Soen – Memorial

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J’ai donc enfin vu Soen en live. Et ils ont principalement joué leur dernier album Memorial bien évidemment. Sauf que je l’avais pas écouté sorti du single ‘Violence’ qui m’avait quelque peu déstabilisé.

Ben oui, Soen je le déguste principalement pour la sublime voix de Joel capable de m’émouvoir comme peu d’autres. Et là, surprise, il durcissait le ton, invitait une chanteuse à ses côtés et renonçait à ses talents de crooner. Pourtant, en live, sans doute fasciné par son aura magnétique, j’avais plutôt accroché aux nouveaux morceaux que je ne connaissais pas. Alors je suis parti du concert avec un exemplaire de Memorial dédicacé. Le lendemain, il tournait sur la platine et, nouvelle surprise, je l’ai tout de suite adopté.

Je disais souvent, en parlant de Soen, que j’aimais leur musique sans pouvoir en donner vraiment la raison. Eh bien c’est fini. J’adore Soen et je sais maintenant exactement pourquoi. Memorial, moins centré sur la voix de Joel, dévoile des musiciens talentueux qui jusque là restaient dans l’ombre du chanteur.

Memorial ce sont dix titres courts pour un peu moins de trois quart d’heure d’enregistrement. Deux des morceaux tranchent tout particulièrement ici, il s’agit de ‘Hollowed’ chanté à deux voix aux côtés de Elisa et du bluesy ‘Vitals’ au grand piano où le timbre de Joel est méconnaissable. 

Si Memorial débute de manière musclée, limite martiale avec un ‘Sincere’ rythmé et metal, au bout de trois minutes de maltraitance assumée, Soen livre un break apaisé aux couleurs chaudes avant de replonger dans la violence. C’est cette forme d’écriture, d’abord déroutante mais redoutablement efficace, qui prédomine sur tout l’album.

Le groupe use de refrains ravageurs comme dans ‘Unbreakable’, de soli de guitare à tomber par terre et de breaks au chant pour mieux revenir en force juste après. Les guitares de Cody s’expriment enfin pleinement sur Memorial. J’ai l’impression, qu’auparavant son travail restait nettement plus au second plan. Presque chaque titre livre son solo déchirant comme dans ‘Fortress’ ou floydien comme dans ‘Hollowed’.

Memorial se révèle rugueux et soyeux à la fois, une douce violence qui met en valeur le travail d’un groupe plus que la voix d’un chanteur. Evidemment, les aficionados de Soen pourraient être déstabilisés au début mais pour ma part, je classe Memorial dans les meilleurs albums écrits par le groupe à ce jour.

Encore un qui rentre dans mon top 2023 décidément de plus en plus chargé.

Sinon, Samedi prochain, Chez Paulette près de Nancy, l’association Arpegia organise un concert avec deux groupes dont je vous ai déjà parlé, Plus 33 et Amarok, alors si vous êtes dans le coin, déplacez-vous, ce sera forcément un beau concert.

Marc Atkinson – Heart & Soul

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Faut-il que je vous présente encore Marc Atkinson ? Je vous ai parlé maintes fois de de Nine Stone Close, de Riversea et de Moon Halo. C’est lui, le chanteur de ces projets. Un anglais qui vit à la campagne, pas loin de York (j’ai dit Cork ?) et qui joue dans les pubs le week-end pour gagner sa vie.

Il est également artiste solo et c’est dans ce rôle que nous le retrouvons aujourd’hui avec Heart & Soul, son nouvel album treize titres.

Ici pas de rock progressif, encore moins de metal, mais de la pop rock au chant et à la guitare avec parfois de la basse, de la batterie, des claviers ou de la guitare électrique.

Je n’ai aucun recul sur le travail de Marc. J’aime trop sa voix et sa manière de chanter. Comme ça vous êtes prévenus. Donc lorsque Marc sort un disque, je l’achète et me délecte de sa musique.

Aux côtés de Marc, il y a sa compagne Tamsin aux chant, sa fille Enya pour l’artwork, Martin Ledger à la guitare, Maurizio Fornacca à la batterie, Bob Fleming à la basse et son compère Iain Jennings aux claviers.

Dans l’ensemble Heart & Soul est dans un mood relativement soft : guitare acoustique et chant soyeux mais de temps en temps, le ton se durcit comme dans ‘Never give up’. Les textes, eux, parlent d’amour, de Lewis Caroll, de la guerre en Ukraine et même un peu de mysticisme. Un album un peu plus sombre que d’accoutumée comme Marc s’en explique dans le livret.

L’album est pop rock, soul, blues, parfois country et même presque metal avec la guitare rageuse de ‘Never Give Up’. Comme l’explique Marc, Heart & Soul est à la fois un album solo et un projet de groupe. Cinq titres sont joués avec une section rythmique, Martin pose ses soli de guitare sur dix pièces et Iain des claviers sur ‘See Right Through You’. On y retrouve donc un peu de l’esprit de Moon Halo d’autant que Martin, Bob et Iain jouent également dans cet autre groupe.

Certains trouveront probablement cet album facile, voire même sirupeux avec la voix feutrée de Marc, les paroles pleines d’amour et la guitare sans grand défi technique sur de nombreux titres, et ils auront raison. Heart & Soul n’est ni original ni dans la performance musicale. C’est un album bâti sur des émotions, une parenthèse de douceur dans un monde de brutes et j’adore ça.

Mon morceau préféré s’intitule ‘Before The Day The World Dies’, vous me reconnaissez bien là avec mon optimisme naturel. J’ai également un faible pour ‘Have You seen Alice’, certainement à clin d’œil à sa compagne, mais tous les titres de cet album me touchent, chacun à sa manière.

Alors si vous êtes curieux de connaître les raisons qui me font aimer Marc Atkinson, je vous recommande d’écouter Heart & Soul avec tout votre coeur votre âme.

Il est sur Bandcamp.

Wardruna – First Flight Of The White Raven

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Un corbeau albinos aux yeux bleus prend son premier envol au royaume de Norvège. Six silhouettes armées d’étonnants instruments se détachent d’un mur de feuilles d’or où luit un arc ciel. 

Deux voix, l’une féminine, l’autre masculine, lancent d’étranges mélopées à la foule hypnotisée dans la nuit brûlante. Wardruna est rentré dans ma vie de 24 juillet 2022, en clôture du Rock Your Brain Fest, alors que j’allais rentrer me coucher après dix heures passées à courir d’une scène à l’autre. Ce sont les éclairages de la Main Stage qui m’ont retenu. Et puis la musique est arrivée, du néo folk mystique joué sur des instruments acoustiques tous plus fascinants les uns que les autres.

De retour à la maison, j’ai rendu visite à mon disquaire préféré et il l’avait, le First Flight Of The White Raven, en double vinyle 180 grammes s’il vous plaît. 

Depuis, je suis en transe.

Je croyais que mon ami Alias en avait déjà parlé, alors j’étais en confiance. Mais non, le bougre n’a pas encore chroniqué leur musique. Incroyable ! Pourtant Wardruna c’est un peu du Solstafir marié à du Arstidir sans les instruments électriques. Bruitages, guimbarde, lur, harpe, flûtes à os, violon, percussions, corne de bouc, jouhikko, tronc d’arbre, corne de chèvre et voix créent un univers sonore metal atmosphérique traditionnel totalement immersif qui siérait parfaitement à la B.O. d’un film comme celle de la série Viking en 2014.

Je me retrouve avec deux versions de Kvitravn ou First Flight Of The White Raven. Le double vinyle treize titres et celle de iTunes comportant vingt-quatre pièces dont onze morceaux enregistrés en studio et treize en live. 

J’en ai déduit que le vinyle était la version live de l’album studio. Mais laquelle présenter ? J’ai une préférence pour le live studio et un goût prononcé pour les vinyles mais je vous  parlerai un peu des deux.

Deux voix, celle grave et profonde de Einar et celle claire et médium de Lindy, des choeurs mystiques, un orage qui gronde, un corbeau qui croasse, le vent qui souffle, un violon solitaire, des percussions tribales, une flûte qui s’élève dans la nuit, leur musique va vous envelopper dans son manteau de brume et de magie.

‘Rothaust Tre Fell’, présent dans l’édition live, donne dans le folk metal avec ses voix gutturales, presque criées quand ‘Munin’, tiré de l’album studio, sonne comme une pièce médiévale. ‘Kvitravn’ nous emporte dans sa mystique quasi shamanique, un titre qui figure dans les deux versions. Enfin ‘Viseveiding’, que l’on trouve dans la version studio uniquement, sonne comme une fête campagnarde d’un autre temps, dansante et sombre à la fois.

Il faut peut-être avoir baigné dans Malicorne, Alan Stivell ou Dan ar Braz pour goûter à cette musique hors du commun. Pour ma part, j’ai été fasciné, ébloui, envoûté par Wardruna.

First Flight Of The White Raven va figurer dans ma sélection du meilleur album 2022 avec une bonne chance de décrocher la timbale.

Oceans of Slumber – Starlight and Ash

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Oceans of Slumber, c’est du metal prog américain avec du growl et du chant clair quasi gospel. Enfin ça, c’est la théorie. En pratique, leur dernière galette lève le pied sur le metal, oublie le growl et se pare de couleurs far west, reprenant même le titre cultissime ‘House Of The Rising Sun’.

Les fans seront peut-être déroutés par la démarche, surtout avec l’instrumental ‘Spring 21’ joué au piano. Mais pas moi. Pain Of Salvation est également passé par là avec l’excellent Road Salt One.

Dans Starlight and Ash, la sublime voix de Cammie Beverly – tient, vous avez remarqué, Cammie à changé de nom, elle ne s’appelait pas Gilbert il y a peu ? Si… La belle a épousé Dobber le batteur et pianiste du groupe, je suis désespéré. Bon. Je disais donc, la voix de Cammie, on l’appellera comme ça, c’est moins douloureux, donc la voix de Cammie est magnifiée sur ces onze morceaux.

Sur de nombreux titres, les guitares empruntent au registre du bluegrass et de l’americana, particulièrement dans ‘The Lighthouse’ ou ‘Salvation’. 

D’ailleurs si vous regardez le dos du digipack ou bien la page centrale du livret, vous découvrirez le groupe déguisé en cow boys. Bon d’accord, des cow boys sur une plage, mais quand même.

En parlant de plage, Starlight and Ash évoque souvent l’océan dans les paroles et les titres des morceaux comme pour ‘The Water Rising’, ‘The Lighthouse’ ou ‘The Shipbuilder’s Son’. S’agirait-il d’un concept album ? Je n’en sais rien. Les textes oscillent entre nostalgie, amertume et souvenirs et comme je n’ai pas creusé la question, je vous laisse trouver la réponse.

Entre des pièces de facture plutôt metal progressives, ‘The Water Rising’, ‘Just A Day’, et ‘The Shipbuilder’s Son’, on découvre des tonalités americana auxquelles le groupe ne nous avait pas franchement habituées jusque-là. Dommage que l’instrumental au piano ne casse pas des briques. Dobber n’a rien d’un Rachmaninov, mais la pièce sert de tremplin parfait pour le magnifique ‘Just A Day’. 

Le résultat est magnifique, mélodique à souhait, mais, car il y a un mais, Starlight And Ash manque parfois de mordant. Toutefois peut-être est-ce dû à la production. En effet, l’édition vinyle, sur une seule galette 180 grammes, possède un sublime mastering où l’équilibre entre basses, médiums et aigües comme la dynamique est parfait. Donc à choisir, prenez le vinyle.

Mes morceaux préférés sont ‘The Lighthouse’ qui amorce le virage americana, ‘Salvation’ et ‘Just A Day’ qui nous livre un incroyable rebondissement après l’évocation de rêves d’enfant de Cammie accompagnée au piano par Dobber.

Starlight and Ash n’est peut-être pas mon Ocean Of Slumber préféré au moment où je vous parle mais cela pourrait évoluer au fil des écoutes. L’avenir le dira. Quoi qu’il en soit, c’est un très bel album.

Porcupine Tree – Closure/Continuation

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J’ai découvert Porcupine Tree avec l’album Lightbulb Sun il y a vingt-deux ans. J’ai immédiatement adopté leur univers musical novateur pour l’époque et j’ai poursuivi le voyage avec eux, d’alternatif expérimental en metal et même parfois progressif.

Ce qui ne devait être tout d’abord qu’une blague entre musiciens est devenu un groupe de référence pour de nombreuses formations contemporaines. Aujourd’hui les imitateurs de Porcupine Tree sont légions.

The Incident fut leur chant du cygne et pour moi un de leur meilleurs albums. Colin a rejoint O.r.k. et d’autres projets, Gavin est devenu le batteur officiel de The Pineapple Thief, Steven a poursuivi sa pop électro en solitaire et Richard a commis des trucs étranges et inaudibles.

Qui eut cru que Steven, Gavin et Richard se réuniraient à nouveau pour un album ? Treize ans plus tard, voici Closure/Continuation, un double vinyle sept titres et quarante-huit minutes.

Pas de doute, c’est bien du Porcupine Tree amputé d’un bassiste génial. Le son est au rendez-vous, la forme également, mais quid de l’âme de la bande à Wilson ?

Lors de la première écoute, je n’ai rien ressenti jusqu’à la face B du second vinyle, le dernier morceau ‘Chimera’s Wreck’. Non, j’exagère un peu, ‘Walk the Plank’ m’avait déjà tiré de ma torpeur juste avant. Bon, j’avoue, je faisais une sieste au casque.

Closure/Continuation donne l’impression que Porcupine Tree a recyclé du vieux matériel en virant la basse et en ajoutant des touches électroniques. Je n’entend pas ici ces grosses prises de risque que l’on trouvait sur leur précédents albums ni ces titres frisant le génie et qui ont construit la légende du groupe. C’est le son de Porcupine Tree, parfaitement maîtrisé, mais rien qui ne me fasse grimper au rideau.

L’ouverture basse/guitare/batterie de ‘Harridan’ annonce la couleur. Porcupine Tree est de retour et Porcupine Tree c’est eux. D’emblée, on reconnaît la patte des trois mousquetaires, un peu trop peut-être, comme s’ils craignaient de nous surprendre. La prod est super léchée et les sections instrumentales nombreuses sur les quatre morceaux qui dépassent les sept minutes. Il y a même un zeste expérimental dans l’avant dernier titre ‘Walk the Plank’ et quelques idées nouvelles dans ‘Chimera’s Wreck’.

Closure/Continuation s’écoute vraiment bien même s’il ne va pas changer la face du monde. Après plusieurs passages sur la platine, je trouve ‘Rats Return’ et ‘Dignity’ fort sympathiques même s’ils sont d’un grand classicisme Wilsonien.

Mike Portnoy a élu Closure/Continuation album de l’année. Le pauvre a dû bosser comme un fou et ne pas écouter grand chose depuis janvier ou alors il était tellement en manque de Porcupine Tree qu’il est complètement aveuglé. Pour ma part, je n’en attendais pas grand chose, du coup j’ai été quand même agréablement surpris.

ESP-Project – anarchic curves

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Aujourd’hui, une fois n’est pas coutume, je vais délaisser le metal qui poutre pour écouter du prog symphonique.

Alors pas du rétro prog, ni du canterbury ou du rock in opposition, mais du sympho mélodique qui s’écoute presque comme une musique d’ambiance.

Peter Cyle chante à la manière douce de Tim Bowness sur un rock progressif facile à écouter composé par Tony Lowe, guitariste, claviériste et producteur de ESP Project. Ils sont accompagnés de Pete Clark à la basse et de Dave Ethridge à la batterie.

Ce sixième album studio, anarchic curves, dure un peu moins d’une heure et huit morceaux allant de quatre à neuf minutes où se mêlent sympho, prog eighties et AOR soft. 

D’accord, le disque ne va pas changer la face du prog. Par contre, il propose une parenthèse musicale confortable et reposante. Certains jours, cela suffit amplement à mon bonheur. J’ai des plaisirs simples.

Lowe joue de claviers aux sonorités vintages quand Ethridge use d’une rythmique entre AOR et prog seventies appuyées par la basse de Clark. Sur cette musique parfois peu mélodique comme dans ‘Shoreless’, Coyle chante le plus souvent avec une délicatesse légèrement soporifique sur laquelle on se laisse facilement porter. 

Les paroles des chansons regorgent de références au prog seventies, au cinéma, à la peinture et la pop culture. On y parle de John Lennon, de Van der Graaf Generator, Genesis, yes, King Crimson, Klint et plein d’autres artistes. Un bel hommage à l’art en général.

Deux pièces se détachent du sirop progressif qui pourrait sembler poisseux à certains – pour ma part, j’aime bien leurs chamallows roses -. Il s’agit de ‘Cogs’ qui entre deux couplets sirupeux durcit un peu le ton et ‘Shoreless’ dont je vous ai parlé avant.

ESP Project possède les saveurs de Genesis et de Yes ainsi que la douceur d’un Tim Bowness. Un prog symphonique soyeux, reposant où les guitares restent en second plan derrières les claviers et la rythmique.

Depuis les début d’ESP, ESP Project fait de l’ESP, sans grande surprise, mais je trouve qu’ils le font de mieux en mieux. Leur précédent album phenomena m’avait bien plus et j’avoue que anarchic curves m’emballe encore plus. Alors allez y jeter une oreille, il est sur Bandcamp.

Teeshirt : RPWL

OU – ONE

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Prenez une chanteuse chinoise à la voix d’enfant qui chante à contretemps d’un djent et qui soudain donne dans l’ambiant atmosphérique. Vous obtiendrez OU.

Derrière OU il y a également un américain, Anthony Vanacore, qui habite depuis huit ans en Chine. Il signe la musique en plus de taper sur la batterie.

Si vous commencez à avoir mal à la tête et à ne plus entendre de l’oreille droite, c’est normal. Ce sont les symptômes de ONE, le premier album pandémique de OU. Une quarantaine de minutes et huit titres plus tard, vous vous demanderez peut-être si vous avez bien fait d’acheter le disque, mais ça, c’est votre problème.

Car le moins que l’on puisse dire, c’est que ONE est bizarre. Déjà il y a cette pochette rose avec en médaillon le portrait de Lynn Wu. Ensuite il y a le livret saumon rempli d’idéogrammes et de chinois incompréhensible. Seuls les titres des morceaux sont en anglais.

C’est mon grand geek chevelu de fils qui m’a parlé de OU. Alors j’aurai dû me méfier un peu. Lui il est branché gaming, manga, anime, bières au cognac, LGBT et CBD. Vous voyez le genre.

Si j’aime bien les nems et le riz cantonais, j’ai plus de mal avec la culture post maoïste, que ce soit en littérature ou en musique. Pourtant, une fois le premier trauma passé, il faut bien reconnaître que ONE change de la routine occidentale. D’ailleur c’est assez surprenant que le label ultra conservateur Inside Out ait pris un tel risque.

One démarre fort avec ‘Travel’. Si vous vouliez vous faire une idée de ce que donne du djent électro où la ligne vocale en chinois se désolidarise totalement de la musique, vous tenez là un bon exemple. Ne nous mentons pas, c’est un peu hardcore comme mise en bouche.

Après, si vous tenez jusqu’au bout de ‘Travel’,  le reste passe tout seul. Les deux titres suivants sont aussi barrés et j’avoue que j’ai eu un petit peu peur que tout l’album soit du même tonneau. 

C’est là qu’arrivent ‘Ghost’ et ‘Euphoria’. Deux titres nettement plus intimistes, instrumentaux, cinématiques et un peu expérimentaux, surtout pour le second.

Et puis ça repart de plus belle avec ‘Prejudice’ qui donne dans le Plini. Il s’agit de mon morceau préféré au passage, dans lequel djent, guitares et chant étrange trouvent leur équilibre. ‘Dark’ n’est pas mal non plus avec son long couplet basse/chant/batterie même si les ‘Ling en ding de sheng xiang’ du début surprennent un peu.

Après l’obscurité, revient la lumière avec ‘Light’. Un titre lent, expérimental, tout à la voix de Lynn Wu. Une lumière douce comme celle de l’aube, des notes toutes en attente qui terminent ONE sur quelques touches plus traditionnelles.

OU est un OVNI de la scène metal progressive. Passé le choc culturel initial, ONE s’apprivoise au fil des écoutes, alors soyez curieux pour une fois.

Teeshirt : Melanie & Martin

The Gathering – Beautiful Distortion

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Après Afterwords en 2013, The Gathering était en sommeil, s’effaçant derrière le projet Habitants. Aujourd’hui les frères Rutten sont de retour avec la délicieuse Silje Wergeland pour Beautiful Distortion, un nouvel album huit titres d’un peu moins de cinquante minutes.

Outre Hans, René et Silje, on retrouve Franck aux claviers, fidèle depuis les débuts et Hugo qui est revenu en 2018 dans le groupe. A peu de choses près, il s’agit de la formation d’origine en fait.

Si tout le monde se souvient de Mandylion avec Anneke, The Gathering a pris depuis un chemin nettement plus alternatif que doom avec même des touches trip hop.

Les deux frères ont pris quelques rides mais pas leur musique, bien au contraire. La parenthèse de dix années a permis au groupe de se ressourcer, voire de se réinventer et Beautiful Distortion est une agréable surprise.

L’album est plus proche d’une dream pop que d’un doom alternatif malgré quelques passages moins aériens comme dans ‘In Colour’, ‘Grounded’ ou ‘We Rise’. 

Leur onzième album Beautiful Distortion joue la carte du mélodique, donnant la part belle au chant de Silje avec quelques parenthèses instrumentales comme dans ‘We Rise’ ou ‘Pulse of Life’, au passage mes titres préférés de l’album.

Hans et René ne renoncent pas pour autant aux motifs doomesques ni aux rythmiques pesantes comme en témoigne ‘We Ride’, le titre qui se rapproche le plus de leur jeunes années doom gothiques. 

Les guitares électriques et acoustiques se partagent équitablement les rôles, toujours drapées de claviers et d’une batterie peu appuyée dans l’ensemble.

Le plus électronique des huit morceaux s’intitule ‘Pulse of Life’. Il possède une intro qui me fait penser à ‘Wild Signals’ de la BO du film Rencontre du Troisième Type. C’est sur ce titre que Hans se lâche le plus sur la caisse claire et les crashs, une pulsation de vie des plus dansantes.

Si je devais comparer le mythique Mandylion à Beautiful Distortion, je dirai déjà que la production a fait de sacrés progrès en près de trente ans. Mandylion est nettement plus instrumental et contrasté que le dernier bébé de The Gathering et si la voix puissante et grave d’Anneke a ses charmes, je lui préfère aujourd’hui celle plus apaisée de Silje.

Par contre Mandylion est plus varié et inventif, plus pesant également. Pour Beautiful Distortion, qui est nettement moins dissonant, je vous recommande l’écoute au casque pour ne pas sombrer dans la routine des morceaux.

Si Beautiful Distortion ne sera probablement pas un album cultissime, il amorce en beauté le retour d’un grand groupe de la scène doom alternative qui nous avait beaucoup manqué.

Teeshirt : Arena

Dream Theater – A View From The Top Of The World

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Si je n’aime pas beaucoup James et si je regrette le départ de barbe bleue, il faut quand même reconnaître à ces cinq ricains une furieuse maîtrise du genre et de la technique. Sorti de Metropolis Part I, Octavarium et de A Dramatic Turn Of Events, je ne suis pas vraiment fan, surtout si nous parlons de la bouse The Astonishing. J’ai pourtant toute leur discographie et même quelques live, car passer un Dream Theater à fond dans la maison chasse les souris, traumatise mon chat et emmerde les voisins.

Mais qu’est-ce qui m’a pris de l’acheter en vinyle cette fois ? Je ne sais pas, peut-être pour remplir mon quota mensuel de dépense. Bref me voilà avec une paire de godasses posées au bord d’une gigantesque faille dominant une mégalopole. A View From The Top Of The World, soixante-dix minutes de metal progressif technique à souhait. Sept morceaux dont le dernier et très long titre album, A View From The Top Of The World renoue avec les titres fleuves et l’instrumental. Un bon point car on entend assez peu l’abri de jardin bêler.

Bel artwork, galettes 180 grammes, CD en bonus et livret XXL, décidément le label Inside Out a encore soigné l’objet. Ils vont finir par devenir ma référence vinyle s’ils poursuivent sur ce chemin.

‘The Alien’ propose en ouverture, un long instrumental grandiloquent où guitares et rythmiques volent la vedette à tour de rôle. Puis Petrucci s’envole avec Rudess avant le second refrain pour nous en mettre plein les oreilles encore une fois. Une pièce longue de plus de neuf minutes qui met en appétit. Du grand classique furieusement efficace.

‘Invisible Monster’ et son couplet basse batterie marque également quelques points avant d’emprunter ensuite de surprenant chemins de traverse pour un groupe comme Dream Theater. 

Je pourrai également vous parler de ‘Sleeping Giant’ à la section instrumentale éblouissante ou de la fabuleuse intro de ‘Awaken The Master’ mais il faut que je garde un peu de temps pour le titre album en trois parties qui occupe à lui seul la face B du second vinyle. Comment dire ? En fait, depuis ‘Octavarium’, je n’avais pas retrouvé ce souffle épique chez Dream Theater. Son ouverture synphonico metal cinématique annonce tout de suite un morceau hors norme qui ne sera pas bâclé en trois minutes. De fait, vous en prendrez pour vingt où guitares virtuoses rencontrent piano classique, violons, batterie effrénée, basse trépidante et claviers fous. 

Magistral.

S’il n’y avait qu’un seul album de Dream Theater à écouter depuis l’arrivée de Mike Mangini, ce serait celui-ci. Bon à condition de supporter ce groupe bien entendu.

Teeshirt : Némo (parce les gars de Némo ne sont pas fans de Dream Theater justement)

Alex Henry Foster – windows in the sky

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Le 28 octobre j’étais à La Laiterie à Strasbourg pour écouter The Pineapple Thief. Et en première partie, se produisait le québécois Alex Henry Foster, l’ex leader du groupe Your Favorite Enemies.

Je m’attendais à un gars seul devant un micro avec sa guitare électro acoustique. A la place, ce furent deux batteries, trois guitares électriques, des claviers, une saxophoniste choriste et un frontman fou à lunettes embuées qui envahirent la scène.

Après une longue ouverture post-rock cinématique, une bombe explosa le dôme de silence, une tempête de colère froide, d’infra basses, de guitares jouées à l’archet et une voix mi slam mi chantée désespérée. Un tsunami émotionnel et sonore de plus de quinze minutes intitulé ‘The Hunter’. J’étais à terre, conquis.

Ce n’est pas tous les jours qu’une première partie me fait cet effet là. Surtout lorsque je ne connais pas l’artiste. Alors, évidemment, je suis reparti avec le vinyle dédicacé par Alex et le teeshirt pour faire bonne mesure. 

La pochette où figure un portrait de l’artiste flouté, cache deux étuis blancs qui ensemble reconstituent la photographie en noir et blanc d’un colibri, oiseau symbole de guérison de l’âme. 

Et il devra œuvrer cet oiseau-mouche pour soulager l’infinie douleur qui règne sur cet album.

windows in the sky est un premier album d’une heure et huit morceaux qui n’aurait jamais dû exister. Un voyage thérapie à Tanger aux confins du chagrin où Alex parle du deuil, celui de son père décédé en 2016.

Post-rock, cinématique, trip-hop, parlé, chanté, l’album ne possède pas la violence de leur prestation live. Il est nettement plus en retenue et moins contrasté. 

Cela n’enlève rien à sa beauté torturée, devenue juste plus intérieure. Le voyage se fait également avec les mots traduits en français que vous pourrez découvrir sur son site. Une manière de mieux comprendre l’univers désespéré de windows in the sky.

Alex m’a expliqué à la fin du concert, que chacune de ses prestations live était différente avec toujours une grande part d’improvisation. 

Si vous écoutez Standing Under Bright Lights, son live à Montréal sur Bandcamp, vous pourrez apprécier la différence avec l’album studio.

Fort, torturé, désespéré sont des adjectifs qui collent à la peau de cet album atypique. Attention cependant, si vous êtes dépressif chronique, évitez son écoute à haute dose, ça ne va sans doute pas vous aider beaucoup.

Une voix désespérée déclame des “The Beginning Is The End” sur des cordes torturées, des battements de coeur, des basses et des claviers cinématiques hallucinogènes. 

La musique se cherche, se répète, annonçant la tempête qui n’explose jamais vraiment. Des constructions sonores planantes et tendues rythmées par les mots de Alex Henry.

L’album, en plus d’être sublime, remue beaucoup d’émotions enfouies en nous. Mais peut-être faut-il être un rescapé de l’existence pour appréhender pleinement la beauté de windows in the sky. 

Teeshirt : Alex Henry Foster