Einar Solberg – 16

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Il m’arrive parfois de souffrir du syndrôme de la page blanche. Plusieurs albums en ont fait les frais dernièrement. Et puis tout à coup, un disque improbable arrive et la plume se remet miraculeusement en mouvement.

Je n’attendais pas grand-chose du premier album solo du chanteur de Leprous, mais je l’ai quand même commandé, par curiosité. J’ai glissé le CD dans le lecteur, me préparant à travailler sur autre chose mais au lieu de bosser, je suis resté scotché devant les enceintes pendant soixante neuf minutes.

16 de Einar Solberg est une superbe surprise.

Onze morceaux de quatre à onze minutes relativement variés où la voix de Leprous est à l’honneur. Certes je suis un grand fan du groupe mais je redoutais qu’en solo, l’artiste ne propose des compositions plus faciles. Il n’en est rien.

Bon, solo, c’est quatre lettres mais aussi une sacré liste d’artistes invités et plein plein d’instruments comme un violon, un violoncelle, la trompette, un cor, un trombone, un saxo, des orgues ou un chœur classique.

Dans le livret épais de de vingt-quatre pages, vous verrez la belle gueule de Einard plus de treize fois au milieu de la nature sauvage sans parler de la pochette. Si ce n’est pas du narcissisme ça, je n’y comprends plus rien. En comparaison Floor Jansen est une petite joueuse, que ce soit pour la durée de l’album comme pour le nombre de portraits. Sorti de ce petit détail esthétique, il y a tout ce que j’aime dans 16: des voix fabuleuses, des instruments acoustiques, du metal, du growl, du slam, des textes, une émotion à fleur de peau et des compositions qui prennent le meilleur de deux univers souvent antagonistes, le metal et la pop.

Avec ça, je vais devoir réviser mon classement de 2023.

Le titre ‘16’ donne le ton de l’album, mélancolique à souhait, au son du violon de Chris et du violoncelle de Raphael. Mais attention.  Non, il ne s’agit pas d’un disque de musique de chambre, mais ces deux instruments hantent tous les morceaux de manière plus ou moins marquée. Il y a également beaucoup de cuivres brillants ou ténébreux qui enrichissent la partition. ‘Home’ ose le slam quand le chanteur de Vola s’invite sur ‘Blue Light’ et que ‘Slipting The Soul’ donne dans le growl goret avec Ihsahn.

16 joue de tonalité orientales, de motifs symphoniques, de musique de chambre, de grandiloquence et d’intimisme, et tout ça en seulement soixante-neuf minutes. Moi qui râlait contre les albums à rallonge, ici, j’aurai bien demandé un petit rab.

16 possède une belle unité, soufflant le chaud et le froid comme avec ‘Spliting The Soul’ suivi de ‘Over The Top’ par exemple. Cerise sur le gâteau, 16 s’achève par un morceau fleuve de plus de onze minutes, ‘The Glass Is Empty’ car il faut toujours rester positif, une pièce magistrale et émouvante qui achève de me mettre à terre à chaque écoute.

Le grand point fort du premier album solo d’Einar, c’est que malgré sa durée, on ne s’ennuie pas une seconde. Et depuis que j’ai reçu le CD, je l’écoute plusieurs fois par jour.  Par chance ma chérie l’aime beaucoup également, sinon je vivrai avec un casque vissé aux oreilles.

16 est de loin, le plus bel album que j’ai écouté depuis des mois. Il condense tout ce que j’aime en musique, piano, cordes, chant fabuleux, metal, mélancolie, folie. Si un nouveau disque venait l’éclipser cette année, c’est vraiment un chef d’œuvre absolu. 16 est tout simplement indispensable et je ne supporterai aucune contradiction.

Live streaming

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Cette année, pas de fête de la musique, pas de concert, alors j’ai fait comme beaucoup, j’ai regardé des lives en streaming. Après TesseracT, Marc Atkinson, Franck Carducci, Melanie et Martin, Bruce Soord, Ray Wilson, Anneke et d’autres, j’ai craqué pour Leprous. Enfin Einar Solberg au piano accompagné sur quelques titres par Robin Ognedal.

Le samedi 19 juin, deux jours avant la fête de la musique qui serait annulée chez nous, Einar proposait un récital d’une heure et quart au piano où il réinterprétait quelques un des grands titres du groupe Leprous. Ca se passait sur nunin.live à 19h30. Le chanteur du groupe jouait quelques titres choisis au préalable par le public dans les soixante-quatorze de son répertoire. La veille du show, il paniquait un peu à l’idée de jouer sans filet au piano quelques morceaux sur lesquels il ne faisait que chanter d’ordinaire. Rassurez-vous, il s’en est bien sorti.

J’ignorais à quoi m’attendre avec cette formule acoustique. C’est vrai quoi, Leprous ramené à la voix d’Einar et aux notes d’un piano, cela peut sembler affreusement réducteur. Ici pas de chichi, d’effets numériques, de transitions. Einar nous livre un vrai live filmé d’une traite, avec un public et où le chanteur oublie même au début de parler en anglais pour les personnes connectées sur Internet. Quelques éclairages, draperies noires, rouges ou bleues, cercles de lumière sol, plusieurs caméras dont une un peu surexposée au bout du clavier, l’atmosphère du concert est cosy et nullement artificielle, tout à l’opposé du concert de TesseracT. J’ai l’impression d’assister à récital de Brahms dans un petit auditorium avec mon épouse.

J’avoue ne pas avoir reconnu tous les morceaux immédiatement, tellement ils se retrouvaient ainsi dépouillés. La voix d’Einar, parfois très haute, vraiment très haute, pique un peu les oreilles sans la grosse artillerie de basses du groupe. Elle reste cependant irréprochable tout au long du set mais l’accompagnement piano est vraiment minimaliste. Ce n’est pas Gleb Kolyadin qui joue si vous voyez ce que je veux dire. Einar est définitivement coincé en live et lorsqu’il s’adresse au public, cela tombe un peu à plat mais lorsqu’il chante, la magie opère. Robin qui l’accompagne, semble nettement plus dans son élément et sa contribution enrichit considérablement certains titres qui sinon auraient été trop dépouillés. Il a été pourtant appelé à la rescousse d’Einar seulement deux jours plus tôt.

Après une heure quinze de live, Einar repartira pour une seconde partie composée de reprises et réservée aux VIPs. Ne faisant pas partie de cette tribu, le billet était déjà à seize euros, j’ai laissé Einar avec ses fans. Cela ne m’a pas empêché de regarder une seconde fois le concert le lendemain, il faut bien rentabiliser le concert.

Je ne dirais pas que ce fut un grand live, mais toujours mieux que celui de TesseracT. La magie aurait certainement opéré bien plus, assis dans la salle, devant le piano, mais je n’allais pas non plus prendre l’avion pour une heure de musique, bilan carbone oblige. Peut-être y aura-t-il, comme pour Portals, un Blu-Ray ou des vinyles de ces concerts de Leprous au piano, nous verrons. En attendant ça fera ma fête de la musique.