Lady Astronaute

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Chaque livre a une histoire. Celui-ci n’échappe pas à la règle. Mon épouse a emprunté Vers Les Étoiles de Mary Robinette Kowal à la médiathèque mais ne l’a pas lu (elle fait ça souvent). 

Je venais de commencer le dernier Ken Follet sans conviction (j’ai calé à la page cinquante) lorsque je suis tombé sur le bouquin de Mary Robinette Kowal, et que je me suis décidé à y jeter un œil. Il faut avouer qu’un ouvrage salué par quatre prix littéraires prestigieux de SF, cela mérite bien un coup d’œil. 

Mais pas de chance, mon épouse devait le rendre à la médiathèque d’urgence. Elle aurait pu le prolonger d’un mois mais je lis parfois lentement. Alors je l’ai acheté chez mon libraire. Et je crois que j’ai bien fait. Non pas parce que j’ai mis longtemps à le lire (je l’ai dévoré en cinq jours) mais parce que c’est le genre de livre à garder ensuite à vie dans sa bibliothèque. Vers Les Étoiles est un roman exceptionnel.

Il s’agit d’une uchronie revisitant la course aux étoiles façon L’Etoffe des Héros mais racontée à la première personne par une femme qui rêve de devenir astronaute en 1952.

Cette année là, la terre est percutée de plein fouet par une météorite et cette catastrophe met en péril la survie de l’espèce humaine sur sa planète. Le programme spatial balbutiant semble être l’unique ticket de sortie pour l’humanité. 

Elma, l’éroine juive de notre roman, ancienne pilote WASP pendant la seconde guerre mondiale et brillante physicienne travaillant comme calculatrice au programme spatial, rêve de partir dans l’espace aux commandes d’un vaisseau, mais bien entendu, de nombreux obstacles barrent son chemin.

Vers Les Étoiles, raconte cette course désespérée à l’espace et le combat de cette femme brillante pour faire évoluer les préjugés et les mentalités dans une société où l’homme travaille quand l’épouse fait la cuisine et s’occupe des enfants, où les gens de couleurs subissent encore la ségrégation, et où, face à la réalité d’une catastrophe à venir, les politiciens vivent dans le déni.

Le roman ne se contente pas d’une bonne histoire d’uchronie, c’est la vie d’une femme qui y est racontée, c’est également un message fort envoyé à ceux qui refusent la réalité du réchauffement climatique, c’est une passionnante épopée scientifique, une magnifique histoire d’amour et d’amitiés, un roman qui m’a ému et passionné du début jusqu’à la fin. 

Une colonie

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Les romans de Hugh Howey débutent souvent par une idée absolument géniale comme dans son premier livre Silo. Une idée qui pourrait constituer une nouvelle époustouflante mais que l’auteur essaye de transformer en roman.

Une Colonie n’échappe pas à cette règle et le premier chapitre se révèle un tour de maître. C’est le moment critique où Howey peine parfois à transformer l’essai comme dans Outresable. Mais cette fois avec Une Colonie, ce sont plusieurs idées que l’auteur développe dans son roman. 

Il y a tout d’abord ce concept de colonisation pour le moins original qui soutiendra tout le récit, une idée que je n’ai jamais trouvé ailleurs à ce jour malgré toute la science-fiction que j’ai pu lire et regarder. Ensuite il y a cette planète et son écosystème étonnant que l’auteur nous dévoile dans le seconde partie du livre. Il y a également ces liens forts qui se tissent entre les quelques jeunes colons rescapés, ces liens d’amour, de haine, ces jeux de pouvoir dans une population initialement sélectionnée pour bâtir une colonie. Il y a enfin cette intelligence artificielle machiavélique, censée gérer la colonie pour assurer la sécurité et le bien être des colons.

Des colons adolescents s’éveillent à la vie en catastrophe sur un monde totalement inconnu. Les quelques rescapés vont devoir apprendre à survivre dans cet écosystème étranger et lutter contre des dessins obscurs d’une IA qui n’oeuvre pas forcément pour leur bien.

Le roman possède juste le bon nombre de pages pour raconter l’essentiel et ne pas s’égarer en chemin. Il se dévore en quelques heures. 

Tupinilandia

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Si vous aimez Gabriel Garcia Marquez, George Orwell, Michael Crichton, Disney Land et l’Amérique du Sud, Tupinilandia est peut-être pour vous. Cependant une solide connaissance de l’histoire politique brésilienne est vivement recommandée comme un appétit immodéré pour les scènes d’action. 

Le roman pourrait se décomposer en trois livres inégaux : l’Automne du Patriache, Jurassic Parc et 1984.

Pour le premier vous découvrez un Brésil du passé avec son histoire et un entrepreneur rêvant de Walt Disney. Dans le second vous visitez un parc d’attraction à la pointe de la technologie du début de l’aire du silicium. Dans le dernier, de nos jours, c’est une micro société fasciste qui s’offre à votre regard. Et dans ces trois parties, vous assistez à chaque fois à l’effondrement d’un monde. Un roman sur la fin d’une époque et la nostalgie qui en résulte.

Le roman mal équilibré passe de la réflexion sur la politique et l’homme à l’abus d’action digne d’un blockbuster américain sans vraiment prévenir. Si l’idée que propose Tupinilandia est séduisante, son auteur n’a pas réussi à mon convaincre, j’ai à plusieurs reprises failli abandonner et sur les dernières pages j’ai sauté bien des lignes. Est-ce que je vous le conseille ? Non.

Salina

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Se plonger dans les mots de Laurent Gaudé relève à chaque fois de la magie.  

Avec Salina, l’auteur nous entraine, comme dans La mort du roi Tsongor, dans l’histoire d’une vengeance, celle d’une femme chassée de son village parce qu’elle n’aime pas le bon frère. 

Salina est également un roman initiatique où le fils conduit la mère vers sa dernière demeure, retraçant pour les vivants l’histoire de cette femme pleine de colère et d’amour. 

Le roman prend place dans les somptueux paysages désertiques d’Afrique, au milieu de tribus qui se livrent une guerre éternelle, où les hyènes et les vautours se disputent les corps des vaincus.

La magie règne sur ces terres arides avec l’évocation du second fils de Salina qui se battra contre Saro et les vertèbres du roi éparpillées aux quatre coins du désert, sans lesquelles la dépouille ne trouvera jamais le repos.

J’aurais bien passé quelques pages de plus avec Salina et son histoire car le roman de Laurent Gaudé possède presque le format d’une nouvelle et se retrouve trop vite terminé.

Miroir de nos peines

Pierre Lemaitre termine sa trilogie d’entre deux guerres par un roman sur le début de la seconde guerre mondiale et l’exode qui s’en suivi. A l’aide de quelques personnages, Désiré, Louise, Jules, Raoul et Gabriel, il nous raconte des destins croisés sur fond d’invasion allemande. Désiré, le personnage caméléon, permet à l’auteur de raconter plusieurs facettes de l’Histoire comme le ministère de la propagande ou la gestion des réfugiés.

Pour une fois Pierre Lemaitre ne joue pas la carte des rebondissements et le Miroir de nos peine se lit comme un long fleuve tranquille, dont tous les affluents convergent à la fin vers une église ruinée où se retrouvent les principaux protagonistes du roman.

L’histoire qui débute sur la ligne Maginot, nous conduit à Paris puis sur les bords de la Loire, racontant les débuts de la guerre puis l’exode sur fond de drame familial et secrets longtemps cachés.

Au revoir là-haut reste le meilleur de la trilogie. Couleurs de l’incendie m’avait quelque peu déçu mais Miroir de nos peines, sans être un chef d’œuvre, se lit plaisamment en plus de donner quelques leçons d’histoires aux profanes de mon genre. Un roman parfait pour l’été.

MotherCloud

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Jusqu’où peut-on aller pour apporter le bonheur ? MotherCloud est un récit à trois voix dans la veine de 1984 et du Meilleur des Mondes. Trois personnages qui nous racontent ce qu’il s’est passé dans le MotherCloud. Il y a Gibson, le patron de l’empire du Cloud à qui il ne reste que quelques jours à vivre, Zianna, l’espionne industrielle qui s’est infiltrée dans le complexe et Praxton, l’ex patron d’une entreprise phagocytée par le Cloud comme temps d’autres et contraint pour manger de devenir un des employés de la multinationale.

MotherCloud propose une vision peu reluisante de nos gafas Amazon, Google, Apple et j’en passe. Une entreprise tentaculaire qui détient le monopole de presque toute la distribution. 

Dans le roman on retrouve les thèmes du mythe de l’entreprise providence, du modèle Amazon, de la surveillance via les objets connectés dans un monde qui s’est effondré, en proie aux conséquences du réchauffement climatique.

L’histoire est menée de main de maître par Rob Hart a tel point qu’il est difficile de s’extraire du récit. Si vous commandiez encore vos objets sur Amazon ou Alibaba, peut-être qu’après avoir lu ce roman vous y réfléchirez à deux fois ensuite. Surtout après avoir lu les remerciements de l’auteur à une certaine Maria Fernandes morte pendant le trajet entre trois Dunkin’ Donuts où elle travaillait à temps partiel pour 550 dollars mensuels.

N’oublier jamais

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De mars à mai, les librairies étant fermées et refusant de céder à la tyrannie des amazones, je dû piocher au hasard dans la bibliothèque familiale. Il y eu des lectures heureuses comme le Liseur et d’autres moins heureuses. 

Pourquoi pas lire un polar de Michel Bussi, un auteur semble-t-il à succès.

Nuages, mouettes et écharpe rouge stylisés, je débutais N’oublier jamais. 

Dès les premières pages, un sentiment de déjà lu me titilla. J’avais lu ces pages, mais impossible de me souvenir de l’histoire, un paradoxe si l’on considérait le titre. 

Le sentiment se confirma au fil des pages jusqu’au moment où je rentrais dans un monde inconnu. 

J’avais commencé le livre sans jamais le finir, et pour cause: le personnage principal Jamal, un enfant de la Courneuve handicapé physique, n’inspire guère de sympathie, pas plus que d’intérêt. D’ailleurs pourquoi le choix d’un tel protagoniste, puisqu’il n’apporte pas grand chose à l’histoire ? 

Une histoire de meurtres en séries de jeunes filles sur la côte normande, trois viols à dix années d’interval et Jamal, venu se préparer à une course sur le Mont Blanc et qui se retrouve mêlé au drame. 

L’intrigue tient la route pendant quatre cent pages avant que Michel Bussi ne bâcle son récit, le faisant trainer encore sur cent-trente pages, là où j’avais décroché un jour pour aller lire un autre roman. 

Cette fois j’ai tenu bon, attendant la réouverture de ma librairie et je suis arrivé à la fin. Les quatre dernières pages rattrapent un peu le gâchis des cent-trente précédentes, c’est déjà ça.

Il est probable, que dans quelques années, je retombe sur ce livre et que je recommence à le lire, par erreur. Il est probable que je me rende compte de l’avoir déjà parcouru, sans me souvenir de l’intrigue, car au final, N’oublier jamais porte bien mal son nom.

Réjouissez-vous

La planète se réchauffe, le niveau des océans s’élève, la biodiversité est en péril et les hommes continuent de saigner la Terre à mort. Comment cesser ce massacre ? 
Et si la solution venait d’ailleurs ? Tel est le thème de Réjouissez-vous, le roman Steven Erikson.

Tout commence par l’enlèvement de Samantha, une autrice de science-fiction. Elle disparaît en plein jour, emportée par un O.V.N.I. Peu de temps après, d’étranges champs de force empêchent les humains de s’entre-tuer, de sur-exploiter les ressources naturelles, d’accéder à certains endroits de la planète.

L’homme ne peut plus être violent, pollueur, dangereux. Il est contraint soudain à la sagesse.

Tel est le thème de Réjouissez-vous, une intervention extra-terrestre qui met brutalement fin à tous les maux créés par l’homme. L’espèce humaine perd son libre arbitre. 

Commencent alors, à travers le quotidien de (trop) nombreux personnages, une série de réflexions de nature religieuse, politique, économique, scientifique, philosophique au sujet de cet Intervention.

Le livre n’est pas toujours facile à lire, sans doute trop intelligent pour un roman dit de SF mais il pose des questions intéressantes sur l’humanité. Dommage que l’auteur ajoute des thèmes ridicules comme les Petits Gris ou bien la théorie du complot dans son récit, c’était inutile.

Hélas, mille fois hélas, aucun extra-terrestre ne viendra sauver la Terre de la bêtise humaine, c’est à nous de nous débrouiller tous seuls et tout de suite !

L’Esprit Des Vents

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Ceci est ma première participation à Masse Critique, une opération menée par le site Babelio et les éditeurs, proposant à quelques lecteurs de recevoir un livre en échange d’une critique. Non content de chroniquer du rock progressif, je m’emploie à parler de livres, à croire que je n’ai que ça à faire ? Et si c’était le cas ? Toujours est-il qu’un beau jour de juillet, je reçu par la poste, le livre de François Simon, L’Esprit Des Vents.

Dans un roman, le lecteur est rarement placé dans la peau du vaincu, de celui qui a perdu la guerre et qui doit payer le tribu au vainqueur.

Le Japon se réveille au son de la voix enregistrée par l’Empereur. La guerre est finie, les japonais capitulent. 

François Simon, critique gastronomique, nous raconte la chute de l’Empire du levant, la cuisine aux huitres, l’amitié de deux enfants et la couleur des vents avec des phrases courtes et poétiques à la manière d’Alessandro Baricco

Le livre raconte les histoires de Tateru, Ryu et de nombreux personnages comme leurs parents, le kamikaze yakuza, la tante, la jeune Manechiyo vendue par sa famille. Tous survivent dans la ville de Tokyo occupée par les GIs. Des destins croisés, qui nous racontent un Japon en pleine mutation après la chute de l’empire.

Après l’insouciance de l’enfance sur l’île de Kingdao en Chine, l’exode vers le Japon en ruine et le refuge à Karuizawa, le récit se déplace vers une Tokyo ruinée en pleine reconstruction avec sa pègre, ses militaires, la crasse, la misère et la faim.

L’Esprit Des Vents, plus qu’une histoire d’amitié entre deux adolescents, nous raconte à travers ses différents personnages et les mots de François Simon, un Japon très éloigné des clichés occidentaux. Le roman, servi par une belle plume culinaire, perd peu à peu son fil conducteur pour raconter des histoires dans l’Histoire. Vers la fin, le récit est quelque peu décousu et s’achève sans conclusion, laissant ouverte la suite, peut-être un prochain roman.

Outresable

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Certains écrivains trouvent d’étonnantes idées : un puit refuge enfoui pour protéger toute une population, une balise spatiale et son gardien de phare, un plongeur des sables à la recherche de trésors.

Hélas une idée ne suffit pas toujours à un roman, il faut également une histoire. Le dernier livre de Hugh Howey décrit une terre de sable désolée, des plongeurs qui descendent sous les dunes piller les vestiges d’une civilisation déchue et une famille unie par la même souffrance, celle d’un père parti un matin, sans prévenir. L’univers d’Outresable réinvente, après Dune, un monde hostile, dominé par le soleil, le sable et le vent, où l’eau comme les anciens objets du vingtième siècle sont des denrées précieuses. Une mère, une sœur, trois frères, tous survivent à leur manière dans le désert, à l’abri du mur sur lequel jadis ils ont vécu. 

Malgré un monde prometteur, le récit se dilue rapidement et nous conduit vers une fin prévisible et l’insistance de l’auteur pour nous faire comprendre que le sable règne en maître sur la terre devient pesante au fil des pages. 

Outresable propose un univers intéressant pour le Jeu de Rôle mais ne suffit pas à en faire un bon roman. Hugh aurait limité son récit à la plongée de Palmer jusqu’au gratte ciel, cela aurait donné une excellente nouvelle, un peu comme celle qu’il avait écrit d’abord pour Silo. Howey possède sans doute suffisamment de matière comme pour Silo afin d’écrire une suite, mais ce serait à n’en pas douter une bien mauvaise idée.

Au fait, si, vous voulez partager vos chronique littéraires comme moi, je suis également sur Babelio.