Aisles – Obras de los Jaivas

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Alors que je traversais une grave crise musicale, le dernier EP des chiliens du groupe Aisles m’a sauvé. J’avoue que depuis la sortie de leur précédent album Beyond Drama et Bahamut, l’EP électro cinématique qui a suivi, je ne sais plus vraiment où en était le groupe avec son chanteur.

Avec Obras de Los Jaivas, le quatuor propose vingt-cinq minutes en quatre morceaux interprétés par autant d’artistes. Et cette fois c’est en espagnol que cela se passe.

Leur travail n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui de Esquirla, la fabuleuse rencontre improbable de Nino de Elche avec le groupe de post-rock Toundra.

Sur Obras de Los Jaivas on retrouve bien la musique de Aisles mais pour ce qui est du chant, on est plus proche du flamenco que du rock progressif. Et cela va certainement dérouter plus d’un fan du groupe.

C’est particulièrement vrai sur le magnifique morceau chanté par Kuervos del Sur, ‘La Poderosa Muerte’. Plus de onze minutes progressives d’une incroyable puissance qui allient instrumental et chant rugueux en espagnol.

Mais je m’emballe, parlons déjà du premier titre. ‘La Conquistada’ chanté par un fan chilien de Queen, à savoir Nico Borie qui fait plein de reprises sur sa chaîne Youtube. Sa manière de chanter fait beaucoup songer au groupe italien Nosound que j’adore, jusqu’à ce que la musique s’emballe et là je retrouve le Aisles que je connais bien.

‘La Mira Ninita’ est nettement plus consensuel que ‘La Poderosa Muerte’. Une jolie ballade à la manière de ‘Hijo de la Luna’ de Mecano où chante la délicieuse Dulce y Agraz.

Enfin ‘Sube a Nacer Conmigo’ qui termine l’EP reprend les sonorités électro prog de Aisles sur le chant traditionnel de Nano Stern. Le contraste entre les deux univers est saisissant mais il fonctionne. A condition d’avoir apprivoisé le morceau, ce qui n’est pas forcément évident.

Evidemment, cet EP est pour le moins étrange. Du rock progressif électro chanté pour une fois en espagnol avec de fortes consonances folk, ça ne court pas vraiment les rues. En plus, lorsque deux des chanteurs viennent de la musique traditionnelle chilienne, il y a de quoi en déstabiliser plus d’un.

Pour ma part je trouve ça audacieux de la part de Aisles de se remettre une nouvelle fois en question. Et j’aime ça chez les artistes.

La bonne nouvelle c’est que Obras de Los Jaivas m’a sorti de ma morosité musicale et rien que pour cela, je vous invite à écouter cet OVNI qui est disponible sur Bandcamp.

Le trio de Schubert

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Mon épouse joue du violoncelle et du piano. Le violoncelle en orchestre (enfin l’an passé et peut-être l’année prochaine) et le piano sous toutes ses formes : en solo, à quatre mains, en duo, en trio et bientôt semble-t-il en quatuor. 

Cette année elle travaille le trio de Schubert Op 100, une pièce pour deux flûtes de Franz Doppler sans parler de Ma Mère L’Oie de Ravel à quatre mains et d’une suite pour violon et piano jazz de Claude Bolling. Oui, ça fait beaucoup !

Une partie des répétitions se déroulent à la maison autour du Schimmel qui n’avait jamais connu autant d’invités. Autant dire que ça défile les soirs de semaine et le week-end. Les vélos s’entassent dans les dépendances, les manteaux pendent aux chaises, les étuis de violoncelle, de violon et de flûte encombrent les canapés du salon, trois chevalets tournent autour du piano et des piles de partitions traînent un peu partout, de la cuisine jusque dans la chambre, et même sur le lit conjugal.

Pauvres voisins ! Ma chérie joue Schubert avec deux trios différents avec pour objectif de se produire à quatre occasions dont une à la maison. Le Doppler a été interprété au conservatoire de Strasbourg le 2 juin en prélude au concert de l’orchestre Delius. Mais Schubert a été également sélectionné pour remplacer un quatuor de Mozart si bien que ma chérie jouait sur scène presque aussi longtemps que l’orchestre lui même.

Sur notre calendrier je vois cochés le vendredi 17, le samedi 18, le lundi 21, le jeudi 23, le vendredi 24, le samedi 25 et le dimanche 26, réservés pour la musique alors que pour ma part j’ai noté le vendredi 17, le mardi 21, le vendredi 24, le samedi 25, tous pris par la photo et l’astronomie. Nous avons un dimanche et un mercredi de libres ensembles pour nous voir. Heureusement que nous travaillons dans la même boite.

J’ai perdu le compte des auditions programmées et des prénoms des musiciens : Clara, Olivia, Shara, Lila, Florent, Rémy, Adrien, Delphine, Audray … « Bonjour, c’est gentil de nous accueillir chez vous, on ne fait pas trop de bruit ? ». La maison est un véritable moulin à musiciens et quand ils ne sont pas là, le piano résonne dans la maison accompagné par un CD ou un vieux vinyle de Schubert enregistré en 1976 pour avoir un son plus organique.

Bien évidemment, en tant que conjoint, je suis également son premier fan. J’assiste à presque toutes les répétitions, de toute façon, même avec un casque à réduction bruit je reste aux premières loges et je vais aux auditions. Je ne suis pas obligé, mais si je n’y vais pas, que va-t-elle penser de moi ? Qui la soutiendra avant, qui lui dira si c’était bien après, qui fera les photos ? (Ok, pour ce dernier point c’est l’excuse). Bon des fois, elle ne veut pas que je vienne, comme pour le 2 juin par exemple, alors je n’y suis pas allé.

Peut-être qu’en lisant ces lignes, vous allez vous imaginer que ma vie est un enfer. Ma vie est effectivement un enfer, mon enfer personnel. Mais la musique c’est ma vie, que ce soit la musique classique ou le rock. Il y a presque toujours de la musique qui résonne dans la maison, jouée ou enregistrée. Et une des qualités qui m’a séduit chez mon épouse, outre son charme irrésistible, c’est qu’elle est musicienne et joue du piano. Alors si la maison est envahie d’instruments avec les personnes qui vont bien, je ne vais pas me plaindre. J’ai droit à plein de récitals privés dans le salon et je suis très fier de ma musicienne adorée.

La Panne

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Peut-être est-ce parce que je suis sous l’eau, au sens propre comme au figuré, toujours est-il que depuis quelques temps j’ai vraiment du mal à trouver des albums qui m’enthousiasment. 

J’ai acheté dernièrement pas mal de disques d’artistes que je suis depuis longtemps et qui n’auront pas de chronique ici car je ne leur trouve rien de vraiment particulier. Le Jo Beth Young m’a laissé indifférent, le Kyros m’a agacé, le Alase n’a pas su me séduire et j’ai été partagé par Madder Mortem. 

Bref je suis en panne.

J’attends pas mal de sorties comme IZZ, Marjana Semkina, Rendezvous Point, Airbag ou Evergrey mais je me demande si l’une d’entre elle saura me secouer suffisamment pour que j’en parle dans les chroniques.

Un des CDs qui tourne en boucle en ce moment à la maison vient du label Deutch Grammophon pas vraiment spécialisé dans le rock progressif. Il s’agit d’un quatre mains au piano de Prokofiev et Ravel joué par Martha Argerich et Mikhail Pletnev. Une merveille ! Vous voyez à quel point la crise est profonde.

Imaginez votre trombine si je me mettais à parler de musique classique dans les Chroniques en Images. Déjà qu’avec du Gleb Kolyadin je n’en étais pas si loin, mais si je donne dans le Wagner et le Rachmaninov je vais me retrouver très seul sur Youtube.

Rassurez-vous j’écoute toujours de la musique. Je surfe sur Bandcamp à la recherche de la perle rare et comme je ne trouve pas grand-chose, je me replonge dans la collection de vinyles et de CD qui recèle quelques valeurs sures.

Je me suis retourné vers le mur de CD et j’ai pioché un peu au hasard des disques que je n’avais pas écouté depuis très longtemps : IQ, Ravel, Klone, Dream Theater, Schubert, Tiles, Transatlantic, Prokofiev, Marillion… quand j’arriverai à Selling England By The Pound j’aurai fait le tour de la collection, mais j’ai pas mal de temps encore devant moi.

En attendant que je le ressaisisse, vous pouvez toujours me proposer vos découvertes, qui sait, je trouverais peut-être mon bonheur si vous évitez le post-rock instrumental, la pop, l’électro, le prog seventies, les cover Pink Floyd et Porcupine Tree, le metal trop trash, les pseudo Mike Oldfield, le Punk, le Grunge, le Classic Rock, les trucs datant d’un siècle, le symphonico choucroute et tout le reste. 

C’est grave docteur ?

Wheel – Charismatic Leaders

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J’ai découvert le groupe Wheel en 2021 encore une fois grâce à Stéphane avec l’album Resident Human qui n’a pas eu droit à une chronique dans ces colonnes. Un trio autrefois quatuor venu d’Helsinki qui sort avec Charismatic Leaders son troisième album en plus de trois EPs depuis 2017.

Il n’y a pas très longtemps je m’étais offert justement Rumination, un EP trois titres sorti en 2022 d’un peu moins d’un quart d’heure qui me semblait trop bref pour en faire une chronique malgré de très bons morceaux comme le fabuleux ‘Blood Drinker’.

Je me suis réservé pour leur album en devenir Charismatic Leaders qui vient justement de sortir chez Inside Out. Il s’agit d’un disque d’un peu plus de trois quart d’heure pour sept morceaux dont trois frisent ou dépassent les dix minutes.

Wheel a été clairement marqué par l’influence de Tool (écoutez ‘Submission’), une sorte de metal progressif alternatif pas forcément très typé mais qui s’écoute admirablement bien. Ils possèdent également un je ne sais quoi de Soen dans leur manière d’aborder le metal progressif même si un titre comme ‘Porcelain’ nous ramène clairement plus vers le grunge.

La section rythmique est au cœur des compositions de Charismatic Leaders, souvent à la frontière du djent, avec un basse très présente (même s’ils n’ont plus de bassiste) et un chant relativement neutre mais nettement plus agressif, à la limite du growl parfois.

Il faut dire que dans Charismatic Leaders, le groupe s’attaque aux politiciens avides de pouvoir qui gouvernent notre planète, un vaste sujet qui peut fâcher.

Au milieu des ses sept pistes, ‘Disciple’ fait bande à part. Il s’ouvre sur quelques notes de violoncelle, s’appuie sur un duo basse guitare très rythmique et débride un chant resté jusqu’à présent très contrôlé.

Il est suivi par l’unique et très court instrumental andalou ‘Caught in the Afterglow’ qui lance le titre final de plus de dix minutes, le magnifique ‘The Freeze’. Un morceau à deux vitesses, d’abord lent et récitatif qui dans sa seconde moitié libère toute l’énergie retenue dans les cinq premières minutes. Nous y retrouvons une des trop rares sections instrumentales de cet album très chanté où guitare, basse et batterie s’affrontent une poignée de secondes.

Même si Charismatic Leaders n’est pas le genre d’album écrit sous la forme d’une sinusoïde mais plutôt de manière assez linéaire, il n’en reste pas moins addictif et le plus souvent, malgré sa durée, il n’est pas rare que je le repasse une seconde puis une troisième fois au casque.

Je ne peux donc que vous le recommander chaudement.

Fierce Deity – A Terrible Fate

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Après Power Wisdom Courage en 2021, Fierce Deity revient cette année avec un nouvel album intitulé A Terrible Fate. Pour rappel Fierce Deity donne dans le power metal symphonique grandiloquent à la manière de Ayreon. Un projet solo de Jonathon Barwick sur lequel plusieurs de ses amis font des apparitions : Jeiel Roper, Brett Collidge, Tom Howard, Thor et Joe Haley.

A Terrible Fate propose six morceaux de quatre à neuf minutes le tout pour une durée totale de trois quart d’heure pendant lesquels Jonathon nous raconte l’histoire d’un dieu hantant un désert glacé.

Les morceaux de A Terrible Fate vont du power metal au symphonique électro en passant par un peu de folk comme dans ‘Paralysis’. On y trouve également du métal oriental façon Stargate (le film que j’ai revu il n’y a pas si longtemps) dans ‘LEViARACH’, mais aussi profusion de chœurs et des voix enregistrées.

Il y a des titres vraiment pêchus comme ‘A Life of Hate’ ou ‘A Terrible Fate’  et d’autres nettement plus contemplatifs dans le genre de ‘Nekot’s Shrine’, le seul instrumental de l’album ou ‘Paralysis (Into the Wind)’. Autant dire que c’est pour le moins varié.

Mon titre préféré reste de loin le ‘Deadworld’ caché au milieu de l’album. Ne me demandez pas pourquoi, je n’ai pas vraiment d’explication, peut-être est-ce dû  au chant, toujours est-il que c’est le morceau sur lequel mes oreilles s’attardent en détail à chaque fois.

La pochette n’est pas une image d’IA ni une photo tirée d’une banque d’images mais une peinture. Celle d’un voyageur armé d’un arc long qui chemine dans un paysage désolé sous un ciel chaotique vers le temple qui se dresse à l’horizon, telle une tour noire. De multiples lunes et quelques étoiles brillent dans le ciel mais c’est un vortex blanc d’où tombent des pattes aracnoides qui illumine la nuit, juste audessus du temple. Une illustration digne d’une campagne de jeu de rôle à laquelle j’aurai bien voulu participer.

A Terrible Fate possède un côté geek pompier grandiloquent, mais à côté du travail d’Arjen Lucassen, Jonathon reste quand même petit joueur. D’ailleurs, je l’ai déjà dit, il y  beaucoup de points communs entre cet album et un Into The Electric Castle de Ayreon par exemple comme le début instrumental de ‘A Terrible Fate’.

Fatalement, l’album n’est pas follement original, par contre il est vraiment excellent, surtout si l’on considère qu’il s’agit d’un projet solo. Alors allez le découvrir, il est sur Bandcamp.

Tiger Moth Tales – The Turning Of The World

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Pete Jones

Si je ne suis pas forcément un fan de Tiger Moth Tales, j’adore l’album The Whispering Of The World de Pete Jones.

The Turning Of The World est son disque compagnon, des titres principalement acoustiques dans la même veine qui mélangent mélancolie et joie de vivre sur douze titres musicalement très variés.

Autant vous prévenir tout de suite, ici, il ne s’agit pas de rock progressif, encore moins de métal, mais plus de variété et de chansons à texte. Mais voilà, je n’ai pas pu m’en empêcher, il fallait que je vous parle de The Turning Of The World.

L’album commence sur un étonnant morceau de moins d’une minute intitulé ‘The Gataway’. Le titre me fait penser à une annonce de la fin du monde. Des téléphones portables sonnent tous ensemble au milieu de la foule, des détonations couvrent des hurlements avant qu’un avion à réaction ne frôle les têtes d’une foule terrifiée. Il s’agit peut-être d’une énorme fête avec ces cris de joie, et ces pétards bien que plusieurs éléments comme le battement de cœur et des sons d’acouphènes me font plutôt pencher pour la première version. A la fin de cette poignée de secondes énigmatiques, des petits oiseaux gazouillent, tout semble à nouveau apaisé.

The Turning Of The World

The Turning Of The World correspond sans doute assez bien à mes états d’âme actuels, une des raisons pour lesquelles il a trouvé un écho tout particulier à mes oreilles.

Car la musique n’est vraiment pas celle que j’écoute d’ordinaire. Je pense particulièrement à des morceaux dansants comme ‘Pass It On’ ou encore ‘The Beautiful People Of Munchwald’ qui racontent de beaux moments passés entre amis.

En fait, ces titres “légers” contrebalancent d’autres nettement plus graves comme le magnifique ‘The Snail, The Horse And The River’ ou bien ‘You Reached For My Hand’ qui parle du père de Pete.

Il y a également des pièces aux intonations plus folk comme ‘So Wonderful To Be Alive’ avec ses percussions, ‘We’ll Remember’ où résonne une flûte sur une mélodie toute simple à la guitare ou ‘The Lock Keeper’ également joué à la guitare sans artifice.

De nombreux instruments apparaissent dans cet album, saxophone, flûte traversière, percussions, accordéon sorti des classiques claviers, basse, batterie, guitares sans que je puisse créditer ici les musiciens s’il y en a d’autre que Pete Jones. Donc je ne m’aventurerai pas à affirmer ici qu’il s’agit d’un album solo.

Mon morceau préféré est le long ‘The Snail, The Horse And The River’ qui frise les neuf minutes et qui me chamboule à chaque écoute. Une pièce lente et mélancolique, à l’instrumentation très sobre, qui me rappelle beaucoup son précédent album The Whispering Of The World.

Mais pour tout vous avouer, chaque morceau de The Turning Of The World parle à mon cœur d’une manière ou d’une autre et j’aime l’album dans son intégralité.

Cela pourra sembler surprenant à certains que je me complaise dans ce genre d’atmosphères après avoir écouté du métal dur, du rock progressif alambiqué et du cinématique atmosphérique, mais voilà, je suis comme ça et j’aime beaucoup cet album.

Je ne peux donc que vous le recommander chaudement comme The Whispering Of The World si vous ne l’avez pas encore écouté.

Rétrospective

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Depuis peu, j’ai remis en place l’archive du webzine Neoprog fermé en mai 2020. Et tant qu’a disposer de cet outil, je me suis dit, pourquoi pas l’alimenter avec les chroniques rédigées depuis ?

On parle ici de près de trois années d’écoute à raison d’un disque par semaine à rentrer dans la base de données. Un travail fastidieux que j’entreprends lorsque je m’ennuie. Si si, ça m’arrive même à moi.

Je retombe sur des albums que je n’ai parfois pas écouté depuis très longtemps. Et j’avoue que c’est assez troublant de les redécouvrir.

Je me souviens le plus souvent des morceaux, de l’atmosphère du disque mais il arrive aussi que je tombe sur une pochette et un nom de groupe qui ne m’évoque plus rien du tout. Je l’exhume alors de ma collection et me plonge dans sa musique, comme si c’était la première fois. Et des fois, je me dis, « j’ai vraiment aimé cette horreur ? » ou bien, « mais pourquoi suis-je passé à coté de cette merveille ? ».

La musique est question de moment, d’état d’âme. Son appréciation est éminemment subjective et les chroniqueurs qui se disent objectifs dans leurs avis me font bien rire. 

Il y a des critères solides comme la qualité de la production et le mixage. Ceux-là ne se discutent pas vraiment, encore que, un enregistrement live analogique n’aura pas la même perfection que des prises en numérique piste par piste. Même si la restitution du premier sera plus organique.

Après il y ne reste que des notions subjectives, le timbre du chanteur, le style du guitariste, le genre musical, l’émotion provoquée par les paroles, les couleurs du mixage, l’enchaînement des morceaux, leur durée…

Une chronique c’est avant tout un feeling entre un être humain dans un certain état d’esprit à un instant t et un album écrit et mixé par plusieurs personnes sur plusieurs mois. La probabilité que ces temporalités et personnalités entrent en phase est assez faible au final.

Bref, tout ça est très subjectif et sujet à changements.

Night Verses – Every Sound Has A Color In The Valley Of Night

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Night Verses

Vous savez sans doute combien les albums instrumentaux peinent à atteindre la zone du plaisir de mon cerveau. C’est principalement dû à mon appétence toute particulière pour les voix. Mais de temps en temps, un disque vient bouleverser l’ordre établi et je tombe amoureux d’une galette de post-rock.

Alors merci à Alice de Bandcamp qui m’a fait découvrir, sans le savoir, le groupe Night Verses et leur dernier album Every Sound Has A Color In The Valley Of Night. Une heure cinq quasi instrumentale en quatorze morceaux.

Le trio californien joue du rock progressif instrumental entre djent, post-rock et cinématique où de rares invités poussent la chansonnette.

Si le post-rock ne trouve pas souvent grâce à mes oreilles, c’est que souvent il tourne en rond et qu’au bout de trois titres je m’assoupis.

Every Sound Has A Color In The Valley Of Night

Ici, Night Verses ne se répète pas une seule fois pendant plus d’une heure. Chaque morceau est une nouvelle expérience sensorielle qui ne laisse aucun répit aux neurones.

On retrouve dans leur musique des influences comme Toundra, Plini, Tesseract, Earthside mais également des passages stoner, space rock et même folk.

Outre les voix enregistrées qui hantent certains morceaux, deux titres sont chantés : ‘Glitching Prims’ avec Brandon Boyd du groupe Incubus et ‘Slow Dose’ au chant féminin non crédité. J’avoue que la performance de Brandon m’enthousiasme assez peu, par contre j’aime beaucoup la voix sur ‘Slow Dose’ qui lui donne une touche folk.

D’autres invités jouent sur Every Sound Has A Color In The Valley Of Night comme le bassiste de Tool, Justin Chancellor, Author & Punisher ou bien Anthony Green.

On ne va pas se mentir, parfois Night Verses met la patate comme dans ‘Arrival’, ‘Karma Wheel’, ‘Plaque Dancer’ ou ‘Phoenix V: Invocation’. On rencontre également des écritures plus subtiles à la manière de Plini dans ‘Aska’ ou ‘Cristal X’ par exemple.

Every Sound Has A Color In The Valley Of Night m’a pris par surprise. Je ne m’attendais pas à accrocher autant sur un album instrumental. Pourtant c’est bien ce qui m’arrive et il va de ce pas rentrer dans la liste des sérieux candidats à l’album de l’année.

Ne passez surtout pas à côté de cette merveille.

Chef d’orchestre

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Je prépare une nouvelle série de quatre photographies pour l’exposition du mois d’octobre. 

Et sans trahir mes goûts, j’aimerais présenter un travail qui rencontre un peu plus de succès que les ruines de Pompéi qui ont fait un bide. 

Des photographies en noir et blanc très contrastées sur un thème qui me tient à coeur : la musique. 

L’an passé j’avais proposé une série sur des concerts de rock à l’association mais elle n’avait pas été retenue. Cette année je vais tenter des portraits de chefs d’orchestre.

Depuis que je fais de la photo de concert, j’ai eu l’occasion de photographier des ensembles amateurs ou professionnels et je dispose d’une petite collection de portraits de chefs en pleine action. 

Il y a des clichés d’ensemble avec l’orchestre, des gros plans académiques à la baguette mais aussi des portraits nettement moins politiquement corrects. 

Au bout du compte, je dispose d’une dizaine d’images exploitables pour réaliser une série de quatre : un vieux chef vénérable, un jeune huluberlu, un coincé de la baguette, j’ai pas dit braguette, un chef d’harmonie jovial et un dernier plus enrobé. 

Mais comme l’a fait remarquer mon épouse qui a participé à la sélection (je ne fais plus du tout confiance à mes goûts), je n’a pas de femme chef d’orchestre.  Il faut dire que ce n’est pas courant en fait. 

Ma chérie m’a alors dit qu’elle connaissait une chef qui se produisait une semaine plus tard avec un orchestre amateur pas très loin de Strasbourg. Il suffisait juste de la contacter et de lui demander l’autorisation de venir photographier le concert.

J’ai l’habitude de contacter les salles de concert ou les tourneurs pour obtenir des accréditations dans le monde impitoyable du rock. Moins de contacter les chefs d’orchestre. 

J’ai envoyé un message à la dame, présentant mon travail et expliquant ma démarche sans toutefois mentionner que je cherchais à réaliser un portrait féminin de chef d’orchestre, ceci afin d’éviter de l’effrayer. Il ne faut pas oublier que mes voisins me prennent pour un pervers. Si elle faisait une enquête de voisinage, j’étais très mal.

Après quelques échanges, « que ferez-vous des photos, demandez-vous une rémunération, droit à l’image » etc, la chef a donné son accord de principe et je pouvais même assister au filage histoire de prendre les marques. C’était plutôt cool.

Le jour J, je suis parti avec mon épouse (qui me surveille) équipé du set standard de concerts : Nikkor 24-70 mm 2.8 s, Tamron 70-200 mm 2.8 avec la bague FTZ, Samyang 14 mm 2.7, Nikon Z6 II, Nikon Z8, un flash Godox, trois batteries, un sac photo et un harnais. Une focale de 24 à 200 mm couverte avec deux boîtiers et un flash au cas où les musiciens désireraient avoir une photo de groupe.

Tout ça dans un sac Flipside 400AW de chez Lower pro. Par contre, c’est lourd.

Le concert se passait dans une belle église de Saverne avec un magnifique cloitre. Le régisseur m’a accueilli et montré les endroits auxquels je pourrais accéder pendant le récital sans déranger les musiciens. Royal. Je pouvais shooter du haut de la chaire ou bien du fond de l’église, là où l’organiste s’installe comme dans les travées. J’ai pris mes marques pendant le filage en profitant pour réaliser des images qui seraient impossibles une fois le public installé.

Ce fut pendant ce filage que j’ai eu mon petit bonheur photographique. La violoniste soliste invitée profitait d’une pause pour se recentrer avec son instrument dans le cloitre alors désert où je faisais moi même une pause au soleil. Difficile de résister au sujet. Un belle violoniste répétant son solo dans un cloitre où le soleil jouait avec les colonnes. Alors j’ai osé, osé demander l’autorisation de la photographier, chose qui d’ordinaire me paralyse. Et la jeune fille a dit oui, avec le sourire en plus. Alors je me suis lâché, sans être trop lourdingue tout de même. Je tiens sans doute ici mon plus beau portrait de musicien.

Pour la chef d’orchestre, l’affaire s’est révélée plus compliquée que prévue. L’agencement des musiciens et la proximité avec le public ne me permettait pas d’avoir un champ dégagé sur la chef tant et si bien que je ne suis pas certain d’avoir le cliché que je cherchais.

Par contre j’ai réalisé pas mal de photos d’ensemble, quelques portraits de musiciens et de choristes que l’orchestre pourra utiliser pour son book. Environ quatre cent images dont je ne devrais conserver qu’une petite quarantaine entre les redites et les loupés, mon fameux Dix pour-cent.

Who Gods Destroy – Insanium

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Who Gods Destroy

Sons of Apollo n’est plus. Mike est retourné chez Dream Theater et Derek s’est retrouvé presque tout seul devant ses claviers. Alors il a cherché de nouveaux virtuoses avec Ron Thal, l’autre survivant de la débâcle, et ils ont monté le projet Whom Gods Destroy.

Insanium, leur premier effort, affiche près d’une heure de metal progressif survitaminé et dix morceaux de trois à sept minutes.

Je me suis pris en pleine figure les deux premiers titres ‘In The Name Of War’ et ‘Over Again’ au milieu des hurlements de Dino et j’ai crié “Le roi est mort, vive le roi !”. Parce que franchement, ils déchirent ces deux-là.

Mon enthousiasme a été quelque peu douché avec ‘The Decision’ qui fait ici figure de tafiole en comparaison des deux premiers, un titre un peu à la manière d’un James Labrie en phase amoureuse.

Le problème c’est qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé et ‘Find My Way Back’ est encore moins énervé, faisant songer cette fois à une balade de Ayreon. J’aime beaucoup le morceau, d’autant qu’il joue de belles sonorités vintages, cependant je peine à lui trouver une place dans Insanium.

Sorti de ces deux bleuettes et du bonus track un petit peu too much (mais que j’aime bien), le premier opus de Whom Gods Destroy dépote furieusement, rugueux à souhait, grandiloquent comme j’aime, puissant, technique, limite grandiose.

Le seul instrumental de trois minutes et vingt-quatre secondes (soyons précis), vient donner la parole exclusivement aux musiciens (ben oui c’est ce que l’on appelle un instrumental quoi). ‘Hypernova’, tel est son nom,  fait inévitablement songer à un certain titre de Dream Theater, trop connu pour être cité ici (je dis ça parce que je ne me souviens plus de son nom), preuve que le nouveau projet n’a pas inventé la poudre, mais on s’en fou, ça dépote.

Who Gods Destroy - Insanium

La pochette est à l’image de la démesure de l’album, un dieu assis sur son trône, versant des larmes de sang en contemplant sa misérable création qui s’entretue à ses pieds.

Le problème de Insanium c’est que les deux premiers morceaux sont tellement puissants qu’ils éclipsent le reste de l’album.

Mon titre préféré est le second, ‘Over Again’, au refrain scandé absolument grandiose servi par une musique à la fois vintage et moderne où la basse de Yas Nomura joue des trucs surpuissants sur la guitare folle de Ron et la batterie de Bruno qui n’a rien à envier à Mike.

Insanium est une grosse baffe metal progressive à écouter très fort pour emmerder les voisins. J’en arriverai presque à trouver l’album meilleur que le dernier Sons Of Apollo, MMXX, qui reste pour moi un sommet du genre.

Du coup, vous savez ce qu’il vous reste à faire et ça tombe bien puisque l’album est sur Bandcamp.