J’avais juré craché que l’on ne me reprendrait plus, mais l’appât du gain est plus fort. J’ai remis des publicités sur le webzine. Je pourrais vous faire un bilan des dons reçus depuis l’ouverture du webzine, il y a de cela plus de dix ans. Le bilan est vite vu : zéro euros. La pub elle, avait rapporté en six mois, soixante-quatre euros à l’époque, de quoi payer l’hébergement du site chez OVH et deux trois broutilles. Si la pub revient, c’est que la boutique n’a pas marché, que les dons non plus et que, si Neoprog n’est pas une aventure commerciale mais musicale, j’aimerai bien ne pas passer un salaire entier dans ma passion tous les ans.
J’ai un peu honte de le faire mais quand je vois que mon employeur n’hésite pas une seule seconde a barbouiller un site payé par les contribuables avec des publicités invasives, je me dis que finalement, ce n’est pas si grave. Je vais bien entendu perdre tout crédit auprès des personnes qui ont lu mes précédents articles sur la publicité mais je ne suis plus à ça près.
A quoi servira la publicité ? Tout d’abord à payer l’hébergement, peut-être à lancer une campagne de publicité pour mieux nous faire connaître et également à financer, au nom du webzine, des projets et encourager la création artistique. A titre personnel, je le fais déjà, en participant à plusieurs crowdfundings, mais si le webzine dégage un peu d’argent avec la publicité, ce sera l’occasion d’aller plus loin dans cette démarche.
Il est possible que la pub m’énerve très vite et que j’enlève tout ce bazar rapidement, il m’arrive d’être d’humeur changeante et un peu girouette. C’est donc pour l’instant une nouvelle expérimentation, qui au moment à j’écris l’article nous a enrichit de deux éros (merci les québécois). Pas de quoi payer un hébergement, encore moins financer un nouvel album mais c’est un début.
Jean-Pierre Louveton (JPL, Némo) lançait un intéressant débat il y a peu dans sa lettre d’information. Comment rétribuer aujourd’hui les musiciens ?
Au moyen âge, les seigneurs offraient le gîte et le couvert aux troubadours et parfois même quelques menues piécettes pour distraire les banquets dans les salles parcourues de courants d’air des châteaux et des manoirs. Maigre rétribution, mais à cette époque, il ne fallait pas faire le difficile.
Les grands compositeurs classiques vécurent bien souvent grâce à des mécènes, des princes, des rois, qui faisaient venir les artistes à leur cour pour qu’ils composent des oeuvres. Cela était de bon ton d’aider la création. Un statut très précaire car le musicien devait plaire à son hôte pour ne pas tomber en disgrâce et aller mendier ailleurs.
Les rockeurs s’enrichirent grace à des contrats signés avec de grandes maisons de disques, à leurs millions d’idoles, à des concerts et des galettes vendues de part le monde et aux radios qui passaient leur musique en boucle sur les ondes.
Aujourd’hui, à l’ère du numérique, les musiciens sont partout, internationaux, si loin et si proches, si nombreux surtout. La musique circule plus sur la fibre que sur les ondes, en streaming, en téléchargement, souvent gratuite, souvent volée si on sait où chercher. Les maisons de disques ne signent plus que des valeurs sures, le risque n’est plus permis. Les autres se débrouillent comme ils peuvent, enregistrent à la maison, déposent leurs mois de travail sur des plateformes numériques et récoltent quelques miettes.
Comment peut-on aujourd’hui aider la création musicale ? Comment offrir le gîte et le couvert à ces troubadours du vingt-et-unième siècle ? Les maisons de disques leur tournent le dos, les plateforme de streaming leur offrent l’obole, les salopards leur volent leur travail, les réduisant à la mendicité musicale.
Quelques solutions existent, le Patreon (un modèle proche du mécénat), les financements participatifs, des éditions limitées spéciales, le merchandising. Encore faut-il réussir à faire entendre sa voix au milieu de toutes les autres, réussir à se distinguer, convaincre. Un album coûte beaucoup d’argent pour être enregistré, mixé, masteurisé, pressé, distribué, mais ceci n’est que le sommet de l’iceberg puisque avant cette étape, il a fallu que les artistes écrivent et composent, des mois de travail, parfois des années non rétribuées.
Souvent, les gens s’imaginent que la vie d’artiste c’est sex, drugs and rock & roll. Le plus souvent cela ressemble plutôt à métro boulot compo dodo, où le boulot paye les factures, remplit le frigo quand la musique réduit d’autant l’espace pour le dodo. Combien gagne un artiste sur le CD acheté à la FNAC ? Un, deux euros ? Combien gagne un groupe lorsqu’il joue dans une salle ? Un coupon bière et un sandwich jambon beurre ? Souvent les musiciens ne sont même pas remboursés de leurs frais de déplacement et perdent de l’argent en jouant devant vous. « Oui mais ils réalisent leur rêve » disent les imbéciles, oui ils réalisent mais à quel prix ? Ils se font avoir pour jouer une heure à cinq cent kilomètres de chez eux devant des spectateurs qui à la fin du concert n’achèteront même pas leur dernier album.
Pour ma part, j’achète la musique, les CDs, les vinyles, les éditions deluxe. « Oui mais toi tu es un chroniqueur, tu reçois de la musique gratis. ». Exact du con, je reçois du mp3, et lorsque j’aime l’album, je l’achète, même si je l’ai déjà en mp3, histoire de soutenir la création, les petits labels et leurs artistes. Je vais aux concerts aussi, quand je suis suffisamment en forme. « Oui mais toi tu es invité à tous les concerts. ». Invité parfois du gland, souvent là où je ne peux pas aller, souvent pour écouter un artiste que je n’aurai pas été écouter, pour faire une interview, un live report et des photographies, une bonne semaine de travail pour une place à vingt euros offerte sans parler de l’essence et du prix de la chambre d’hôtel que je paye de ma poche. Et surtout, je participe à de nombreux crowdfundings, finançant des albums pas encore composés, et qui ne le seront peut-être jamais, tout dépendra de vous, de votre générosité. C’est une manière comme une autre d’être un mécène, vous donnez de l’argent en échange d’un futur album, vous payez l’enregistrement en studio, le pressage, éventuellement une campagne de promotion, une tournée et vous recevez en échange un CD, certainement acheté plus cher que sur iTunes mais vous avez la satisfaction d’avoir contribué à une noble cause. Je suis chroniqueur, je reçois des promotions mais je soutiens les artistes.
Pour te répondre Jean-Pierre, l’adhésion à une association ce n’est pas mon truc, mais si c’est pour financer la création artistique, à la manière d’un Patreon, pourquoi pas. Des éditions signées plus cher, oui, n’hésite pas, tout le monde le fait maintenant, et cela ne me choque pas, ce sont celles que je commande à chaque fois. Des produits dérivés, oui, bien que je préfère des éditions plus luxueuses ou simplement un texte de chanson écrit à la main, parce que à la fin, tee shirts et mugs débordent sur les étagères. Mais pourquoi ne pas lancer une souscription comme l’avait fait Marillion pour Anoracknophobia, une souscription donnant accès à une édition limitée, te permettant de financer ton travail ou partie des mois avant la sortie de l’album ?
Idéalement il faudrait que certains « fans » comprennent que la majorité des musiciens vivent grace à un autre travail. J’ai en tête plein de noms de musiciens célèbres qui m’ont avoué être plombier, informaticien, commercial la semaine et batteur, chanteur, guitariste le weekend. La musique n’existe que par la passion de ceux qui la crée, de ceux qui en parlent, ceux qui l’écoutent. Ce n’est pas, sauf pour une minorité, une profession. Et pour continuer d’en profiter encore longtemps, il faut aider les groupes, acheter leur musique, ne pas la pirater, aller l’écouter en live, leur donner envie de continuer.
Je possède un avis sur tout, film, bande dessinée, livre, jeu vidéo, album, exposition, concert, politique, matériel photo, matériel audio, technologie, science. Donnez-moi un mixeur, je vous le chroniqurai. J’ai interviewé les plus grands, j’ai tutoyé les plus célèbres, je suis prêt pour une heure de tête à tête avec Trump. Sur YouTube, Facebook, Twitter, dans mon blog, mon webzine, sur Flickr, je partage mes gribouillages, communique ma passion, donne mon avis, critique, raconte…
Je suis un influenceur, c’est ainsi que l’on nous appelle. Mes écrits, mes vidéos modifient le comportement d’achat de mes followers. Ils veulent être moi, s’habiller comme moi, boire la même boisson que moi, conduire la même voiture que moi.
Un photographe m’immortalise dégustant une bière tout en écoutant le dernier vinyle de pop. Gros plan sur la cannette mousseuse et sur le nom du groupe, mon visage en second plan, celui que tout le monde le connaît, avec ce sourire béat. Shooting dans un jacuzzi remplit de champagne et de jeunes filles dénudées, sur le pont d’une croisière musicale, interviewant la rock star du moment.
Les marques s’arrachent mes espaces publicitaires. Les grands fabricants audio se battent pour que j’écoute la musique sur leur matériel hifi. Je suis le VIP des soirées de rock, les tourneurs déroulent le tapis rouge, me couvrent de cadeaux. Les plus belles chanteuses rêvent de partager, ne serait-ce qu’une nuit, mon lit à baldaquin. JC, mon JC, Oui , Oui, Ouiiiiiiii !
Nut ! Nut ! Nut ! Le réveil sonne, il est six heures, je dois me lever pour aller bosser. Aujourd’hui il faut changer les pneus de la flotte de Clio, commander du PQ, préparer la grande salle pour une réunion et briefer la femme de ménage sur l’utilisation de la serpillière. A 17h, s’il me reste un peu d’énergie, j’écouterai les fichiers mp3 reçus et transcrirai l’interview téléphonique d’un obscur groupe de prog en buvant un verre d’eau du robinet. Je regarderai une vielle série télé puis me battrait pour un peu de couette avec ma femme dans ma vieille maison qui tremble au passage des bus.
Je suis un influenceur, j’ai une chaîne YouTube que personne ne consulte, une page Facebook désertée, un blog confidentiel, un webzine avec moins de cinq cent pages vues par jour et un Flickr rempli de photos moches. Je suis un influenceur qui n’influence personne, n’intéresse aucun annonceur, ne vend aucun alcool, vêtement et cela me va très bien. Pour le jacuzzi, j’ai une baignoire. Et pour les bulles, devinez…
La planète ne tourne définitivement pas très rond. Aujourd’hui ce sont les musiciens qui interviewent les critiques. Mais où va-t-on ?
Guillaume, l’artiste qui se cache derrière The Odd Gallant, m’a contacté pour réaliser une interview du webzine Neoprog alors que j’aurai du, si j’en avais eu le temps, en réaliser une de lui, pour parler de son dernier et génial album Official One.
Ou comment flatter l’ego d’un chroniqueur prétentieux en le caressant dans le sens du poil pour s’assurer une prochaine bonne critique. Malin le Guillaume.
Lorsque les questions sont arrivées, j’ai eu immédiatement envie d’y répondre, mais ma chérie voulait se promener en forêt. Cruelle épouse. Elle sait bien pourtant que lorsque je reçois un paquet, il faut que je le déballe tout de suite. Une heure de supplice, à préparer des réponses dans ma caboche en marchant sous la frondaison avant de pouvoir coucher mes pensées sur le papier. Oui, je l’avoue, j’adore me raconter.
J’avais prévenu Guillaume, mes réponses ne seraient pas forcément consensuelles ni politiquement correctes. Cela n’a pas semblé le déranger un seul instant, alors je me suis lâché, vraiment, un pur bonheur, encore mieux que dans le blog. Le rock progressif français a sans doute été quelque peu égratigné au passage comme certains tourneurs, mais bon, peut-être est-ce mérité.
Ce n’était pas la première fois qu’un artiste me posait des questions sur le webzine, curieux de connaître son fonctionnement, ce qui m’a amené à cela, comment nous fonctionnons etc. Je n’imaginais même pas que cela puisse intéresser quelqu’un d’ailleurs. Mais c’est la première fois, hormis dans mes notes de blog, que cela est publié.
Les questions portaient sur le webzine, la musique, moi, le blog, vous pouvez, non vous devez aller les lire ici. C’est un peu comme un billet de blog au final, en plus dense, avec un parcours imposé par Guillaume au départ (ce que l’on appelle des questions). Ce fut une expérience très intéressante, jubilatoire même. J’ai répondu sans me poser de question, elles étaient déjà toutes rédigées, sans me censurer, je sais que tout n’est pas bon à dire, mais c’est si bon de le dire.
Pour les prochaines interviews voici les créneaux pour les phoners et Skype : 1er avril 2020 : 17h30, 18h00, 18h30, 19h30, 20h00.
J’avais presque promis que je ne ferai plus étalage de mes trésors musicaux, mais en fait j’en suis incapable. Il faut que je me la pète, c’est plus fort que moi, que je me plaigne : « ouin, j’suis triste, j’ai … Continuer la lecture →
Ocultée par l’écran noir de mes pensées, la lumière ne pénètre plus dans le salon. De doux ronronnements brisent le silence, le chat n’est pourtant pas là.
La fenêtre n’occupe plus tout l’immense mur et pourtant je ne trouve pas le menu.
Des pommes ? Pourquoi pas, mais à cette saison, elle sont hors de prix.
La lumière dans la pièce ne brille pas, je ne connais pas mon répertoire classique, vas-y qu’ils disent, encore faudrait-il savoir où aller.
Vingt-sept pouces ça en fait du monde sur le bord de la route à essayer de monter dans une voiture. Migrer d’un pays vers un autre est bien plus compliqué qu’il n’y paraît et cela prend des heures lorsque vous avez beaucoup de bagages, à condition encore de pouvoir emporter les dits bagages.
Un apprentissage douloureux devant un monstre pour retrouver des automatismes, le menu est en haut, encore faut-il lever le nez.
Plein de tunes à transporter dans une petite valise, des heures de remplissage à pleine vitesse, des heures de transbordage avec l’espoir que les billets ont cours ici.
Arrivé samedi midi, le monstre ne m’a laissé aucun répit depuis, recherches, essais, échecs, nouvelles tentatives, installations, incompréhension, et si j’avais fait le mauvais choix ?
La bête ronronne doucement alors que sa copine asthmatique peine à suivre le rythme infernal. L’une se dépouille, l’autre se gave, mélodies, paysages, concerts, portraits, messages… La grande migration a commencé, méga après méga, la chenille devient papillon mais j’aimerais bien aller dormir quelques heures, on vient de basculer à l’heure d’été, tout ça pour 0.07% d’économie d’énergie.
Dimanche matin, j’ai récupéré mes tunes, une sacrée aventure croyez-moi, restait encore la chambre noire, indispensable même à l’heure du numérique. Par chance Linux Torvals est une vieille connaissance sinon j’aurai eu quelques craintes avant le lancer le Script For a Jester’s Tear.
Larry Page aime bien les safaris, un problème de moins dans ma liste toute douce. Le soleil brille, encore une demie heure de transvasement si tout va bien.
Vous voyagez côté Pomme ou Fenêtre ? Gare à vous, si vous changez de fauteuil, cela pourrait être inconfortable plusieurs heures.
Si vous n’avez rien compris à ce post hallucinatoire, référez-vous à l’image. Je viens de divorcer de Microsoft pour épouser Apple, et croyez-moi, le passage de l’un à l’autre, ne se fait pas sans souffrance, même lorsque vous êtes un ancien informaticien.
Plus jeune, je me jetais dans la fosse aux lions, dans ces stades bondés pour écouter Pink Floyd ou Genesis. Trois heures avant le concert, j’étais déjà sur la pelouse, brûlant au soleil, priant pour mes idoles. Des stades, des Zéniths, des Palais des congrès, d’immenses bétaillères aux remparts sonores épouvantables pour des show à grand spectacle. Peter Gabriel à Bercy, Marillion à la Penfeld, des usines à rock où les concerts s’enchaînaient.
Puis, par la force des choses, ayant quitté la Bretagne, puis Paris, je suis descendu en gamme, dans des boites de conserves, où tassés comme des sardines à 1000, collés les un contre les autres, respirant les aisselles du voisin, fumant le pétard de la fille devant moi et sentant l’érection naissante de l’homme dans mon dos, je goûtais au plaisir de la basse de Sting, de la voix de Fish, des claviers de Clive Nolan.
Puis vînt l’âge de la curiosité, où j’eu envie d’écouter autre chose, qu’un sempiternel Marillion, Transatlantic ou Pendragon, envie de sortir des têtes d’affiches, de découvrir d’autres horizons. La période où je commençais également à consommer local, en circuit court et bio, à arpenter les petites salles où des groupes talentueux faisaient, pour certains, leurs premières armes. Des pubs, des bars, de petites salles associatives où vous pouvez déguster une mousse de qualité en écoutant de jeunes talents donner toutes leurs tripes pour une trentaine de spectateurs. Pas de mur de son, pas de rampes d’éclairages, pas de fumigènes mais une proximité unique avec les artistes, une ambiance familiale et des conditions agréables pour découvrir de nouveaux talents.
J’imagine bien que ces artistes rêvent de cinquante-miles spectateurs, d’effets pyrotechniques, d’écrans géants, de champagne, de groupies en folie. Mais pour moi, le vieux fan amoureux de musique, photographe amateur avide de concerts, les petites salles sont devenu mon paradis. Ras le bol des salles bondées, à la rigueur un petit Zénith de temps en temps pour m’offrir une tête d’affiche, confortablement assis au-dessus de la fosse, mais ça, c’est parce que je suis vieux.
Chaque interview est une rencontre. Une rencontre avec un inconnu célèbre. Une trentaine de minutes de face à face, pendant lesquelles chacun doit trouver ses marques et écouter. Tout se fait très vite, après un rapide bonjour, deux banalités, la peur au ventre, face à des monstres sacrés du rock, il faut se lancer, avoir l’air professionnel, ne pas commettre d’impair, être à l’écoute et comprendre le chemin sur lequel veut vous conduire l’artiste.
Le chroniqueur n’arrive pas les mains dans les poches à une interview, il a préparé son travail, la biographie, la discographie, s’est plongé dans le dernier album du groupe, dans les textes. Hélas, il arrive que l’on sache quel personne on va interviewer à la dernière minute et là l’exercice devient délicat, il faut vite se renseigner, ré orienter les questions.
Souvent l’artiste pense que vous connaissez tout de lui et de la musique et vous parle de groupes ou de musiciens dont vous n’avez jamais entendu parler. Le tout c’est de ne pas paraître trop bête dans ces cas là et se renseigner après. Il arrive également que les questions posées dérangent, agacent. Ils faut alors bien lire les signes pour ne pas s’enfoncer d’avantage et ne pas transformer une interview sympathique en enfer.
Il arrive que les réponses soient non publiables, des réponses agacées, des skud lancés en direction d’autres artistes, des réponses à mourir de rire (oui mais s’il te plaît ne publie pas ça), des scoops énormes mais à garder au chaud pendant plusieurs mois car rien n’est vraiment signé.
Dans l’ensemble, nous nous en sommes pas trop mal sorti, même avec mon anglais pathétique.
Une interview c’est une semaine de stress, trente minutes de discussion et quinze à vingt heures de transcription, traduction, relecture et mise en page, tout ça pour moins d’une centaine de vues parfois. Pas rentable assurément. Alors nous avons décidé de n’en faire que pour le plaisir ou pour rendre service.
Mais comment résister à l’envie de rentrer dans l’intimité de la vie des artistes, s’installer dans leur loge, assister à la préparation de leur concert, les entendre parler de sujets improbables, rire, parler de leur passion, la musique, découvrir la personne qui se cache derrière l’icône rock, doubler la file de fans attendant l’ouverture des porte et rentrer dans le saint des saints, sous les regards dégoûtés des groupies frigorifiées par une pluie glaciale qui attendent là depuis des heures ?
Mon interface neurale d’association visage/prénom est défectueuse et croyez-moi, c’est un sérieux handicap dans la vie.
Même des personnes que je croise régulièrement peuvent perdre leur identité en peu de temps.
Imaginez moi criant « oh Joséphine » dans un moment d’intimité avec mon épouse Isabelle. Oui ce serait embarrassant, mais là, il se peut que le problème soit ailleurs.
Dans la vraie vie, j’ai du mal a mettre un prénom sur un visage et inversement. Alors quand il s’agit de rencontres IRL, tout devient plus compliqué. Tant que l’on en reste à des échanges sans importance, tant que le pseudo ne change pas ou que l’image de profil reste constante, je m’en sors honorablement. Mais dès qu’un changement survient, c’est la panique. Qui est-ce, un lecteur, un musicien, un promoteur, un contact, un ami ? Les malentendus sont légion et parfois embarrassants.
Le cauchemar absolu c’est lorsque l’échange virtuel se concrétise dans le monde réel, vous savez, les sites de plan c…, je veux dire de rencontre. Enfin bref, lorsqu’une personne avec qui j’ai échangé des mois durant sur Facebook se retrouve face à moi, c’est le drame. Si le visage me dit quelque chose, je ne situe plus la personne, son occupation, le lien qui nous uni, et bien entendu son prénom.
Donc je fais le mort. Je ne vais pas vers les gens. J’attends qu’ils fassent le premier pas. C’est d’ailleurs ce que j’ai toujours fait avec les filles, mais ça c’était pour éviter les râteaux.
Quand j’arrive à un concert, c’est souvent le drame. Dans la queue y a des personnes qui me disent bonjour. Alors je dis « salut ». Mais bien souvent je ne sais absolument pas de qui il s’agit. Je vous assure je ne fais pas le fier, je ne suis pas une star non plus avec 10000 fans, j’ai juste un problème d’interface neurale. Il y a bien des bouilles que je remets à force, mais les prénoms, quelle chianlie !
Bref je ne fais le mort. Si la personne me reconnait, et qu’elle désire me parler, commence alors un étrange manège :
Monsieur X – ‘Salut JC’.
Oups, c’est qui là ? Il a une gratte en main, ça doit être un zicos.
Moi – ‘Heu salut’
Monsieur X – ‘C’était cool ton article là sur nous’
Merde, c’est qui nous ?
Moi – ‘Ben c’est sympa ce que vous faites aussi’.
Monsieur X – ‘J’espère que tu vas aimer ce soir’
Bon y a deux groupes ce soir, trois guitaristes, c’est bien une guitare ? Te mouille pas trop.
Moi – ‘Je suis certain que ça va être super, vous jouez en premier ?’
Monsieur X – ‘Oui, comme ça on sera moins crevé ‘
Ha j’approche. Ils ont deux guitaristes les toulousains.
Moi – ‘Ben oui avec la route c’est fatiguant’
Monsieur X – ‘Oui enfin on a 30 km à faire, c’est pas la mort’
Putain, c’est le groupe local, ils ont inversé la programmation les cons !
Moi – ‘Oui bon mais quand même’
ça y est je vois le groupe, maintenant c’est quoi son prénom, David, Donald, Darwin, ça doit être David, on a jamais vu un alsacien s’appeler Donal ou Darwin sérieusement. Reste prudent quand même...
Monsieur X – ‘Au fait, tu n’as pas vu David ?’
Rhooo putain !
Moi – ‘Heu non, pas encore…’
Monsieur X – ‘Faut que je lui file sa guitare’
Putain c’est qui lui ?
Monsieur X – ‘Bon je te laisse JC, faut que je trouve à tout de suite’
‘Oui à toutes’
Putain putain putain, mais quelle buse !
Voila, vous savez tout maintenant. Mais pas la peine de me faire le coup du « coucou chéri » en me sautant dans les bras, car je reconnais les hommes des femmes, enfin le plus souvent, et mon épouse, après 26 ans de mariage, je sais à quoi elle ressemble.