Trifecta – Fragments

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Je ne vais pas vous parler de la carrière solo du leader de Porcupine Tree mais de trois des musiciens qui ont joué avec lui : Craig, Adam et Nick.

Au début Trifecta n’aurait pas dû faire l’objet d’une chronique. Je l’avais écouté d’une oreille distraite sur Bandcamp sans y trouver d’intérêt. Mais en passant chez mon disquaire, je suis tombé sur cette affreuse pochette rouge et me suis dit, allez, pourquoi pas ? Faut dire, je venais d’acheter Operation Mindcrime et le dernier Coldplay, je n’étais plus à ça près.

Trifecta c’est le meilleur de Wilson sans Steven Wilson, à savoir Craig Blundell, Adam Holzman et Nick Beggs, de fabuleux techniciens du prog qui se louent très cher pour une tournée.

Fragments est principalement un album de prog fusion instrumental de haut vol relativement accessible, même par son prix. 

Quand j’ai posé la galette sur la platine, j’ai été immédiatement scotché par le superbe mix d’Adam doublé d’un master aux petits oignons signé Andy VanDette. Un travail auquel le streaming de Bandcamp ne rend franchement pas honneur.

L’album se compose de quinze fragments aux noms improbables, entre prog, jazz, gospel et expérimental, où les trois magiciens se répondent sans tirer la couverture à eux. 

Trifecta c’est un peu le Liquid Tension Experiment du prog fusion avec l’inspiration en plus. On y retrouve d’ailleurs les couleurs de Steven Wilson avant qu’il ne sombre dans sa bouillasse électro commerciale.

Ici le son est d’une rare précision, magnifiant la finesse du jeu de nos trois compères, les basses, le stick Chapman, le Minimoog, les Korg, l’orgue Hammond et la batterie. Un pur régal audiophile.

Ces fragments se révèlent plus rythmiques que mélodiques, parfois enjoués (‘Proto Molecule’), parfois angoissants (‘Have You Seen What The Neighbours Are Doing ?’.

Sur le galopant ‘Clean Up On Aisle Five’, Adam impose avec force de claviers un style progressif, peut-être pour séduire les fidèles, mais dès ‘Check Engine Light’, l’album change de tonalités. 

La proto molécule du troisième fragment est clairement jazzy comme ‘Sally Doo Dally’ alors que ‘The Enigma of Mr. Fripp’ est à l’image du jeu du guitariste de King Crimson, un peu hermétique il faut l’avouer comme le titre ‘Lie 2 Me And Take My Money’.

Le dixième fragment est chanté par Nick, le chien de Pavlov qui tue le chat de Schrodinger. Il fallait quand même l’inventer.

J’aime également beaucoup l’atmosphère cinématique de ‘Dry Martini’ dans laquelle le trio mélange les genres.

Ces fragments sont variés, intelligents, tout en subtilité, techniques mais pas du tout prise de tête. De la musique très complexe facile à écouter.

L’album de l’année devait être Aphelion ou One To Zero que je n’arrivais pas à départager. Fragments est arrivé à point pour trancher le débat.

Teeshirt : Steven Wilson

Big Dead – Bones White Branches

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Teeshirt : Los Disidentes del Sucio Motel – Polaris (2021)

Big Dead n’a rien d’un groupe de death contrairement à ce que ce nom pourrait indiquer. Cette formation de Brisbane surfe sur la vague de l’art rock et du jazz.

Bone White Branches sorti en 2019 est leur premier effort si on oublie quelques singles publiés depuis 2009 entre trois EP. Après s’être longuement cherché, Big Dead trouve son style en 2016 avec l’EP cinq titres Shell qui pose les bases de Bone White Branches.

Piano, saxophone, clarinette, voix, guitares, basse, batterie et claviers se rencontrent sur neuf pièces brèves, fragiles et très instrumentales. Le chant n’est ici qu’un instrument parmi les autres, feutré, traînant, lancinant. Il ne vole la vedette à personne.

Dans cet album on retrouve la touche expérimentale de Radiohead, le nu jazz norvégien, le post rock de Tortoise et l’esprit de Sanguine Hum.

L’étonnante pochette couleurs, fusain et encre, représente des membres difformes accrochés à des corps, des mains pied, des bras jambes aux doigts recroquevillés. Un graphisme torturé peu engageant qui cache pourtant une musique d’une grande sensibilité. 

Ici pas de textes, juste une pochette et un vinyle, difficile de savoir ce dont l’album parle, à part qu’il est dédié à Marty, un ami disparu.

Pendant trente-quatre minutes vous entendrez du piano jazz avec ‘Prelude’, de l’art rock à la Pablo Honey sur ‘First/Last’, un ‘Ocean Cloud’ compressé dans ‘Heart and Brain’ et la pop de ‘Reside’.

Le piano, le saxophone et la clarinette basse donnent à la musique des tonalités toutes particulières qui rendent l’album quelque peu inclassable. Lorsqu’il était sorti, je n’avais pas su lui donner sa chance, me poser et l’écouter réellement. C’est en parcourant mes vinyles que j’ai redécouvert cette merveille atypique dont il fallait absolument que je vous parle, rien que pour me faire pardonner.

Progressif, jazzy, art rock et subtilement expérimental, Bone White Branches ne fera sans doute pas l’unanimité, mais écoutez-le avant de juger, il est sur Bancamp

Treme

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En 2005, l’ouragan Katrina dévasta la Nouvelle-Orléans, causant près de deux mille morts. La célèbre ville de la Louisiane se retrouva sous les flots et ne fut plus jamais la même ensuite.

Tremé est un des plus ancien quartiers de la Nouvelle-Orléans, coeur de la culture afro-américaine. C’est aussi une série HBO débutée en 2010 qui comprend quatre saisons. Nous venons d’en regarder la première, fidèles à notre habitude d’avoir toujours quelques années de retard sur tout le monde.

La série Treme raconte l’après Katrina au travers de plusieurs personnages hauts en couleurs : le chef, l’universitaire, l’avocate et plein plein de musiciens. Car Treme est une série riche en musique. Mais il ne s’agit pas une série musicale comprenons-nous bien. Blues, jazz, gospel, fanfares, violon, piano, trombone sonnent dans les cimetières, aux coins des rues, dans les bars, à l’aéroport, bref partout.

Les personnages sont des rescapés de la tempête. Certains ont tout perdu, d’autres s’en sortent un peu mieux mais tous essayent de se reconstruire avec plus ou moins de bonheur. 

Certains veulent réparer leur toit, remettre de l’électricité ou simplement cherchent à se loger, d’autres à retrouver un parent disparu. Colère, désespoir et envie de vivre se disputent dans la ville en ruine où les militaires patrouillent jour et nuit dans des rues dignes d’un film post apocalyptique.

Treme ce sont des personnages avec leur histoire et leur musique. Une série sans histoire mais pleine de récits qui se croisent.