Neoprog recevait en promotion un petit bijou signé par une formation toute jeune : le premier album de Earthside, A Dream In State.

Il aura fallu patienter cette année pour que le groupe sorte son second opus Let The Truth Speak. Une longue attente amplement récompensée.

Une des particularités de Earthside est de ne pas avoir de chanteur. Toutefois, leurs albums ne sont pas composés que de titres instrumentaux. Pour la voix, ils font appel à des pointures comme Daniel Tompkins.

Leur musique navigue entre post-rock, cinématique, metal et tout ce qui leur fait envie en fait comme le prouve par exemple ‘The Lesser Evil’. Cela donne un album de plus d’une heure et quart qui s’écoute en musique de fond comme en immersion au casque. Parfois on se laisse porter, parfois on s’accroche au bastingage pour ne pas chavirer.

Une heure et dix-huit minutes c’est la durée de deux 33 tours rouges bien remplis, et pourtant qui passent trop vite. Il faut dire que le paysage musical est varié comme les voix qui se succèdent. Et ce qui aurait pu devenir un patchwork sonore se révèle finalement d’une grande unité narrative grâce au génie de Earthside.

Sur les dix morceaux de l’album, quatre tournent autour des dix minutes et le plus court, ‘Vespers’, ne dépasse pas les trois minutes. Parfois la musique déborde de cordes comme dans ‘Let The Truth Speak’ mais le groupe s’essaye également aux cuivres, ce qui est plus inhabituel, dans ‘The Lesser Evil’.

Le style symphonique post-rock cinématique djent est presque la norme sur cet album avec des sections de batterie souvent époustouflantes et des guitares mandolines comme dans le dernier titre.

Durant ces soixante-dix-huit minutes, plusieurs morceaux m’ont tout particulièrement interpellés.  Le premier est ‘We Who Lament‘ avec Keturah au chant qui apparaît sur second titre. Sans être franchement démonstratif, il dégage une grande puissance intérieure sur une forme quasi post-rock cinématique. Ensuite il y a le magnifique instrumental post-rock ‘Watching The Earth Sink’ de près de douze minutes qui après un début intimiste explose un peu avant la moitié pour retomber rapidement. Impossible de passer sous silence également le très cuivré ‘The Lesser Evil’ qui nous prend presque à chaque fois par surprise, d’autant qu’il dure pas loin de onze minutes. J’ajoute à la liste ‘Denial’s Aria’, le seul titre avec du chant féminin accompagné au violon et pour finir je termine avec ‘All We And Ever Loved’ post-rock cinématique à souhait avec un délicieux passage de guitare mandoline et des grandes orgues.

J’attendais tellement le nouveau Earthisde qu’il risquait d’être propulsé directement au sommet du podium avant même d’être écouté. Sa découverte n’a pas refroidi mon enthousiasme donc dépêchez-vous d’aller sur Bandcamp écouter la merveille, vous m’en direz des nouvelles.

Terra – Terra

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Entre deux planches de bois peintes, un compact disk. Pas de titre, de groupe, de morceau, pas de livret, rien. Rien que du bois, quatre aimants et un CD.

J’ai entre les mains un des deux albums du groupe Terra que j’ai vu lors du concert de Soen à la Laiterie. Un album éponyme également disponible dans sa déclinaison acoustique, possédant le même habillage menuisier et dont je possède le tout dernier exemplaire.

Terra est un groupe italien né en 2018 venant de Rome que l’on pourrait classer dans le tribal post metal si le genre existait. Peut-être qu’il existe en fait, je n’en sais rien.

Le quatuor m’avait subjugué en live avec leur courte prestation au point de leur prendre deux disques et un tee shirt au stand de merch à la fin du concert. Mais l’enthousiasme du live laisse parfois place à la désillusion une fois rentré à la maison et le CD posé sur la platine.

Leur côté tribal théâtral, lorsqu’ils s’étaient avancé à trois devant la scène pour jouer ‘The End’ aux percussions m’avait hypnotisé mais quand Davide, le chanteur batteur avait pris le micro, j’étais tombé en pâmoison. Il faut dire qu’il possède quelque chose du charisme de Daniel Gildenlöw de Pain of Salvation. Et pour moi, c’est presque la référence ultime, surtout en live.

Du bois, des dreads, un logo géométrique ésotérique et le nom Terra, tout m’évoquait la mouvance new age écolo planétaire mais avec des instruments électriques et un peu de growl pour pimenter l’herbe fumée.

Pour découvrir les noms des membres du groupe, leur histoire, les titres de morceaux et les paroles, il faudra se rendre sur le site Welcome To Terra car ils n’ont pas encore inventé le livret en écorce de chêne.

Terra joue du post-metal comme dans ‘XII’ mais également du folk avec ‘Siren’s Call’ ou du metal à growl comme dans ‘Father’ sans parler du chamanique ‘Mantra’. Une palette musicale des plus variée à forte personnalité qui fait mouche dès la première écoute. Terra joue dans un registre émotionnel qui fonctionne toujours aussi bien avec moi et une musique suffisamment contrastée pour que je ne m’ennuie pas un seul instant.

Pendant une heure, douze morceaux de deux à cinq minutes plus un mantra de vingt minutes, le groupe nous emporte dans son concept album mélodique et torturé où seuls deux courts instrumentaux offrent une pause dans la narration.

Il s’agit d’un premier album sorti en 2022 qui aurait vraiment mérité de monter sur le podium mais à l’époque j’ignorais encore tout de ce groupe talentueux que je vous recommande d’écouter d’urgence et de suivre de très près.

IGNEA – dreams of lands unseen

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Aujourd’hui, Chroniques en Images soutient une nouvelle fois l’effort de guerre contre la Russie en vous présentant un groupe venu de Kiev. Bon, pour être honnête, je ne cherche pas à financer les drônes qui s’abattent sur Moscou. J’ai juste envie d’écouter de la bonne musique.

IGNEA est une formation de metal symphonique ukrainienne à deux voix et deux langues. D’un côté un chant clair féminin délicieux en anglais et en ukrainien, de l’autre un growl granuleux, tout ça produit par les mêmes cordes vocales, celles de Helle Bohdwnova.

Le concept album Dreams of Land Unseen raconte la vie et le travail de la photographe et reporter ukrainienne Sofia Yablonska née en 1907. Elle a vécu en France à partir de 1927 et parcourt le monde , le Maroc, la Chine l’Indochine, le Sri Lanka, le Laos, le Cambodge,  les îles de Java, Bali et Tahiti, l’Australie, les États-Unis et le Canada. Une artiste qui a documenté la vie de tribus indigènes de part le monde.

L’album est donc une sorte de voyage metal progressif symphonique avec quelques touches de world music, cinquante pourcent de growl et une très belle voix pas forcément dans les canons du genre. Dépaysement garanti, un road trip allant des dunes du Sahara jusqu’à l’opium chinois.

Le contraste entre growl et chant clair est vraiment saisissant lorsque vous découvrez leur musique, un peu trop peut-être mais après quelques écoutes l’oreille s’adapte. Les claviers de Yevhenii Zhytniuk aux motifs électros symphoniques apportent la touche metal progressive à cet album ainsi que les éléments orientaux et asiatiques qui colorient la musique.

‘Dunes’, ‘To No One I Owe’ ou ‘Nomad’s Luck’ donnent dans l’oriental quand ‘The Golden Shell’ et ‘Opiumist’ font dans les chinoiseries. Il y a même du djent dans ‘Zénith’ et ‘Incurable Disease’ pour ceux qui n’aiment pas l’exotisme.

Autant j’aime beaucoup les influences metal oriental dans cet album, autant les touches venus du pays du soleil levant me tapent un petit peu sur les nerfs. Il faut dire que je ne suis pas vraiment fan des chinoiseries sauf en cuisine. C’est tout particulièrement le cas avec ‘The Golden Sun’ qui donne dans le cliché asiatique pour touriste.

‘Opiumist’ au son d’un erhu numérisé, de claviers électros et peuplé de bruitages et de voix passe nettement mieux, d’autant que sa seconde partie metal avec le chanteur de Before the Dawn décrasse bien les oreilles.

Restent quelques pièces, de facture plus classiques, comme l’excellent death metal électro ‘Camera Obscura’ qui fait figure de tube sur cet album ou encore ‘Incurable Disease’. Elles équilibrent intelligemment l’ensemble.

Dreams of Land Unseen n’est pas un album fondamentalement révolutionnaire mais quelques points le distingue des autres productions du genre : de forts contrastes vocaux, le timbre de la chanteuse, des éléments world music et le concept lui même, car écouter la vie d’une photographe me change clairement des trucs démoniaques et des histoires de science fiction.

Les albums du groupe IGNEA méritent clairement  la découverte, sur Bandcamp par exemple, d’autant que les concepts se suivent sans se ressembler, de la conquête spatiale jusqu’à la photographie.

Carcariass – Afterworld

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Je l’avais promis, et je tiens presque toujours parole, presque, aujourd’hui je vais vous parler du dernier album de Carcariass, Afterworld.

Contrairement à Planet Chaos, avec lequel j’ai découvert le groupe franc-comtois, Afterworld est principalement chanté, devrais-je dire gueulé. Il s’éloigne clairement des sphères progressives même si vous entendrez ici où là des guitares floydiennes comme dans au début de ‘Identity’ et des claviers planant, la fin de ‘Black Rain’ par exemple. On est plus sur du Paradise Lost période Host et du Queensrÿche que dans les seventies à patte d’eph et cheveux gras.

Les guitares de Pascal et Bob font beaucoup à la musique dans l’album sans parler du chant scandé growlé de Jérôme. Au niveau de la rythmique, Raphaël à la basse et Bertrand à la batterie ne donnent pas vraiment dans la dentelle. C’est dense et pas franchement très inventif.

J’adore l’entré en matière de l’album sur un ‘No Aftermath’, cette ouverture martiale dopée à la testostérone, une marche militaire qui écrase tout sur son passage avec la troupe qui hurle en choeur ‘We are the shield, the claws, and the ground meat.’. Pour la subtilité et la douceur, vous repasserez.

Si vous avez joué à Space Hulk, ces soldats de l’espace en armures affrontant des nuées d’aliens Genestealer dans des épaves de vaisseaux, vous appréhenderez mieux la violence de Aftermath, qu’elle soit vocale ou musicale. Cet album, c’est cri de ce guerrier transformé pour devenir une machine à tuer qui tapis au fond de son cerveau, conserve un brin de conscience humaine.

Manifestement Afterworld poursuit le récit, du moins le thème abordé dans le précédent opus Planet Chaos.

Tous les morceaux ne fonctionnement cependant pas forcément aussi bien que ‘No Aftertermath’, ‘Identity’, ‘Angst’ ou ‘Generation Rot’. ‘Billions Of Suns’ et ‘Black Rain’ peinent à me convaincre. Leur côté brutal manque de mordant. Je trouve également que les instrumentaux ‘Fall Of An Empire’ et ‘Afterworld’ ne possèdent pas la même richesse que ceux de Planet Chaos. Ils s’écoutent sans marquer les esprits.

Afterworld c’est presque une heure brutale, tendue et dense au chant caverneux pendant laquelle les guitares font des merveilles et où le chant arrive à produire des refrains furieusement accrocheurs.

Évidemment ça poutre un peu malgré quelques claviers à la Vangelis et des longs accords façon Gilmour. Le metal écrase vite les ouvertures cinématiques comme dans ‘Machine Kult’ et si on n’apprécie pas les gros tatoués et la bière à 10°, il vaut mieux s’abstenir.

Je n’aurai peut-être pas accroché avec Afterworld sans avoir découvert leur précédent album, alors si vous avez un doute, commencez par  Planet Chaos et continuez avec Afterworld. Vous pourriez prendre goût à leur musique.