La trajectoire des confettis

Image

Voici un roman improbable qui est devenu ma lecture de chevet pendant plus de deux mois.

Improbable, parce que je ne connais pas l’auteure et que ce n’est pas mon genre de lectures. 

Je l’ai pris sans doute à cause de l’accroche de l’éditeur et parce que c’était le seul bouquin qui me tentait dans la pile de mon épouse. Un premier roman d’une québécoise qui parle de sexe (beaucoup) et d’amour (une peu). Un voyage désordonné dans le temps et les couples avec comme personnage central Xavier, du moins c’est à lui que je me suis raccroché comme à une bouée au milieu de tous ces portraits. 

Il y a le couple libre de Zack et Charlie, Matthew, Jacques, Alice, le pasteur William, une tante et son neveu, Louis et ses amours de six mois et ses six filles nées d’une mère différente, des adolescents en pleine expérimentations, des coups d’un soir, des ex, des cocktails improbables et Xavier, éternel célibataire, abstinent depuis seize ans qui tombe amoureux.

Au début tout est vraiment confus et quelques chapitres sont nécessaires pour comprendre qui est qui, qui a couché avec qui, qui est le père de qui, mais petit à petit, à force de retours en arrière et de répétitions, le lecteur trouve ses repères.

Un roman sur le sexe voire l’amour, ce n’est pas vraiment ma tasse de thé, pourtant Marie-Eve Thuot a réussi à me captiver avec les tribulations de cette famille québécoise pas forcément représentative de la moyenne et à m’attacher à certains de ses personnages comme Raphaëlle et Xavier.  Mais ne croyez pas que le roman se résume à cela. Il y a de nombreuses réflexions sur l’amour, le couple, les enfants, la surpopulation, la morale, la société, la religion…

Un excellent premier roman qu’il est cependant délicat de recommander, à part à vos amis échangistes.

Dernière chance

Vous avez vu le film Seul sur Mars avec Matt Damon ? Oui l’histoire du gars qui fait pousser des pommes de terres avec les excréments de ses copains dans le régolithe rouge. Bon j’avoue, je l’ai regardé plusieurs fois même si ce n’est pas un chef-d’œuvre, sans doute parce que ça se passe sur Mars.

Du coup, lorsque je suis tombé sur le roman Projet Dernière Chance écrit par l’auteur du livre Seul dur Mars, à savoir Andy Weir, je me suis dit allez pourquoi pas.

De minuscules organismes absorbent l’énergie du soleil, menaçant la Terre d’un brutal refroidissement global en plein réchauffement climatique. D’autres étoiles subissent le même sort mais Tau Ceti, pourtant elle aussi infectée, résiste mystérieusement. Une mission de la dernière chance emporte trois astronautes dans un voyage interstellaire sans retour pour comprendre comment sauver le monde. Voilà pour l’intrigue.

Comme Seul sur Mars, Projet Dernière Chance est un roman de hard science où l’auteur s’efforce de tout expliquer. Ce n’est assurément pas de la grande littérature mais plutôt une distrayante vulgarisation scientifique pleine d’humour où un homme, après un très long voyage, va se lier d’amitié avec un extraterrestre.

Le livre m’a fait souvent penser à du Jules Vernes, auteur que j’ai dévoré dans mon enfance, avec ses descriptions interminables, ces explications scientifiques à la limite de la fiction, ses théories fumeuses et ses personnages à la psychologie binaire.

Le roman souffre de quelques longueurs atténuées par les flashs back sur Terre avant le lancement de la mission de sauvetage. La rencontre du troisième type est ubuesque et tendre à la fois. C’est naïf, drôle et on se laisse rattraper par le suspense qui dure pas loin de six-cent pages. Bref, Projet Dernière Chance se révèle très plaisant à lire.

La dernière tempête

Image

Je ne relis jamais un livre tout simplement parce qu’il y a trop de romans à découvrir et que je lis assez lentement.

Pourtant j’ai relu La dernière Tempête de Ragnar Jonasson. Ne l’ayant pas référencé dans Babelio, je l’ai acheté une seconde fois et dévoré en quelques jours.

Dès les premières pages, j’ai réalisé que je l’avais déjà lu, ce qui ne m’a pas empêché de continuer sa lecture.

Si vous n’aimez pas les fêtes de Noël, la neige et l’isolement, réfléchissez sérieusement à deux fois avant de commencer ce roman.

La dernière Tempête se déroule en Islande, principalement autour de Noël. Trois drames familiaux, celui d’un vieux couple isolé dans leur ferme, celui d’une inspectrice de police pour le réveillon et cette jeune fille partie vagabonder en Islande pendant une année de césure.  Trois récits qui se rencontrent autour d’une seule enquête pour meurtres au milieu d’une tempête de neige.

L’auteur traduit à la perfection la sensation d’isolement des islandais coupés du monde pendant l’interminable hiver où il fait nuit presque toute la journée. Il décrit également la pesanteur familiale, ces drames qui se nouent en secret et qui s’achèvent par des catastrophes.

Lorsque vous commencez le roman, vous n’arrivez plus à vous arrêter, quitte à ne pas dormir. Chaque fin de chapitre appelle la suite et après quelques heures, vous arrivez à la dernière page, abasourdi.

La dernière tempête est un fabuleux roman qui se dévore, vous plongeant dans un monde à part, angoissant, en noir et blanc, assurément pas le meilleur guide touristique pour visiter l’Islande même si vous y découvrirez quelques traditions de Noël.

Le Mage du Kremlin

Image

Qu’attendais-je au juste de ce roman ? Est-ce que j’espérais lever le voile sur Poutine, mieux comprendre la guerre en Ukraine ? Je ne sais pas exactement, mais je n’ai rien trouvé de tout cela dans le livre de Giulliano Da Empoli.

C’est sur France-Inter que j’ai entendu parler du roman et son titre a déclenché de nombreux fantasmes jusqu’au moment où je l’ai tenu entre les mains.

Le Mage Du Kremlin est son premier roman mais pas son premier livre. Et cela se sent. Il ressemble plus à un essai transformé en roman : le récit de Vadim Baranov, conseiller imaginaire de Vladimir Poutine, de son ascension du KGB au poste de premier ministre jusque la guerre en Ukraine.

L’auteur esquisse un Poutine avec quelques anecdotes historiques mais ne rentre pas dans l’intimité, même imaginaire du président russe. Il s’attarde un peu sur les russes blancs, sur la grande URSS bafouée et évoque quelques personnages qui ont tenté d’infléchir la politique de l’homme du Kremlin.

Il raconte surtout l’histoire de ce conseiller désireux de toujours gagner, qui parfois avait l’oreille de Poutine avant que l’homme ne devienne autocrate.

Le récit s’achève sur une étonnante diatribe sur les machines et le pouvoir avant que Vadim, redevenu humain, ne clot le chapitre sur sa fille.

Le roman Le Mage Du Kremlin survole quelques épisodes de l’histoire de la Russie sous Poutine, évoque les jeux de pouvoir du Kremlin mais n’éclaire pas le lecteur et ne réussit pas à écrire un bon roman, pas même un essai.

Trois Lucioles

Image

Je vous avais parlé du premier tome de Capitale du Sud de Guillaume Chamanadjian il y a peu, un roman de fantasy français assez original. Dans la foulée, j’ai dévoré le second tome, Trois lucioles, la suite des aventures du coursier Nox.

Dévoré est le terme, car pour quelqu’un qui lit assez lentement, j’ai avalé les quatre cent pages du livre en neuf jours malgré un agenda assez chargé.

Le style de l’auteur s’est affiné et la lecture du roman est nettement plus fluide. L’univers est maintenant posé, la cité de Gemina décrite, les principaux protagonistes connus, l’intrigue peut se concentrer sur notre héros, son évolution et les choix qu’il va être amené à faire.

La ville réclame la tête du duc bâtisseur de canal, son duc, qu’il a quitté pour redevenir simple coursier.

La magie est toujours présente en filigrane dans ce livre. Elle se manifeste avec le talent des bâtisseurs de la Recluse et sous la forme du Nihilo, ce monde parallèle que Nox apprend de mieux en mieux à parcourir.

Au fil des pages le lecteur sortira de la cité pour découvrir l’entre deux murs situé entre les deux remparts de Gemina, il descendra dans les tréfonds de la cité et rencontrera une ancienne famille que l’on croyait disparue, comprendra enfin les schémas du livre de danse de Nox et assistera impuissant aux émeutes qui mettront à feu et à sang la cité.

Trois lucioles est un roman d’aventures plein de rebondissements, qui aborde des sujets plus matures que dans le premier tome, à l’image de notre héros qui gagne en sagesse. Difficile d’en dire plus sans dévoiler l’intrigue, mais si vous avez aimé le premier livre, n’hésitez pas, le second est encore meilleur.

Le Sang de la Cité

Image

N’ayant plus rien à lire, j’ai emprunté le roman de Guillaume Chamanadjian à mon épouse. Elle voulait lire Capitale du Nord et avait acheté Capitale du Sud.

Je l’ai surtout emprunté à la vue de tous les prix qu’avait reçu ce premier tome. Et puis sa couverture donnait envie d’ouvrir le livre pour découvrir la cité enfermé dans les pages.

Nous suivons les aventures de Nox, coursier de la ville qui parcourt inlassablement les rues pour livrer des vins et confiseries aux clients fortunés.

Une vaste cité fortifiée cernée par deux rangées de remparts, bâtie au bord de la mer, protégée par ses ducs et soldats, parsemées d’échoppes, d’auberges et ruelles où les intrigues politiques vont bon train.

J’hésite à désigner le héros de notre histoire. De qui s’agit-il ? De ce coursier au destin hors du commun ou de cette immense cité et ses habitants.

Le roman de fantasy de Guillaume Chamanadjian se teinte de fantastique à peu près au milieu de l’histoire, de subtils coups de pinceaux, très loin des grosses ficelles des sagas médiévales fantastiques dont on nous abreuve régulièrement. D’ailleurs le livre évite presque tous les clichés, le héros n’en est pas vraiment un, n’embrasse pas la princesse, se bat comme tout un chacun et a une épouvantable soeur.

Poésie, légendes, parfums de Provence, œnologie et architecture à la Violet Le Duc parfument les aventures de Nox, qui d’enfant trouvé dans les sous-sols de la ville va devenir coursier puis protéger du Duc et détenteur d’un grand secret.

J’ai à peine terminé ce premier tome que je me lance dans le suivant. Un roman plaisant, agréable à lire qui change de l’habituel fantasy anglo-saxonne qui remplit nos librairies.

Superluminal

Image

Il y avait bien longtemps que je n’avais lu un Vonda McIntyre. Cette réédition chez Mnémos m’a fait de l’œil chez le libraire et je ne regrette pas ce magnifique voyage à des vitesses supérieures à la lumière.

Superluminal parle principalement de trois personnages, Laena, une terrienne qui vient d’être opérée pour devenir pilote, Radu, un jeune homme venant d’une planète terraformée et Orka, une humaine transformée génétiquement en plongeuse. 

Le roman parle d’amour impossible, de voyage supraluminique, des dimensions de l’univers, de la frontière invisible entre les rampants et les pilotes, de l’exploration, d’un univers utopique à la Ursula le Guin, des sacrifices pour atteindre ses rêves.

Un livre profondément humain, beau, inquiétant parfois, qui esquisse une théorie du voyage spatial sans l’expliquer vraiment, qui décrit une société très différente de la notre ou l’homme a presque aboli les frontières des espèces, de l’espace et du temps. 

Un livre paru en 1983 et qui n’a pas pris une seul ride et qui propose en bonus une interview de l’auteure réalisée en 2019.

Lune Rouge

Image

Que ce soit pour le Yin et le Yang, le feng shui, la poésie, les idéogrammes, la révolution culturelle, Lao Tseu ou Mao Zedong, mon univers est très éloigné de la Chine. Le Problème à trois corps m’avait rebuté, l’album du groupe Ou déstabilisé et les secrets de la Cité Interdite ennuyé.

Sorti de la cuisine des empereurs de Chine revue à l’occidentale, cet immense pays de plus d’un milliard d’habitants reste pour moi une énigme.

C’est peut-être pour cela que le roman Lune Rouge du grand Kim Stanley Robinson m’a ennuyé. Il est pourtant l’auteur de la fabuleuse trilogie martienne rouge, verte et bleue. 

Nous suivons les aventures lunatiques d’un vieux poète chinois, d’un ingénieur américain un peu autiste et de la fille rebelle d’un grand dignitaire du parti qui voyagent de la Terre à la Lune comme s’il s’agissait de prendre un jet privé, qui s’extasient devant un lever de terre et marchent comme des clown sur la surface de notre satellite. 

Le roman nous plonge dans les coulisses du pouvoir du parti, dans les erreurs de la Révolution Culturelle, nous emmène sur une Lune colonisée et c’est dans les rue de Pekin qu’il est le plus crédible avec Ta Shu, le vieux poète fatigué.

L’intrigue ne m’a pas intéressée, pas plus que la Chine en pleine ébullition, l’accouchement sélénite ou que les bases lunaires. Kim Stanley Robinson ne renoue pas avec la puissance du cycle martien, espérons simplement qu’il n’en fera pas deux autres couleurs même si la fin du roman promet une continuation.

Chien 51

Image

La Grèce s’est effondrée. Elle a été rachetée par une multinationale. Les habitants d’Athènes comme Sparak sont devenus des employés citadins. 

Après la Grèce, les autres nations de la planète ont peu à peu été rachetées.

Les élections battent leur plein sous le dôme climatique de Magnapole. Qui sera le nouveau conseiller ? Kanaka ou bien Barsok ? L’homme de la zone 1 ou le populiste qui veut abolir les frontières entre les zones.

Sparak, le policier de la zone 3, celle des parias, mène une enquête pour meurtre avec Salia une enquêtrice de la zone 2, celle des privilégiés. Une enquête qui les conduira au paradis des élites, la zone 1, celle de tous les privilèges.

Laurent Gaudé nous plonge avec Chien 51 dans un roman policier futuriste désespéré. Le climat a fini par devenir fou. La société est revenue au système des castes. Les nations n’existent plus et les hommes, inféodés, trahis, vendus, n’ont plus d’espoir. 

Avec cette enquête Sparak va replonger dans ses souvenirs, la femme qu’il a aimé, la chute de la Grèce, sa trahison, l’exode. Il va découvrir ceux qui ont contribué comme lui à l’effondrement de son pays. Un roman sombre, désespéré, qui donne un éclairage terrible sur un futur possible de notre monde.

Ce n’est pourtant le roman de Laurent Gaudé que je vous recommanderai. Je ne suis pas vraiment rentré dans son monde pas plus que je n’ai cru à ses personnages. Lisez plutôt Le Soleil des Scorta, La Mort du Roi Tsongor ou le magnifique Eldorado.

Une Route

Image

Chez mon libraire il y a un étal où s’alignent des romans ne partageant rien en commun : un polar, un essai, un voyage, une histoire, des nouvelles. C’est là que j’ai pioché au hasard le très beau livre Les nuits de la peste et comme je suis un peu superstitieux, je suis retourné y chercher un nouveau roman.

J’y ai trouvé Une route de Richard Paul Evans qui, l’histoire de la rédemption d’un homme, Charles James né Gonzalez, auteur et conférencier à succès, qui après l’annonce de sa mort, décide de traverser les États-Unis d’Est en Ouest sur la Route 66.

Enfant pauvre et battu, Charles s’enfuit de la maison avec pour simple bagage quelques dollars en poche et ses vêtements. Il rencontre l’amour de sa vie dans le bus qui le conduit en Californie et après quelques mois employé comme jardinier pour les riches, il devient un marchand de  rêve. Un business juteux et immoral qui ne tarde pas à faire de lui un homme riche et célèbre.

La première partie du roman est parfaitement maîtrisée et addictive, l’ascension fulgurante d’un homme, de son enfance misérable jusque les sommets de la gloire. Je l’ai dévorée. La transformation de cet enfant pauvre et battu en requin des conférences est stupéfiante et palpitante.

La seconde partie, le road movie à pied, sur la Route 66, est le ventre mou du roman, un guide touristique assez creux sur près de deux-mille kilomètres, de motels en dinners, avant le début de la rédemption de l’homme brisé.

La troisième partie et la fin de la traversée des États-Unis, ponctuée de rencontres parfois artificielles, amorcent la renaissance de Charles James qui finit par devenir un bon samaritain.

Si j’étais méchant, je dirais que Richard Paul Evans ne maîtrise pas l’art du road movie pas plus que celui du roman initiatique. J’ai pourtant été jusqu’au bout de ces 584 pages et j’ai aimé la chute, même si elle était prévisible.

Alors, à vous de voir si vous voulez lire ce livre. 

Pour ma part, je crois que je vais quand même continuer à fouiller dans cet étal, la prochaine fois que j’irai chez mon libraire, on y fait des rencontres improbables et intéressantes.