Trois Lucioles

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Je vous avais parlé du premier tome de Capitale du Sud de Guillaume Chamanadjian il y a peu, un roman de fantasy français assez original. Dans la foulée, j’ai dévoré le second tome, Trois lucioles, la suite des aventures du coursier Nox.

Dévoré est le terme, car pour quelqu’un qui lit assez lentement, j’ai avalé les quatre cent pages du livre en neuf jours malgré un agenda assez chargé.

Le style de l’auteur s’est affiné et la lecture du roman est nettement plus fluide. L’univers est maintenant posé, la cité de Gemina décrite, les principaux protagonistes connus, l’intrigue peut se concentrer sur notre héros, son évolution et les choix qu’il va être amené à faire.

La ville réclame la tête du duc bâtisseur de canal, son duc, qu’il a quitté pour redevenir simple coursier.

La magie est toujours présente en filigrane dans ce livre. Elle se manifeste avec le talent des bâtisseurs de la Recluse et sous la forme du Nihilo, ce monde parallèle que Nox apprend de mieux en mieux à parcourir.

Au fil des pages le lecteur sortira de la cité pour découvrir l’entre deux murs situé entre les deux remparts de Gemina, il descendra dans les tréfonds de la cité et rencontrera une ancienne famille que l’on croyait disparue, comprendra enfin les schémas du livre de danse de Nox et assistera impuissant aux émeutes qui mettront à feu et à sang la cité.

Trois lucioles est un roman d’aventures plein de rebondissements, qui aborde des sujets plus matures que dans le premier tome, à l’image de notre héros qui gagne en sagesse. Difficile d’en dire plus sans dévoiler l’intrigue, mais si vous avez aimé le premier livre, n’hésitez pas, le second est encore meilleur.

Le Sang de la Cité

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N’ayant plus rien à lire, j’ai emprunté le roman de Guillaume Chamanadjian à mon épouse. Elle voulait lire Capitale du Nord et avait acheté Capitale du Sud.

Je l’ai surtout emprunté à la vue de tous les prix qu’avait reçu ce premier tome. Et puis sa couverture donnait envie d’ouvrir le livre pour découvrir la cité enfermé dans les pages.

Nous suivons les aventures de Nox, coursier de la ville qui parcourt inlassablement les rues pour livrer des vins et confiseries aux clients fortunés.

Une vaste cité fortifiée cernée par deux rangées de remparts, bâtie au bord de la mer, protégée par ses ducs et soldats, parsemées d’échoppes, d’auberges et ruelles où les intrigues politiques vont bon train.

J’hésite à désigner le héros de notre histoire. De qui s’agit-il ? De ce coursier au destin hors du commun ou de cette immense cité et ses habitants.

Le roman de fantasy de Guillaume Chamanadjian se teinte de fantastique à peu près au milieu de l’histoire, de subtils coups de pinceaux, très loin des grosses ficelles des sagas médiévales fantastiques dont on nous abreuve régulièrement. D’ailleurs le livre évite presque tous les clichés, le héros n’en est pas vraiment un, n’embrasse pas la princesse, se bat comme tout un chacun et a une épouvantable soeur.

Poésie, légendes, parfums de Provence, œnologie et architecture à la Violet Le Duc parfument les aventures de Nox, qui d’enfant trouvé dans les sous-sols de la ville va devenir coursier puis protéger du Duc et détenteur d’un grand secret.

J’ai à peine terminé ce premier tome que je me lance dans le suivant. Un roman plaisant, agréable à lire qui change de l’habituel fantasy anglo-saxonne qui remplit nos librairies.

Superluminal

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Il y avait bien longtemps que je n’avais lu un Vonda McIntyre. Cette réédition chez Mnémos m’a fait de l’œil chez le libraire et je ne regrette pas ce magnifique voyage à des vitesses supérieures à la lumière.

Superluminal parle principalement de trois personnages, Laena, une terrienne qui vient d’être opérée pour devenir pilote, Radu, un jeune homme venant d’une planète terraformée et Orka, une humaine transformée génétiquement en plongeuse. 

Le roman parle d’amour impossible, de voyage supraluminique, des dimensions de l’univers, de la frontière invisible entre les rampants et les pilotes, de l’exploration, d’un univers utopique à la Ursula le Guin, des sacrifices pour atteindre ses rêves.

Un livre profondément humain, beau, inquiétant parfois, qui esquisse une théorie du voyage spatial sans l’expliquer vraiment, qui décrit une société très différente de la notre ou l’homme a presque aboli les frontières des espèces, de l’espace et du temps. 

Un livre paru en 1983 et qui n’a pas pris une seul ride et qui propose en bonus une interview de l’auteure réalisée en 2019.

Lune Rouge

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Que ce soit pour le Yin et le Yang, le feng shui, la poésie, les idéogrammes, la révolution culturelle, Lao Tseu ou Mao Zedong, mon univers est très éloigné de la Chine. Le Problème à trois corps m’avait rebuté, l’album du groupe Ou déstabilisé et les secrets de la Cité Interdite ennuyé.

Sorti de la cuisine des empereurs de Chine revue à l’occidentale, cet immense pays de plus d’un milliard d’habitants reste pour moi une énigme.

C’est peut-être pour cela que le roman Lune Rouge du grand Kim Stanley Robinson m’a ennuyé. Il est pourtant l’auteur de la fabuleuse trilogie martienne rouge, verte et bleue. 

Nous suivons les aventures lunatiques d’un vieux poète chinois, d’un ingénieur américain un peu autiste et de la fille rebelle d’un grand dignitaire du parti qui voyagent de la Terre à la Lune comme s’il s’agissait de prendre un jet privé, qui s’extasient devant un lever de terre et marchent comme des clown sur la surface de notre satellite. 

Le roman nous plonge dans les coulisses du pouvoir du parti, dans les erreurs de la Révolution Culturelle, nous emmène sur une Lune colonisée et c’est dans les rue de Pekin qu’il est le plus crédible avec Ta Shu, le vieux poète fatigué.

L’intrigue ne m’a pas intéressée, pas plus que la Chine en pleine ébullition, l’accouchement sélénite ou que les bases lunaires. Kim Stanley Robinson ne renoue pas avec la puissance du cycle martien, espérons simplement qu’il n’en fera pas deux autres couleurs même si la fin du roman promet une continuation.

Lapinot chez les irréductibles gaulois

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C’est encore Alias qui avait parlé de cette BD. Non content de me vendre des disques, il fait craquer les rayonnages surchargés de la bibliothèque.

Par Toutatis ! est la nouvelle bande dessinée de Lewis Trondheim. Lapinot se réveille dans le corps d’Astérix, dans le village des irréductibles gaulois inventé par Uderzo et Goscinny. 

Vous savez peut-être que j’ai la collection complète des aventures d’Astérix le Gaulois, ce furent mes premières lectures et une tradition familiale. Même si les BD battent de l’aile depuis le décès de sont fabuleux scénariste, j’ai continué la collection rien que pour perpétuer la tradition.

Je connais beaucoup moins l’œuvre de Trondheim sorti Donjon et quelques BDs. Mais l’idée de revisiter l’univers d’Astérix avec Lapinot me semblait excellente.

Nous sommes en Armorique occupée par les romains mais un village d’irréductibles gaulois résiste toujours à l’envahisseur, enfin vous connaissez l’histoire… Lapinot se réveille dans la peau d’Astérix, découvre la potion magique et ses effets trash sur les pauvres romains. C’est à ce moment que surgit le dieux Toutatis venu dire bonjour aux villageois et goûter à la recette de la potion magique.

Lewis Trondheim pastiche à la perfection Astérix le Gaulois, sur le fond comme sur la forme mais avec son graphisme bien à lui et j’avoue que j’ai eu un immense plaisir à lire cette BD, bien plus que les derniers Astérix en fait.

Chien 51

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La Grèce s’est effondrée. Elle a été rachetée par une multinationale. Les habitants d’Athènes comme Sparak sont devenus des employés citadins. 

Après la Grèce, les autres nations de la planète ont peu à peu été rachetées.

Les élections battent leur plein sous le dôme climatique de Magnapole. Qui sera le nouveau conseiller ? Kanaka ou bien Barsok ? L’homme de la zone 1 ou le populiste qui veut abolir les frontières entre les zones.

Sparak, le policier de la zone 3, celle des parias, mène une enquête pour meurtre avec Salia une enquêtrice de la zone 2, celle des privilégiés. Une enquête qui les conduira au paradis des élites, la zone 1, celle de tous les privilèges.

Laurent Gaudé nous plonge avec Chien 51 dans un roman policier futuriste désespéré. Le climat a fini par devenir fou. La société est revenue au système des castes. Les nations n’existent plus et les hommes, inféodés, trahis, vendus, n’ont plus d’espoir. 

Avec cette enquête Sparak va replonger dans ses souvenirs, la femme qu’il a aimé, la chute de la Grèce, sa trahison, l’exode. Il va découvrir ceux qui ont contribué comme lui à l’effondrement de son pays. Un roman sombre, désespéré, qui donne un éclairage terrible sur un futur possible de notre monde.

Ce n’est pourtant le roman de Laurent Gaudé que je vous recommanderai. Je ne suis pas vraiment rentré dans son monde pas plus que je n’ai cru à ses personnages. Lisez plutôt Le Soleil des Scorta, La Mort du Roi Tsongor ou le magnifique Eldorado.

Une Route

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Chez mon libraire il y a un étal où s’alignent des romans ne partageant rien en commun : un polar, un essai, un voyage, une histoire, des nouvelles. C’est là que j’ai pioché au hasard le très beau livre Les nuits de la peste et comme je suis un peu superstitieux, je suis retourné y chercher un nouveau roman.

J’y ai trouvé Une route de Richard Paul Evans qui, l’histoire de la rédemption d’un homme, Charles James né Gonzalez, auteur et conférencier à succès, qui après l’annonce de sa mort, décide de traverser les États-Unis d’Est en Ouest sur la Route 66.

Enfant pauvre et battu, Charles s’enfuit de la maison avec pour simple bagage quelques dollars en poche et ses vêtements. Il rencontre l’amour de sa vie dans le bus qui le conduit en Californie et après quelques mois employé comme jardinier pour les riches, il devient un marchand de  rêve. Un business juteux et immoral qui ne tarde pas à faire de lui un homme riche et célèbre.

La première partie du roman est parfaitement maîtrisée et addictive, l’ascension fulgurante d’un homme, de son enfance misérable jusque les sommets de la gloire. Je l’ai dévorée. La transformation de cet enfant pauvre et battu en requin des conférences est stupéfiante et palpitante.

La seconde partie, le road movie à pied, sur la Route 66, est le ventre mou du roman, un guide touristique assez creux sur près de deux-mille kilomètres, de motels en dinners, avant le début de la rédemption de l’homme brisé.

La troisième partie et la fin de la traversée des États-Unis, ponctuée de rencontres parfois artificielles, amorcent la renaissance de Charles James qui finit par devenir un bon samaritain.

Si j’étais méchant, je dirais que Richard Paul Evans ne maîtrise pas l’art du road movie pas plus que celui du roman initiatique. J’ai pourtant été jusqu’au bout de ces 584 pages et j’ai aimé la chute, même si elle était prévisible.

Alors, à vous de voir si vous voulez lire ce livre. 

Pour ma part, je crois que je vais quand même continuer à fouiller dans cet étal, la prochaine fois que j’irai chez mon libraire, on y fait des rencontres improbables et intéressantes.

2040 : Tous dans l’Espace

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Depuis 2027, Hugo et Maxime Lisoir animent une chaîne YouTube sur l’astronomie et l’astronautique. Trois vidéos d’une quinzaine de minutes par semaine que je ne manque pour rien au monde.

En 2020 ils ont publié un petit ouvrage de vulgarisation sur l’avenir de l’espace dans vingt ans. Une projection sur le new space, les projets des grandes agences spatiales et sur la recherche en astrophysique et astronomie.

Pas besoin d’être un chercheur pour comprendre les thèmes abordés dans les chapitres, le vocabulaire est simple et les explications limpides. Parfois trop d’ailleurs, ici ce n’est pas du Huber Reeves, du Carl Sagan ou du Stephen Awking. Il s’agit d’un ouvrage qui permettrait à un décideur non scientifique de se faire un avis sur l’avenir du spatial.

Son défaut est d’avoir été écrit en 2020 et que depuis, la COVID-19 et la guerre en Ukraine ont rebattu les cartes. Par exemple les collaborations spatiales entre les russes et le reste du monde sont au point mort et James Web est arrivé au point de Lagrange 2. Une petite mise à jour de certains chapitres serait la bienvenue, peut-être dans une prochaine édition qui sait.

Le livre est un bon point de départ pour aborder leurs vidéos YouTube et une initiation facile à l’espace. J’aurais bien aimé qu’elle soit un peu plus approfondie cependant. Mais acheter leur livre était surtout pour moi un moyen agréable de soutenir leur travail. Et je l’ai dévoré en deux jours.

L’Affaire Alaska Sanders

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Après L’Enigme de la Chambre 622, j’ai hésité à rouvrir un livre écrit par Joël Dicker. J’ai fini toutefois par céder à la tentation, principalement parce que L’Affaire Alaska Sanders marchait sur les traces de son meilleur roman, La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert.

J’ai retrouvé avec bonheur l’écrivain Marcus Goldman et ses démons comme son ami Perry Gahalowood. Des retrouvailles de 210 pages jusqu’au Début d’Enquête, le chapitre 10.

Alaska Sanders, une jeune mannequin destinée à une carrière d’actrice, meurt assassinée au bord d’un lac, dans la petite ville de Mount Pleasant. Tout accuse Walter et Eric, deux jeunes proches d’Alaska.

Onze ans plus tard, Perry et Marcus rouvrent l’enquête suite au témoignage d’un des policiers de l’époque qui travaillait alors avec Gahalowood. 

L’Affaire Alaska Sanders, de la page 211 à la dernière page, la 574, est un polar touffu, complexe, parsemé de fausses pistes semées par le tueur. Un crime parfait, jusqu’à ce que l’écrivain et le sergent ne s’en mêlent.

J’ai vraiment adoré la première partie, jusqu’à l’enquête, retrouvant l’esprit de La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert.

La seconde partie, faite de flash-backs, de témoignages et de l’enquête elle-même, est plus difficile à aborder et laisse moins de place aux personnages pour se concentrer sur l’affaire. Elle n’en reste pas moins passionnante avec ses révélations, ses impasses, ses mensonges et ses rebondissements. Quelques passages reviennent à l’écrivain, son passé, son ami et mentor Harry, ses amours ainsi qu’à Perry, le ‘Sergent’ qui vient de vivre un drame familial. 

Je me suis attaché rapidement aux habitants de cette bourgade paisible des États-Unis, à tel point de vouloir m’y installer maintenant que je connaissais le pompiste, l’alimentation générale, le garagiste, le bar, la boutique d’électronique, le lac, son coin à truites et le bureau du shérif.

Un bon roman qui renoue avec le grand Joël Dicker que j’aime.

Mingher

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J’aurais bien visité l’île de Mingher mais je ne l’ai pas trouvé sur la carte de la Méditerranée. Pourtant l’écrivain turc Orhan Pamuk lui consacre 682 pages dans Les Nuits de la Peste.

Située au sud de Rhodes, cet ancien territoire Ottoman était un paradis avant 1901. Un paradis de roses, de marbre, un  paradis pour les grecs, les turcs, les chypriotes. Mais au mois d’avril de cette année fatidique, la peste a tout changé.

Les Nuits de la Peste, écrit par une amie imaginaire de l’auteur turc Orhan Pamuk, l’arrière petite fille du docteur Nuri et la Reine Pakizê, raconte la chute de l’empire ottoman vu sous l’angle historique imaginaire d’une île tout aussi imaginaire.

J’avoue, je n’avais jamais lu un livre si lentement. Non pas qu’il ne m’ait pas plu, bien au contraire, mais j’ai dégusté quelques pages chaque jour, enivré par les parfums des rues d’Arkaz, par les personnages hauts en couleurs, effrayé par l’épidémie grandissante, les coups d’états passionné par la révolution minghérienne.

A la fois roman policier et récit historique, l’auteur réussit le tour de force qui consiste à faire vivre une île imaginaire, à lui donner une identité, une histoire et à la raccrocher à notre réalité à la fin.

Outre la chute de l’empire ottoman, l’enquête sur le meurtre d’un grand épidémiologiste, Pamuk y raconte les conflits entre communautés de confessions différentes, la place de la femme dans la société turque et une île ravagée par une épidémie de peste.

Le roman, dans lequel il se passe peu de choses au final, est magnifiquement écrit et traduit. Il me fait un peu penser à Cent Ans de Solitude de Gabriel Marques, un autre livre que j’ai dégusté lentement.