Anfauglir – Akallabêth

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Prenez peur, c’est quand même Stéphane Gallay qui a recommandé l’album dont je vais vous parler aujourd’hui. Une heure quinze de black métal symphonique à grosse voix et orchestrations pompier dans l’univers de JRR Tolkien. Autant dire que ça fait du bruit.

Presque tout le monde a entendu parler de The Hobbit de Tolkien, certains ont même vu la trilogie de The Lord of the Rings au cinéma, d’autres ont été jusqu’à lire le livre. Plus rares sont ceux qui se sont plongés dans le Silmarillion, cette compilation de récits inachevés qui ébauche la mythologie de l’univers de Tolkien. Moi, j’ai commencé par ça.

Akallabêth nous plonge dans les récits du deuxième âge. La pochette illustre d’ailleurs la chute de l’île de Numenor vers 3300 D.A. On y voit la cité d’Armenelos, la capitale de l’île, prise dans la tourmente et les navires qui fuient vers le Royaume Béni.

Mais trêve de mythologie de Terres du Milieu, parlons plutôt musique si vous le voulez bien. Anfauglir est un duo du Montana né en 2004 et formé de Lord Bauglir et Griss, deux fondus de Tolkien qui sortirent leur premier album en 2008.

Jouer du métal symphonique à deux, ce n’est pas évident et les orchestrations qui dégoulinent des quatre morceaux sont évidemment numériques. Oui, j’ai bien dit quatre morceaux pour une heure et quart de musique. Autant dire que vous allez prendre très cher, avec respectivement vingt, dix-sept, vingt-deux et enfin douze minutes de spectacle.

Scream et piano forment le socle musical de l’album sur lequel se greffent double pédale, chœurs, cordes et cuivres (beaucoup de cuivres). C’est grandiloquent à souhait, pompier et cinématique façon grand spectacle. C’est limite too much et j’adore ça !

Moi, c’est clairement l’ouverture au piano dans ‘The Rise of Numenor’ qui a titillé mon oreille. Ensuite, le métal symphonique a fait son œuvre et si le scream est omniprésent sur cet album, cela ne m’a pas posé de problème particulier.

Par contre, comme l’a noté Stéphane, l’orchestration numérique souffre de son côté orgue Bontempi pour ceux qui ont connu. Les samples, particulièrement ceux des cordes, manquent de caractère et lors d’une écoute au casque, ça pique beaucoup. Bizarrement, les chœurs tiennent assez bien la route.

Pour continuer à parler des choses qui fâchent un peu, j’ai trouvé quelques thèmes musicaux honteusement pompés à des œuvres cinématographiques biens connues, tout particulièrement dans ‘The Inevitable Truths of Time’ qui me fait beaucoup penser à la B.O. du film Dune de David Linch vers la neuvième minute.

Malgré ces quelques petits bémols, Akallabêth est une grosse claque, le genre d’album que j’écoute à fond à la maison lorsque je suis seul et il entre en lisse pour la compétition finale de l’album de l’année.

Saor – Admidst the Ruins

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Il n’y a que Stéphane Gallay pour recommander des groupes comme Saor et moi pour les écouter. Imaginez donc, du black métal marié à du folk qui accouche d’une galette dans les tourbières écossaises. Voici à quoi peut ressembler Admidst the Ruins, le nouvel album du groupe Saor.

Admidst the Ruins propose cinq titres de huit à quinze minutes pour une durée totale de près d’une heure où vous entendrez des flûtes, des pipes, des sifflets, du violon, de l’alto, du violoncelle et tout l’attirail électrique du métal sans parler de chant clair et de growl.

C’est la participation de la violoncelliste Jo Quail sur le morceau ‘The Sylvan Embrace’ qui a motivé ma première écoute de l’album, même si au bout du compte, elle est assez anecdotique. En plus mon chroniqueur suisse préféré en disait beaucoup de bien. 

L’achat a naturellement suivi. Pourtant j’ai trainé à en parler. C’est qu’il faut tout de même être dans un certain état d’esprit pour écouter ce folk pour le moins caverneux. 

Il n’y aurait pas le growl et quelques poussées de testostérone Admidst the Ruins pourrait presque passer pour un album de The Coors. Instruments à vent, à cordes et percussions jouent des mélodies dansantes dignes des paysages des highlands et la voix claire de Jira souligne encore ce trait.

Mais le druide qui se tient dans un cromlech au milieu des montagnes et l’ouverture fracassante du titre album annonce la couleur. Il y aura du black métal au menu avec le haggis.

‘Echoes of the Ancient Land’ ne lève pas le pied, bien au contraire et s’il offre des accalmies instrumentales salutaires, le chant viril revient vite à la charge, soutenu par une déferlente de double pédale.

‘Glen of Sorrow’ propose une accalmie dans cette tempête métal folk s’il n’y avait les roulements de tambours d’une armée en marche. Difficile de ne pas visualiser les hommes d’un clan avançant dans la vallée au son des cornemuses. 

Mais si vous voulez un morceau vraiment atmosphérique, attendez le court ‘The Sylvan Embrace’ qui ne dure que huit minutes. Là, même Andy cesse de hurler pour murmurer. On est en pleine mystique indo-européenne où le druide sanctifiait le gui et célébrait la fertilité en frottant son popotin contre des menhirs. Des hérésies historiques qui ont connu leur heure de gloire à la fin du dix-neuvième siècle. Parce que, soyons clairs, les mégalithes, c’est trois mille ans avant les celtes… Bon passons.

L’album s’achève avec ‘Rebirth’ dont la seconde moitié est un air traditionnel celtique magnifique et très connu, mais impossible de lui mettre un nom dessus désolé, pourtant j’ai cherché dans les classiques.

Sorti du fatras pseudo celtico mystique, ce dernier album de Saor est fortement recommandable pour qui n’a pas peur des mélanges hydromel single malt.

Grima – Frostbitten

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Parmi les albums dont je ne devrais sans doute pas parler ici, il y a Frostbitten du groupe Grima. Pour quelles raisons ?

Tout d’abord, ils sont russes, et par les temps qui courent, les russes, bof quoi. Ensuite l’album s’appelle la morsure du froid, et même si l’hiver approche, cela fait un bail que je ne l’ai pas sentie cette morsure. Enfin parce que c’est Stéphane Gallay qui a acheté cet album sur Bandcamp, et rien que pour ça, il vaut mieux se méfier.

Grima est un duo de doom black metal au growl clair qui donne également dans l’atmosphérique et le folk. Déjà, le growl c’est difficile à comprendre, mais écrit avec des caractères cyrilliques, là c’est mort. Tout ce que je peux vous dire, c’est que Frostbitten parle de magie et de créatures gardiennes de la nature.

Le metal de Grima possède un côté post-rock cinématique luciférien très mélodique débordant de double pédale et de growl. Si quelques mots dans la phrase précédente semblent se contredire, leurs compositions, elles, sont très cohérentes.

L’album sept titres dure près de cinquante minutes avec deux pistes frisant les dix minutes, ‘Gloom Heart of the Coldest Land’ et ‘Winter Morning Tower’. Guitare mandoline, double pédale trépidante, accordéon et growl démoniaque, limite vomito, peuplent ce metal déchirant et mystique qui devrait effrayer plus d’une ménagère.

D’ailleurs, j’avoue que Grima ne fait pas l’unanimité à la maison. Le chat fuit du salon quand je l’écoute, ma femme me demande de couper cette horreur, mes enfants (oui ils sont encore à la maison) me regardent de façon étrange et les voisins me détestent, mais ça, ce n’est pas nouveau. Il faut dire que lorsque je l’ai écouté la première fois, je passais une semaine vraiment difficile et les seules musiques qui me faisaient du bien, étaient quelque peu extrêmes.

Frostbitten joue de grandiloquence, du mysticisme enfoui dans les tréfonds de notre âme, des terreurs anciennes tapies dans notre cortex reptilien, usant d’un folk démoniaque détourné avec des instruments metal. Si ‘Hunger God’ est un peu trop frontal, j’adore ‘Gloomy Heart of the Coldest Land’, ‘Winter Morning Tower’ qui débute à l’accordéon et le délicat instrumental ‘Mana’.

Je ne recommanderai Frostbitten qu’aux métalleux aguerris, majeurs et vaccinés prêts pour de nouvelles expériences. Grima n’en n’est pas à son premier essai puisqu’ils sévissent depuis 2014, alors si vous avez eu comme moi une semaine de merde, vous savez quoi écouter…

Almach – Realm

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Une femme voilée aux yeux de biche orne la pochette de l’album Realm du groupe Almach. Du black metal oriental cinématique venu de Kaboul, une ville qui a clairement connu des jours meilleurs.

Certaines mauvaises langues affirment que le groupe ne serait pas afghan. Étant donné qu’ils ne possèdent pas de site web, que l’on ne connaît pas ses membres, j’aurai du mal à vous éclairer sur le sujet. Toujours est-il que depuis 2020, ils ont sorti trois albums, un EP et un single sur Bandcamp.

Chanteuse à la voix délicieuse, growl de goret, inspirations orientales, atmosphériques, cinématiques, folks et médiévales sur une base de black metal, Realm s’écoute sans avoir besoin d’être un adepte de Sheitan. 

Les thèmes abordés par le groupe tournent autour de l’histoire de l’Afghanistan, un domaine dans lequel je suis passé maître au cours de mes études de math-physique, enfin… Voilà quoi.

L’album démarre avec ‘One chance’, un morceau furieusement accrocheur dominé par la voix de la chanteuse, des claviers à la Tim Burton, du growl démoniaque et des arrangements symphoniques.

Il ne faut cependant pas perdre de vue que le groupe serait afghan. Sa musique s’inspire fortement de la culture orientale comme dans ‘Hindukush’ qui mélange traditionnel et metal pour nous décrire la chaîne de montagnes qui culminent à près de huit mille mètres dans ce beau pays ravagé par la guerre ou bien dans ‘Flame Of The East’, un titre dans lequel viennent se greffer, sur la voix féminine, des chants traditionnels et de la double pédale bien lourde.

Le titre album, propose lui, un délicieux black metal aérien peuplé de voix afghanes, de growl et de musique médiévale. Puis après une ouverture world music, ‘Tears Of My Land’, le morceau le plus long de l’album, avec pas loin de neuf minutes, sacrifie un porc sur l’autel du black metal symphonique synthétique.

J’ai été moins emballé par ‘Shade of War’ qui mêle metal, growl, oriental, symphonique et folk de manière relativement chaotique, passant d’un instrument à l’autre sans vraiment prévenir avec un résultat assurément perfectible, un peu comme comme ‘Afghanistan’, un titre très world music expérimental.

L’album Realm propose un voyage sans risque sur Bandcamp pour un dépaysement garanti en restant confortablement assis dans son salon.

Teeshirt : Mehdi Alouane