Miroir de nos peines

Pierre Lemaitre termine sa trilogie d’entre deux guerres par un roman sur le début de la seconde guerre mondiale et l’exode qui s’en suivi. A l’aide de quelques personnages, Désiré, Louise, Jules, Raoul et Gabriel, il nous raconte des destins croisés sur fond d’invasion allemande. Désiré, le personnage caméléon, permet à l’auteur de raconter plusieurs facettes de l’Histoire comme le ministère de la propagande ou la gestion des réfugiés.

Pour une fois Pierre Lemaitre ne joue pas la carte des rebondissements et le Miroir de nos peine se lit comme un long fleuve tranquille, dont tous les affluents convergent à la fin vers une église ruinée où se retrouvent les principaux protagonistes du roman.

L’histoire qui débute sur la ligne Maginot, nous conduit à Paris puis sur les bords de la Loire, racontant les débuts de la guerre puis l’exode sur fond de drame familial et secrets longtemps cachés.

Au revoir là-haut reste le meilleur de la trilogie. Couleurs de l’incendie m’avait quelque peu déçu mais Miroir de nos peines, sans être un chef d’œuvre, se lit plaisamment en plus de donner quelques leçons d’histoires aux profanes de mon genre. Un roman parfait pour l’été.

MotherCloud

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Jusqu’où peut-on aller pour apporter le bonheur ? MotherCloud est un récit à trois voix dans la veine de 1984 et du Meilleur des Mondes. Trois personnages qui nous racontent ce qu’il s’est passé dans le MotherCloud. Il y a Gibson, le patron de l’empire du Cloud à qui il ne reste que quelques jours à vivre, Zianna, l’espionne industrielle qui s’est infiltrée dans le complexe et Praxton, l’ex patron d’une entreprise phagocytée par le Cloud comme temps d’autres et contraint pour manger de devenir un des employés de la multinationale.

MotherCloud propose une vision peu reluisante de nos gafas Amazon, Google, Apple et j’en passe. Une entreprise tentaculaire qui détient le monopole de presque toute la distribution. 

Dans le roman on retrouve les thèmes du mythe de l’entreprise providence, du modèle Amazon, de la surveillance via les objets connectés dans un monde qui s’est effondré, en proie aux conséquences du réchauffement climatique.

L’histoire est menée de main de maître par Rob Hart a tel point qu’il est difficile de s’extraire du récit. Si vous commandiez encore vos objets sur Amazon ou Alibaba, peut-être qu’après avoir lu ce roman vous y réfléchirez à deux fois ensuite. Surtout après avoir lu les remerciements de l’auteur à une certaine Maria Fernandes morte pendant le trajet entre trois Dunkin’ Donuts où elle travaillait à temps partiel pour 550 dollars mensuels.

N’oublier jamais

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De mars à mai, les librairies étant fermées et refusant de céder à la tyrannie des amazones, je dû piocher au hasard dans la bibliothèque familiale. Il y eu des lectures heureuses comme le Liseur et d’autres moins heureuses. 

Pourquoi pas lire un polar de Michel Bussi, un auteur semble-t-il à succès.

Nuages, mouettes et écharpe rouge stylisés, je débutais N’oublier jamais. 

Dès les premières pages, un sentiment de déjà lu me titilla. J’avais lu ces pages, mais impossible de me souvenir de l’histoire, un paradoxe si l’on considérait le titre. 

Le sentiment se confirma au fil des pages jusqu’au moment où je rentrais dans un monde inconnu. 

J’avais commencé le livre sans jamais le finir, et pour cause: le personnage principal Jamal, un enfant de la Courneuve handicapé physique, n’inspire guère de sympathie, pas plus que d’intérêt. D’ailleurs pourquoi le choix d’un tel protagoniste, puisqu’il n’apporte pas grand chose à l’histoire ? 

Une histoire de meurtres en séries de jeunes filles sur la côte normande, trois viols à dix années d’interval et Jamal, venu se préparer à une course sur le Mont Blanc et qui se retrouve mêlé au drame. 

L’intrigue tient la route pendant quatre cent pages avant que Michel Bussi ne bâcle son récit, le faisant trainer encore sur cent-trente pages, là où j’avais décroché un jour pour aller lire un autre roman. 

Cette fois j’ai tenu bon, attendant la réouverture de ma librairie et je suis arrivé à la fin. Les quatre dernières pages rattrapent un peu le gâchis des cent-trente précédentes, c’est déjà ça.

Il est probable, que dans quelques années, je retombe sur ce livre et que je recommence à le lire, par erreur. Il est probable que je me rende compte de l’avoir déjà parcouru, sans me souvenir de l’intrigue, car au final, N’oublier jamais porte bien mal son nom.

Bibliophile

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Hier, après une journée éprouvante au travail et malgré la fatigue accumulée, j’ai décidé de pousser à vélo jusque l’unique libraire de ma ville.

Avez-vous remarqué que les automobilistes avaient oubliés que les cyclistes existent encore ? Avez-vous remarqué que les masques rendent les piétons sourds ? Arriver en un seul morceau chez Pedro (c’est ainsi que s’appelle mon) marchand de rêve, ne fut pas une mince affaire. Mais j’ai survécu.

Un seul libraire pour vingt-sept-mille habitants et par chance un vrai libraire passionné.

Alors plutôt que de commander à la Fnac, acheter des livres sous cellophane au supermarché ou pire encore, aller sur Amazon, je suis allé dans sa petite libraire.

Mon libraire, lorsqu’il a dû fermer, s’est mis à raconter sur Facebook, avec la passion qui le caractérise, les livres qu’il avait aimé depuis son enfance, des premiers Astérix Le Gaulois jusque que les romans de la Table Ronde

Un masque sur le visage, j’ai pris bien soin de lire les consignes embuées et de laver mes mains au gel avant de rentrer dans le Saint Des Saints, la librairie. Partout des bouquins, la bonne odeur du papier, les jaquettes tentatrices et quelques lecteurs farfouillant au rayon des nouveautés.

Car croyez moi, deux mois à fonctionner en autarcie sur sa bibliothèque personnelle sans approvisionnement externe, sans médiathèque ouverte, sans libraire, c’est l’enfer pour un lecteur.

Je suis allé immédiatement au rayon science-fiction, ma lecture de prédilection, avant de farfouiller ensuite du côté des polars, mon second vice. Côté SF rien de connu au premier abord sauf le troisième tome de Grand Siècle, une uchronie dont je n’avais pas commencé le cycle. Côté polars je suis tombé sur un bouquin dont j’avais entendu du bien sur le blog littéraire de Emotions, MotherCloud de Rob Hart Côté BD, le tome deux de Hope n’étant pas encore sorti (peut-être en juillet), je suis resté bredouille.

Pas facile de choisir un livre sans l’ouvrir pour en lire quelques pages, mais c’est toujours mieux que rien. Au final je suis reparti avec trois livres, les tomes deux et trois de Grand Siècle, (personne n’aurait le tome un par hasard car il est épuisé ?) et MotherCloud. J’ai oublié de regarder du côté du Joël Dicker, l’Enigme de la Chambre 622, recommandé à deux reprises. De toute façon j’adore Joël Dicker. Il va donc falloir que je repasse chez mon libraire.

Furtivité

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Décidément Damasio n’est pas un auteur aisé à lire. La Horde du Contrevent m’avait demandé beaucoup d’efforts malgré l’évidente fascination qu’avait exercé sur moi son univers. Il en a été de même avec son dernier roman Les Furtifs.

Une fois encore l’idée est absolument géniale, où a-t-il pu imaginer cela ? La société futuriste qui sert de décor au récit est oppressante comme un roman de Huxley, les personnages touchent notre âme, mais hélas le roman oscille entre coups d’éclats et enlisement.

Par moment vous dévorez les pages, par moment vous vous endormez sur un paragraphe. Ce qui plombe le récit, c’est son côté commando, son aspect militant bobo, ces pages d’action et de combat. Ce qui pétille entre les lignes, c’est l’amour, la tendresse, l’humanité.

Le récit m’a ému et ennuyé à la fois. Un chapitre au bord des larmes, un autre à sauter une ligne sur deux.

La première rencontre entre Lorca et sa proie, m’a tenu en haleine du premier mot jusque au point final. Sa description de notre futur proche m’a terrifié tellement elle est crédible et sombre.

Chez Damasio, il y a toujours ces petits signes dans le récit, censés préciser qui raconte quoi et qui me perturbent à chaque fois. Cette fois il a rajouté l’emploi d’une conjugaison furtive qui sème encore plus le trouble. Il me faut toujours plusieurs lignes pur comprendre qui est le conteur, chez moi les accents, points et zigouigouis m’égarent plus qu’autre chose.

Mais depuis que j’ai terminé Les Furtifs, lorsque je regarde un moineau sur un branche et mon chat bondir dans le jardin, je ne peux m’empêcher de penser aux fifs, ces créatures fascinantes nées dans l’esprit de l’auteur. Et lorsque je déambule dans les rues de ma ville, entouré de personnes connectées à leurs smartphones, agressé par les enseignes commerciales, les publicités, je perçois dans le livre Les Furtifs un récit d’anticipation très proche de notre réalité.

Alors, même si ce fut une lecture parfois dans la souffrance, je ne peux que vous recommander ce nouveau livre de Damasio.

Les Furtifs est l’histoire d’amour d’une révolution de l’humanité.

Ys

Connaissez-vous la légende de la cité d’Ys, cette ville qui aurait été engloutie à l’époque où la Bretagne fut christianisée ? Certains rapprochent cette légende d’un autre mythe, celui de l’Atlantide. 

Mais mon propos n’est pas là. Il y a peu je suis tombé sur cette bande dessinée de Annaïg et Loïc Sécheresse, bretons de leur état, qui revisitaient un conte dont j’ai lu moultes versions. Le roi Gradlon converti au christianisme après la perte de sa femme, bâtit pour sa fille payenne une cité au bord de l’océan, protégée des assauts de la mer par d’immenses digues. Une ville dans laquelle sa fille rebelle pourrait être libre, s’exprimer, vivre, sans scandaliser le clergé de plus en plus puissant dans le royaume. Mais un homme (un prêtre, le diable selon les versions du conte) séduisit la jeune femme et une nuit lui déroba la clef des portes qui s’ouvrent sur l’océan, noyant la cité sous l’eau, un soir de tempête. 

Dans le récit se mêlent les légendes des villes englouties et le passage de la religion celtique au christianisme vers le cinquième siècle après notre ère. La BD, avec son graphisme presque enfantin raconte cette ancienne légende, sans coller à la tradition, modernisant le propos. Il est question de fanatisme religieux, de liberté de la femme, de démocratie participative ainsi que d’amour libre et de pouvoir.

Les dessins et couleurs esquissent à peine les personnages, traits noirs et couleurs délavées qui donnent un style très particulier à la BD. On aime ou pas, mais au moins, c’est original.

Une des choses qui m’a fait plaisir dans cette BD, outre ce mythe revisité, c’est d’y découvrir la préface signée Gilles Servat, un chanteur écrivain breton que j’apprécie tout particulièrement.

Si vous ne connaissez pas la légende de la ville d’Ys essayez cette BD ou sinon vous pouvez revisiter ce récit fantastique avec le regard plus moderne des deux artistes.

The Expanse

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Alias avait écrit un billet il y a bien longtemps sur The Expanse, cette série de science-fiction. Une série également basée des romans de James S.A. Corey.

Une histoire complexe qui raconte la rencontre de l’humanité avec une protomolécule agressive alors que les tensions sont très vives entre Mars et laTerre et que les habitants de la ceinture d’astéroïdes vivent dans d’épouvantables conditions, à la limite de l’esclavagisme.

Entre space opéra, politique, terrorisme et science-fiction, The Expanse nous plonge dans un univers complexe avec de nombreux récits parallèles, beaucoup de personnages dont James Holden, le capitaine du Rocinante, un vaisseau « emprunté » aux martiens.

J’avais adoré le roman et lorsque j’ai plongé dans sa mise en images, j’ai retrouvé avec bonheur cet univers fouillé et pas forcément aisé à rendre visuellement. Bien entendu, certains personnages n’ont pas forcément collé à l’image que je m’étais faite d’eux, mais dans l’ensemble, à part justement un Holden un peu pâlichon, j’ai trouvé que la série tenait la route.

Je n’ai toujours pas lu le tome 3, et ça tombe bien puisqu’à la médiathèque ils ne disposaient que des deux premières saisons. Je vais donc attaquer le prochain livre pendant les vacances de Noël, peut-être pendant la nuit du réveillon comme le veut une tradition Islandaise, en attendant que ma médiathèque n’achète la saison trois en DVD.

The Game

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Je fais partie des pionniers du numérique français : la première machine sur laquelle j’ai programmé était un TRS 80 de Tandy et j’ai commencé à surfer sur le net aux débuts du web avec Compuserve. Bref je suis un vieux con.

Alors lorsque Alessandro Baricco a publié son essai sur le monde numérique, je me suis précipité chez mon libraire. Car si je suis Mac, iPhone, blogueur, surfeur, je lis encore des livres papiers et écoute des vinyles. 

Alessandro nous raconte l’avènement du numérique, cette révolution technologique et sociale, partant du postulat que les souffrances du XXème siècle ont engendré ce deuxième monde immatériel. J’avoue qu’au début sa thèse m’a laissé quelque peu sceptique lorsque je l’ai écouté présenter son livre sur ARTE dans le 28 Minutes. Il a cependant fini par me convaincre avec ses mots, mais je suis un garçon influençable.

A l’aide de plusieurs moments forts de cette épopée née dans la Silicon Valley (le Web, le moteur de recherche Google, Amazon, l’iPhone, Facebook), présentant quelques piliers de cette construction et traçant pour nous une carte du monde numérique, il raconte l’évolution de notre société, ses résistances, ses paradoxes avec une certaine distance cependant.

Moi qui baigne dans ce monde numérique, j’ai pris conscience de bien des postures, des paradoxes de ce miroir de notre quotidien dans lequel nous passons de plus en plus de temps. Sans être d’accord avec toutes ses assertions (il est artiste, je suis rationnel), il m’a ouvert les yeux sur la révolution culturelle que représente Internet et m’a fait réfléchir à bien des sujets comme ce qu’est aujourd’hui La Vérité dans ce monde deux point zéro.

J’ai pris conscience du Tout en lisant ce livre alors que j’en use chaque jour, l’accès à tous les contenus moyennant pas grand chose. J’ai également découvert que le Mouvement Cinq Etoiles était né sur la toile.

Le livre possède quelques lacunes (je regrette qu’il ait passé sous silence une des grandes révolutions de cette époque, à savoir l’avènement du libre, que ce soit celui de la création artistique ou celui du logiciel), mais il fera réfléchir ceux qui ne le font pas souvent (moi le premier) sur ce nouveau monde fait de réseaux sociaux, d’applications connectées, de jeux, ce monde qu’Alessandro appelle The Game.

L’Escadre Frêle

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C’est avec le premier tome de la bande dessinée La Horde du Contrevent que je suis rentré dans l’univers de Alain Damasio. Une magnifique BD qui m’a donné envie de lire le pavé de l’auteur corse. 

Une lecture assurément difficile mais envoûtante. Alors quand le tome deux de Eric Henninot est paru, j’ai voulu vérifier si les bulles et les images auraient toujours le même pouvoir évocateur que les mots.

L’Escadre Frêle débute après la mort de Pietro et peu avant la rencontre avec les Fréoles. Un récit qui nous conduit jusque la Flaque de Lapsane, cette une immense étendue d’eau et marais, que la horde s’apprête à traverser malgré l’échec des toutes les précédentes.

L’heure est aux doutes pour la horde : trahison, épuisement, choix de route, ce tome est moins dans l’action et le vent que le premier ce qui nous laisse le temps pour apprendre à mieux connaître le monde, le passé trouble de Golgoth et des membres de la horde.

Si le récit en cases prend quelques raccourcis avec les phrases d’Alain Damasio, c’est pour mieux mettre en images ce chapitre plus lent du roman. Je n’aurais pas mieux imaginé le vaisseau fréole, à la fois fleur et machine et la double page représentant le centre de la Flaque Lapsane est tout simplement sublime. Parfois cependant, certains visages trop vites esquissés auraient pu être plus soignés, comme dans le premier tome.

Ce tome est riche en dialogues et voyage peu, l’opposé du premier et j’avoue avoir hâte de retrouver Golgoth, Erg et les autres pataugeant dans l’eau face au vent en train d’affronter les chrones. Une très belle bande dessinée qui rend accessible un roman qui pourrait rebuter les personnes qui lisent peu.

Bon à rien

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Dilettante, je m’intéresse à tout et je ne vais au bout de rien. Chroniqueur de rock progressif, je suis un non spécialiste du genre faisant l’impasse sur les discographies de nombreux groupes phares du genre. Photographe amateur, je possède un très bon matériel et pourtant mes clichés restent passe-partout dans le meilleur des cas. Blogueur, j’inonde la toile de ma prose auto-satisfaite remplie de fautes d’orthographe et lue par dix personnes au monde. 

Je suis un touriste, un rigolo même pas drôle qui survole sans jamais approfondir. Astronomie, informatique, musique, photographie, bricolage, littérature, jardinage, science-fiction, je dilapide mon temps et mon argent sans jamais aller au bout du sujet. Lorsque les difficultés surviennent, je passe à autre chose ou je trouve un raccourci pour ne pas m’infliger la honte d’un échec.

Ne serait-il pas plus intelligent de consacrer toute cette énergie débordante à une seule passion, d’aller au fond du sujet, de tenter d’être vraiment pointu dans un domaine ? 

Le problème c’est que des tas de domaines attirent mon attention, j’aimerais tout faire, tout essayer, tout connaître, enfin, presque tout. Au lieu de cela je possède un vernis Reader Digest, des résumés sur tout et surtout sur rien, un vernis facile à gratter sous lequel il n’y à rien. 

Vous me direz, de nombreuses personnes ne s’intéressent à rien, une vie sans passion, juste le foot, les gosses et le boulot. Mais sont-ils moins heureux pour autant ? Recherchent-ils cette reconnaissance futile de ceux qui en savent encore moins et qui sont éblouis par pas grand chose ?

Des fois je me demande à quoi peut bien servir cette fuite en avant dénuée de sens. Échapper au monde réel, au sordide quotidien ? 

Je pense qu’il est temps que je me remette sérieusement en question, que je laisse tomber la photo, le rock, le bricolage, les livres, les séries TV, le jardin, les jeux vidéos, le travail, la musique, les filles et que je me concentre sur une seule activité, l’unique l’ultime, la psychologie, pour aller au fond du sujet une fois pour toute, c’est à dire au fond de moi.